Bundesrepublik Deutschland v B (C-57/09) and D (C-101/09).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:302
Date01 June 2010
Celex Number62009CC0057
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-57/09,C-101/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 1er juin 2010 (1)

Affaires jointes C‑57/09 et C‑101/09

Bundesrepublik Deutschland

contre

B et D

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne)]

«Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié – Causes d’exclusion du statut de réfugié – Article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/83/CE – Participation antérieure du demandeur aux activités d’une organisation inscrite dans la liste de personnes, groupes et entités auxquels s’applique la position commune 2001/931/PESC»





1. Par deux décisions successives, le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) a soumis à la Cour, en vertu des articles 68, paragraphe 1, et 234 CE, une série de questions préjudicielles portant, d’une part, sur l’interprétation de l’article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (ci-après la «directive») (2), et, d’autre part, sur l’interprétation de l’article 3 de la même directive. Lesdites questions ont été posées dans le cadre des litiges opposant la République fédérale d’Allemagne, représentée par le Bundesministerium des Inneren (ministère fédéral de l’Intérieur), lui-même représenté par le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, ci-après le «Bundesamt»), à B (affaire C-57/09) et à D (affaire C-101/09), au sujet du rejet par le Bundesamt de la demande d’asile introduite par B et de la révocation par cette même autorité du statut de réfugié qui avait été octroyé précédemment à D.

I – Le contexte normatif

A – Le droit international

1. La convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés

2. La convention de Genève sur le statut des réfugiés (ci-après la «convention de 1951» ou la «convention») (3) a été approuvée à Genève le 28 juillet 1951 par une conférence spéciale de l’Organisation des Nations unies, et est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Complétée par un protocole adopté en 1967 qui en a étendu le champ d’application, initialement limité aux réfugiés provoqués par la Seconde Guerre mondiale, elle définit la notion de «réfugié» et fixe les droits et les obligations liés au statut de réfugié. Elle compte actuellement 146 États signataires.

3. L’article 1er, après avoir défini, à la section A, la notion de «réfugié» aux fins de la convention, précise, à la section F, sous a) à c):

«Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées;

c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.» (4).

4. L’article 33 de la convention, intitulé «Défense d’expulsion et de refoulement», dispose:

«1. Aucun des États Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.»

2. Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

5. Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le «Conseil de sécurité»), agissant au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies, a adopté la résolution 1373 (2001). En vertu du paragraphe 2, sous c), de cette résolution, les États «refusent de donner asile à ceux qui financent, organisent, appuient ou commettent des actes de terrorisme ou en recèlent les auteurs» (5). En vertu du paragraphe 3 suivant, sous f) et g), il est demandé aux États «de prendre les mesures appropriées, conformément aux dispositions pertinentes de leur législation nationale et du droit international, y compris les normes internationales relatives aux droits de l’homme, afin de s’assurer, avant d’octroyer le statut de réfugié, que les demandeurs d’asile n’ont pas organisé ou facilité la perpétration d’actes de terrorisme et n’y ont pas participé» et «de veiller, conformément au droit international, à ce que les auteurs ou les organisateurs d’actes de terrorisme ou ceux qui facilitent de tels actes ne détournent pas à leur profit le statut de réfugié, et à ce que la revendication de motivations politiques ne soit pas considérée comme pouvant justifier le rejet de demandes d’extradition de terroristes présumés». Enfin, au paragraphe 5 de cette résolution, le Conseil de sécurité déclare que «les actes, méthodes et pratiques du terrorisme sont contraires aux buts et aux principes de l’Organisation des Nations Unies et que le financement et l’organisation d’actes de terrorisme ou l’incitation à de tels actes en connaissance de cause sont également contraires aux buts et principes de l’Organisation des Nations Unies» (6).

6. On retrouve des déclarations essentiellement de la même teneur dans des résolutions ultérieures, relatives aux menaces à la paix internationale et à la sécurité causées par le terrorisme, à commencer par la résolution 1377 (2001), à laquelle est jointe une déclaration du Conseil de sécurité se réunissant au niveau ministériel, réaffirmant «sa condamnation catégorique de tous les actes ainsi que de toutes les méthodes et pratiques de terrorisme, qu’il juge criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motifs, sous toutes leurs formes et manifestations, où qu’ils soient commis et quels qu’en soient les auteurs» (7).

B – Le droit de l’Union

1. Le droit primaire

7. En vertu de l’article 2 UE, «l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités». L’article 3, paragraphe 5, UE dispose que l’Union contribue «à la protection des droits de l’homme […], ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies».

8. En vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, UE, l’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»), laquelle a la même valeur juridique que les traités. À l’article 18 de la charte, il est déclaré que «le droit d’asile est garanti dans le respect des règles de la convention de [1951] […] et conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne».

9. En vertu de l’article 63, point 1, c), CE, le Conseil arrête, dans les cinq ans qui suivent l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, des mesures en matière d’asile, conformément à la convention de 1951 et aux autres traités pertinents, et, notamment dans le domaine des «normes minimales concernant les conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers pour pouvoir prétendre au statut de réfugié».

2. La position commune 2001/931/PESC

10. Comme il ressort de ses considérants, la position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (8), adoptée au titre des articles 15 UE et 34 UE, vise à mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité 1373 (2001). En vertu de son article 1er, paragraphe 1, elle s’applique «aux personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme». Elle dispose, ensuite, à l’article 2, que, aux fins de la position commune en question, on entend par «personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme» des «personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent» et des «groupes et des entités appartenant à ces personnes ou contrôlés directement ou indirectement par elles, et des personnes, groupes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes, groupes et entités, y compris les fonds provenant de biens qui, soit appartiennent à ces personnes et aux personnes, groupes et entités qui leur sont associés, soit sont contrôlés directement ou indirectement par elles». L’article 1er, paragraphe 3, contient les définitions d’«acte de terrorisme» et de «groupe terroriste», au sens de cette position commune. En vertu des articles 2 et 3 de cette dernière, «[l]a Communauté européenne, agissant dans les limites des pouvoirs que lui confère le traité instituant la Communauté européenne, ordonne le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes et entités dont la liste figure à l’annexe» et «veille à ce que des fonds, avoirs financiers ou ressources économiques ou des services financiers ou autres services connexes ne soient pas, directement ou indirectement, mis à la disposition» desdits personnes, groupes et entités.

11. La liste de personnes auxquelles s’applique la position...

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