Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe in Nelson Antunes da Cunha, C-627/18

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1084
Date12 December 2019
Celex Number62018CC0627
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 12 décembre 2019 (1)

Affaire C627/18

Nelson Antunes da Cunha Lda

contre

Instituto de Financiamento da Agricultura e Pescas IP (IFAP)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Administrativo e Fiscal de Coimbra (tribunal administratif et fiscal de Coimbra, Portugal)]

« Renvoi préjudiciel – Récupération d’une aide illégale – Prescription en matière de récupération – Délai de prescription de dix ans – Intérêts – Délai de prescription inférieur prévu par la réglementation nationale – Sécurité juridique – Règlement (UE) 2015/1589 – Article 17, paragraphe 1 – Article 16, paragraphe 2 – Article 16, paragraphe 3 – Principe d’effectivité »






I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Administrativo e Fiscal de Coimbra (tribunal administratif et fiscal de Coimbra, Portugal) porte sur l’interprétation de l’article 16, paragraphes 2 et 3, et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 (2). L’article 17, paragraphe 1, de ce règlement soumet les pouvoirs de la Commission européenne en matière de récupération de l’aide d’État illégale à un délai de prescription de dix ans.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Nelson Antunes da Cunha Lda à l’Instituto de Financiamento da Agricultura e Pescas IP (Institut pour le financement de l’agriculture et de la pêche (IFAP) au sujet du recouvrement forcé, faisant suite à une décision de la Commission, d’une aide d’État illégale auprès de Nelson Antunes da Cunha.

3. En vertu de l’article 16, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, la récupération de cette aide illégale doit être effectuée conformément aux procédures prévues par le droit portugais, pour autant qu’elles permettent l’exécution effective de la décision de la Commission.

4. À cet égard, le droit portugais soumet la récupération du capital de l’aide à un délai de prescription de vingt ans, délai dont l’application, en l’espèce, ne fait pas obstacle à la récupération dudit capital. En revanche, en ce qui concerne la récupération des intérêts de l’aide en cause, le droit portugais prévoit, selon la juridiction de renvoi, un délai de prescription de cinq ans à compter de la date de leur exigibilité. L’application de ce délai empêche la récupération intégrale des intérêts de l’aide et, pour au moins une partie de ces intérêts, il semble que la prescription soit intervenue avant même que la Commission ait rendu la décision susmentionnée.

5. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi, par sa quatrième question, s’interroge en substance sur le point de savoir si l’article 16, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, selon lequel l’aide à récupérer comprend des intérêts, ainsi que le principe d’effectivité prévu à l’article 16, paragraphe 3, de ce règlement, s’opposent à l’application d’un délai de prescription pour la récupération des intérêts des aides illégales d’une durée inférieure au délai de dix ans prévu à l’article 17, paragraphe 1, dudit règlement, tel que le délai de cinq ans du droit portugais.

6. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse de cette seule question, à laquelle je proposerai à la Cour de répondre par l’affirmative.

II. Le cadre juridique

A. Le règlement 2015/1589

7. L’article 16 du règlement 2015/1589, intitulé « Récupération de l’aide », prévoit :

« 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci‑après dénommée “décision de récupération”). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

2. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne prise en application de l’article 278 du TFUE, la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin, et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit de l’Union. »

8. L’article 17 du règlement 2015/1589, intitulé « Prescription en matière de récupération de l’aide », énonce à son paragraphe 1 :

« Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. »

B. Le droit portugais

9. L’article 309 du Código Civil (code civil portugais, ci-après le « code civil »), intitulé « Délai ordinaire », prévoit :

« Le délai ordinaire de prescription est de vingt ans. »

10. L’article 310 de ce code dispose :

« Sont prescrits après un délai de cinq ans :

[...]

d) les intérêts conventionnels ou légaux, même non liquidés, et les dividendes des sociétés ;

[...] »

III. Le litige au principal

11. Les présentes conclusions étant limitées à l’analyse de la quatrième question préjudicielle soulevée par le Tribunal Administrativo e Fiscal de Coimbra (tribunal administratif et fiscal de Coimbra), l’exposé des faits à l’origine du litige se limitera aux éléments essentiels et nécessaires pour la compréhension de cette question.

