Zuckerfabrik Jülich AG and Others v Hauptzollamt Aachen and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:701
Date27 October 2011
Celex Number62010CC0113
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-113/10,,C-147/10,C-234/10
62010CC0113

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 27 octobre 2011 ( 1 )

Affaires jointes C‑113/10, C‑147/10 et C‑234/10

Zuckerfabrik Jülich AGcontreHauptzollamt Aachen,

British Sugar plccontreRural Payments Agency

et

TereoscontreDirecteur général des douanes et droits indirects

[demandes de décision préjudicielle formées par, respectivement, le Finanzgericht Düsseldorf (Allemagne), la High Court of Justice (England & Wales) (Chancery Division) (Royaume-Uni) et le tribunal de grande instance de Nanterre (France)]

«Sucre — Détermination du montant des cotisations à la production — Restitutions à l’exportation — Calcul de la perte moyenne par tonne — Inclusion d’un montant théorique au titre de quantités exportées sans donner lieu à restitution — Remboursement de montants perçus en application de règlements déclarés invalides — Taux de change applicable — Intérêts»

1.

Les présentes demandes de décision préjudicielle concernent les campagnes de commercialisation du sucre de 2001 à 2006; à cette époque, la production de sucre dans l’Union européenne excédait la consommation et les prix y étaient considérablement plus élevés que sur le marché mondial. En conséquence de cette situation, des quotas étaient alloués aux producteurs. Les quantités produites dans le cadre de certains quotas pouvaient être exportées en bénéficiant de restitutions financées au moyen de cotisations à la production. Dans le cadre du calcul de ces cotisations, il fallait, pour chaque campagne de commercialisation, multiplier l’«excédent exportable» par la «perte moyenne par tonne». Ladite perte moyenne était obtenue en divisant le «montant total des restitutions» par le tonnage total des «engagements à l’exportation à réaliser» pour la campagne de commercialisation concernée.

2.

La principale question qui se pose dans ces affaires est celle de la définition du «montant total des restitutions» dans ce contexte. L’incertitude sur ce point est due au fait que, pour certaines quantités contenues dans des produits transformés exportés, les restitutions à l’exportation, auxquelles elles ouvraient droit, n’ont jamais été demandées, ni payées.

3.

Dans les règlements fixant les montants des cotisations à la production au titre des campagnes de commercialisation 2003 à 2006, la Commission européenne a inclus ces quantités dans l’«excédent exportable», mais non dans les «engagements à l’exportation à réaliser». Interrogée au sujet de la validité de ce mode de calcul, la Cour a jugé en 2008, dans l’arrêt Zuckerfabrik Jülich e.a. ( 2 ) (ci-après l’«arrêt Jülich I»), que toutes les quantités exportées auraient dû être prises en compte dans les deux cas, que des restitutions aient ou non été payées, et que les règlements en cause étaient de ce fait invalides. Elle ne s’est, en revanche, pas prononcée sur la question de savoir si le «montant total des restitutions» aurait pareillement dû inclure toutes les restitutions susceptibles d’être octroyées, qu’elles aient été payées ou non, ou uniquement les restitutions effectivement payées.

4.

En 2009, la Commission a adopté un nouveau règlement, rectifiant les règlements déclarés invalides. Dans ses calculs, elle a inclus dans le «montant total des restitutions» toutes les restitutions susceptibles d’être octroyées, qu’elles aient été payées ou non. Les montants des cotisations à la production ainsi recalculées diffèrent peu de ceux initialement fixés, mais sont plus élevés qu’ils ne l’auraient été si seules les restitutions effectivement payées avaient été prises en compte pour le «montant total des restitutions».

5.

Plusieurs producteurs ont contesté tant le mode de calcul que la base juridique du nouveau règlement et trois juridictions nationales ont demandé à la Cour de se prononcer sur sa validité. L’une de ces juridictions pose également la question, concernant des remboursements dont il est acquis qu’ils sont dus, de savoir à quelle date il convient de se placer aux fins de déterminer le taux de change applicable et si le juge peut assortir d’intérêts le remboursement du trop-perçu.

Contexte juridique et procédural

La législation en matière de ressources propres

6.

Au cours de la période qui nous intéresse, les ressources propres des Communautés européennes étaient régies par la décision 2000/597 du Conseil ( 3 ) (ci-après la «décision sur les ressources propres») et par le règlement no 1150/2000 du Conseil ( 4 ) (ci-après le «règlement sur les ressources propres»).

