Opinion of Advocate General Kokott in Commission v Spain (Plans de gestion des déchets)

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:682
Celex Number62018CC0642
CourtCourt of Justice (European Union)
Date05 September 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 5 septembre 2019 (1)

Affaire C642/18

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

« Recours en manquement – Environnement – Directive 2008/98/CE – Déchets – Plans de gestion des déchets – Évaluation et révision – Délai – Notification à la Commission – Communautés autonomes des îles Baléares et des îles Canaries »






I. Introduction

1. La directive relative aux déchets (2) prévoit l’établissement de plans de gestion des déchets ainsi que leur évaluation et révision réguliers. La présente affaire doit permettre de déterminer si l’Espagne a mené à temps cette révision dans deux régions. À cet égard, est déterminant le point de savoir si cette révision doit être achevée avant un certain délai. La règle applicable a été introduite ultérieurement dans la directive relative aux déchets et n’est malheureusement pas rédigée de manière particulièrement claire sur ce point.

II. Le cadre juridique

2. L’article 28 de la directive relative aux déchets oblige les États membres à établir des plans de gestion des déchets et en précise le contenu :

« 1. Les États membres veillent à ce que leurs autorités compétentes établissent, conformément aux articles 1er, 4, 13 et 16, un ou plusieurs plans de gestion des déchets.

[…]

2. Les plans de gestion des déchets établissent une analyse de la situation en matière de gestion des déchets dans l’entité géographique concernée, ainsi que les mesures à prendre pour assurer dans de meilleures conditions une préparation des déchets respectueuse de l’environnement en vue de leur réemploi, recyclage, valorisation ou élimination et une évaluation de la manière dont le plan soutiendra la mise en œuvre des dispositions et la réalisation des objectifs de la présente directive.

3. […] »

3. L’article 30, paragraphe 1, de la directive relative aux déchets régit l’évaluation et le réexamen des plans :

« Les États membres veillent à ce que les plans de gestion des déchets et les programmes de prévention des déchets soient évalués au moins tous les six ans et révisés, s’il y a lieu, et, dans l’affirmative, conformément aux articles 9 et 11. »

4. Les articles 9 et 11 de la directive relative aux déchets contiennent certains objectifs quant à la prévention des déchets ainsi que pour le réemploi et le recyclage.

5. Conformément à l’article 33, paragraphe 1, de la directive relative aux déchets, la Commission doit recevoir notification :

« Les États membres notifient à la Commission les plans de gestion des déchets et les programmes de prévention des déchets visés aux articles 28 et 29, une fois qu’ils les ont adoptés, ainsi que toute révision notable de ces plans ou programmes. »

6. L’article 40, paragraphe 1, de la directive relative aux déchets précise le délai de transposition :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 12 décembre 2010.

[…] »

III. La procédure précontentieuse et les conclusions des parties

7. Le 18 novembre 2016, la Commission invitait l’Espagne à présenter ses observations notamment sur le grief tiré de ce que, dans certaines régions espagnoles, les plans de gestion des déchets n’auraient pas été révisés dans les délais. Suite à la réponse de l’Espagne, la Commission a adressé à cet État membre, le 14 juillet 2017, un avis motivé dans lequel elle lui fixait un dernier délai, expirant le 14 septembre 2017, pour mettre fin à la violation alléguée de la directive relative aux déchets. Le 12 octobre 2018, la Commission a introduit le présent recours.

8. Après avoir partiellement retiré sa requête initiale, la Commission conclut désormais à ce qu’il plaise à la Cour

– déclarer, conformément à l’article 258, premier alinéa, TFUE,

– qu’en n’ayant pas révisé les plans de gestion des déchets prévus par la directive relative aux déchets en ce qui concerne les communautés autonomes des îles Baléares et des îles Canaries, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 30, paragraphe 1, de cette directive ;

– qu’en n’ayant pas informé officiellement la Commission de la révision des plans de gestion des déchets en ce qui concerne les communautés autonomes des îles Baléares et des îles Canaries, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 33, paragraphe 1, de la directive relative aux déchets ;

– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

9. Dans la duplique, le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour

– déclarer le recours irrecevable ou, à titre subsidiaire, le rejeter dans intégralité, et

– condamner la Commission européenne aux dépens.