12. Le 8 avril 1993 et le 7 juillet 1993, la requérante au principal, Nelson Antunes da Cunha a conclu avec la Caixa de Crédito Agrícola Mútuo de Coimbra, des contrats de crédit relatifs à une ligne de crédit pour la relance des activités agricoles et d’élevage.

13. Dans le cadre de ces contrats de crédit, le prédécesseur de l’IFAP (3), conformément au decreto-lei nº 146/94 (décret-loi nº 146/94), du 24 mai 1994, a effectué en faveur de Nelson Antunes da Cunha des paiements, entre l’année 1994 et l’année 1996, d’un montant global de 7 526,90 euros au titre de bonifications du taux d’intérêt (4 189,90 euros ont été versés le 12 juillet 1994, 2 513,94 euros le 12 juillet 1995 et 823,06 euros le 30 avril 1996).

14. Le 25 novembre 1999, la Commission a adopté la décision 2000/200/CE relative au régime d’aides mis en œuvre par le Portugal pour le désendettement des entreprises du secteur de l’élevage intensif et la relance de l’activité porcine (4) (ci-après, la « décision de la Commission du 25 novembre 1999 »).

15. Dans cette décision, la Commission a estimé qu’étaient incompatibles avec le marché intérieur, d’une part, la ligne de crédit pour le désendettement des entreprises d’élevage intensif mise en œuvre par le chapitre I du décret-loi n° 146/94 du 24 mai 1994 dans les cas où l’équivalent-subvention de celle-ci, cumulé aux aides aux investissements reçues, dépasse 35 % dans les zones agricoles non défavorisées, et, d’autre part, la ligne de crédit pour la relance de l’activité porcine mise en œuvre par le chapitre II du décret-loi n° 146/94 du 24 mai 1994 (5).

16. Conformément au dispositif de la décision de la Commission du 25 novembre 1999, le Portugal devait prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides susmentionnées illégalement mises à leur disposition, avec leurs intérêts tels qu’échus pour la période comprise entre la date de perception des aides en question par les bénéficiaires et celle de leur récupération effective. Les autorités portugaises étaient également tenues d’informer la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision, des mesures qu’elles avaient prises pour s’y conformer (6).

17. En mars 2001, le prédécesseur de l’IFAP a envoyé à Nelson Antunes da Cunha une lettre lui demandant le remboursement des sommes indûment perçues. Nelson Antunes da Cunha n’a pas donné suite à cette lettre.

18. Le 12 août 2009, l’IFAP lui a envoyé une nouvelle lettre, lui demandant de procéder au paiement de 14 953,56 euros (soit 7 526,90 euros au titre des aides versées, augmentées des intérêts de retard d’un montant de 7 426,66 euros) dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la réception de ladite lettre.

19. Le 7 juillet 2013, une procédure d’exécution fiscale de cette créance a été engagée par le centre des impôts de Cantanhede (Portugal) à l’encontre de la requérante au principal en vue du recouvrement des créances de l’IFAP.

20. Nelson Antunes da Cunha a fait opposition à cette procédure devant le Tribunal Administrativo e Fiscal de Coimbra (tribunal administratif et fiscal de Coimbra).

21. Nelson Antunes da Cunha allègue, d’une part, que, en vertu de l’article 40 du decreto-lei nº 155/92 (décret-loi nº 155/92), du 28 juillet 1992 (7), l’obligation de rembourser les montants perçus au titre d’une aide illégale s’éteint après l’écoulement d’un délai de cinq ans à compter de leur perception, de sorte que l’obligation de remboursement de l’aide reçue en l’espèce est prescrite. D’autre part, en ce qui concerne les intérêts de retard, elle fait valoir que, dans la mesure où plus de cinq ans se sont écoulés à compter de la date d’exigibilité de l’obligation à laquelle ils sont liés, ceux-ci sont également frappés par la prescription en vertu de l’article 310, sous d), du code civil.

22. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la législation nationale ne prévoit pas de délai de prescription spécialement applicable à l’exécution de l’ordre de récupération d’une aide illégale, ce qui a amené les juridictions supérieures nationales à juger que les créances de l’IFAP correspondant au recouvrement d’aides...

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