7.

Selon l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision sur les ressources propres, les recettes provenant, entre autres, «des cotisations et autres droits prévus dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre» constituaient des ressources propres inscrites au budget de l’Union européenne.

8.

Son article 2, paragraphe 3, disposait: «Les États membres retiennent, à titre de frais de perception, 25 % des montants visés au paragraphe 1, point[…] a) […]».

9.

L’article 6 de ladite décision énonçait: «Les recettes visées à l’article 2 sont utilisées indistinctement pour financer toutes les dépenses inscrites au budget […]».

10.

L’article 8, paragraphe 1, de cette même décision précisait: «Les ressources propres des Communautés visées à l’article 2, paragraphe 1, point[…] a) […], sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales […]».

11.

En vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement sur les ressources propres, chaque État membre devait ouvrir un compte au nom de la Commission auprès de son trésor ou d’un autre organisme désigné à cet effet et inscrire les ressources propres au crédit de ce compte.

12.

L’article 11, paragraphe 1, de ce même règlement disposait: «Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard» ( 5 ).

Le règlement de base

13.

Le règlement no 1260/2001 du Conseil ( 6 ) (ci-après le «règlement de base») réglementait l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre à compter de la campagne de commercialisation 2001/2002 jusqu’à celle de 2005/2006. Il a été abrogé et remplacé avec effet au 1er juillet 2006 ( 7 ).

14.

Les considérants dudit règlement déclaraient notamment:

«(9)

Les raisons qui ont conduit jusqu’ici la Communauté à retenir […] un régime de quotas de production restent toujours fondées […]. Toutefois, des aménagements ont été apportés à celui-ci […] pour doter la Communauté des instruments nécessaires pour assurer de façon juste mais efficace le financement intégral par les producteurs eux-mêmes des charges à l’écoulement des excédents résultant du rapport entre la production de la Communauté et sa consommation […].

[…]

(11)

L’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre repose, d’une part, sur le principe de la responsabilité financière intégrale des producteurs pour chaque campagne de commercialisation pour les pertes dues à l’écoulement des excédents de production communautaire dans le cadre des quotas par rapport à la consommation intérieure […].

(12)

[…] Il est souhaitable de maintenir le système de l’autofinancement par les cotisations à la production du secteur et le régime des quotas de production.

(13)

Ainsi le principe de la responsabilité financière restera assuré par les contributions des producteurs qui s’effectuent par la perception d’une cotisation à la production de base s’appliquant à toute la production de sucre A et B [ ( 8 )] mais limitée à 2 % du prix d’intervention du sucre blanc, et une cotisation B affectant la production de sucre B dans la limite maximale de 37,5 % de ce dernier prix. […] Ces limites ne permettent pas dans les conditions précitées d’atteindre l’objectif d’un autofinancement du secteur par campagne. Il convient dès lors de prévoir dans ce cas la perception d’une cotisation complémentaire [ ( 9 )].

(14)

[…] À cette fin, il y a lieu de déterminer un coefficient valable pour toute la Communauté qui représente pour cette même campagne le rapport entre, d’une part, la perte globale constatée et, d’autre part, l’ensemble des recettes dégagées par les cotisations à la production en cause. […]»

15.

Le règlement de base mettait ainsi en place le financement par les producteurs, par le biais des cotisations à la production, des frais occasionnés à l’Union du fait de l’écoulement de la production excédentaire.

16.

L’article 7, paragraphe 3, dudit règlement accordait des restitutions à la production pour le sucre originaire des États membres ou en libre circulation dans l’Union qui était utilisé dans la fabrication de certains produits de l’industrie chimique. La fixation du montant de la restitution s’effectuait compte tenu du coût d’approvisionnement sur le marché mondial.

17.

Les articles 27 à 29 de ce même règlement prévoyaient, pour certains produits du secteur du sucre, des restitutions à l’exportation reflétant la différence entre le prix du marché mondial et le prix constaté sur le marché de la Communauté. Inversement, son article 33 prévoyait un prélèvement à l’exportation dans le cas où le prix du sucre sur le marché mondial dépassait le prix d’intervention. Dans la pratique, c’étaient toujours les prix mondiaux qui étaient les plus bas et, par conséquent, toutes les exportations de sucre A et de sucre B ouvraient droit à des restitutions et aucun prélèvement à l’exportation n’a été perçu.

18.

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