10. Les parties ont échangé des mémoires écrits.

IV. Appréciation juridique

11. Nous estimons que le recours est irrecevable car la Commission, comme nous l’exposerons ci‑après, a invité trop tôt l’Espagne à présenter ses observations sur le grief tiré de la révision tardive de plans de gestion des déchets. Par conséquent, ce n’est plus qu’à titre subsidiaire que nous nous pencherons ensuite sur le bien-fondé du recours, dans l’hypothèse où la Cour jugerait ce dernier néanmoins recevable.

A. Sur la recevabilité

12. Si, dans la duplique, l’Espagne conclut bien à l’irrecevabilité du recours, cette conclusion n’est accompagnée d’aucune motivation.

13. Elle serait en outre tardive en vertu de l’article 127 du règlement de procédure. Selon cette disposition, les moyens nouveaux en cours d’instance sont interdits, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. De tels éléments ne sont toutefois pas apparents.

14. La Cour peut cependant, en cas de doute, examiner d’office la recevabilité d’un recours (3). De tels doutes résultent en l’espèce du moment auquel a été transmis le courrier du 18 novembre 2016, par le biais duquel la Commission invitait l’Espagne, conformément à l’article 258 TFUE, à présenter ses observations sur les griefs litigieux concernant la révision de plans de gestion des déchets.

15. Ainsi que la Cour l’a jugé, l’émission d’une lettre de mise en demeure suppose que la Commission allègue un manquement préalable à une obligation incombant à l’État membre concerné (4). La possibilité pour ledit État membre de présenter ses observations constitue – même s’il ne souhaite pas en faire usage – une garantie essentielle, voulue par le traité FUE, dont l’observation est une forme substantielle de la régularité de la procédure constatant un manquement d’État membre. Par conséquent, la lettre de mise en demeure ne saurait, en particulier, avoir pour objet la non‑transposition d’une directive dont le délai de mise en œuvre n’était pas encore expiré (5). Il en va de même lorsque la Commission allègue la violation d’une obligation d’un autre type, qui doit être remplie dans un certain délai (6). Une lettre de mise en demeure adressée par la Commission à un État membre avant l’expiration de ce délai n’est pas valide. Un recours sur le fondement de l’article 258 TFUE qui s’appuierait sur une telle mise en demeure prématurée serait irrecevable en raison d’une procédure précontentieuse entachée d’erreurs (7).

16. L’article 28, paragraphe 1, de la directive relative aux déchets oblige les États membres à établir des plans de gestion des déchets. Conformément à l’article 40, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 12 décembre 2010. Et, conformément à l’article 30, paragraphe 1, de la directive relative aux déchets, ils veillent à ce que les plans de gestion des déchets et les programmes de prévention des déchets soient évalués au moins tous les six ans et révisés, s’il y a lieu.

17. Les plans de gestion des déchets devaient ainsi être établis pour la première fois avant le 12 décembre 2010. Par conséquent, le délai prévu par l’article 30, paragraphe 1, de la directive relative aux déchets, dont le non‑respect est allégué par la Commission, a expiré (au plus tôt (8)) six ans plus tard, le 12 décembre 2016.

18. Or, quelques semaines auparavant, le 18 novembre 2016, la Commission invitait déjà l’Espagne à présenter ses observations sur le grief tiré de ce que, dans certaines régions espagnoles, les plans de gestion des déchets n’auraient pas été révisés dans les délais.

19. Il est vrai que le délai fixé par la Commission pour ces observations expirait seulement après le 12 décembre 2016, à...

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