Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 14 May 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:374
Date14 May 2020
Celex Number62019CC0030
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 14 mai 2020 (1)

Affaire C30/19

Diskrimineringsombudsmannen

contre

Braathens Regional Aviation AB

[demande de décision préjudicielle formée par le Högsta domstolen (Cour suprême, Suède)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2000/43/CE – Égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique – Article 7 – Défense des droits – Article 15 – Sanctions – Recours en indemnité pour discrimination – Mécanisme d’acquiescement – Refus du défendeur de reconnaître l’existence d’une discrimination malgré la demande expresse du requérant – Lien entre la sanction et la discrimination – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à une protection juridictionnelle effective – Impossibilité de faire constater l’existence d’une discrimination »






I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle formée par le Högsta domstolen (Cour suprême, Suède) a trait à l’interprétation de la directive 2000/43/CE (2), qui interdit les discriminations sur le fondement de la race et de l’origine ethnique, et porte sur le droit d’une personne qui s’estime victime d’une telle discrimination de faire examiner et, le cas échéant, constater par un juge l’existence de cette discrimination. Elle vise plus précisément à déterminer si une telle personne dispose de ce droit dans le cadre d’un recours en indemnité lorsque le défendeur accepte de payer l’indemnité demandée, mais n’admet pas avoir commis une quelconque discrimination.

2. Cette problématique est soulevée dans le cadre d’un litige opposant un passager aérien, représenté par le Diskrimineringsombudsmannen (autorité suédoise chargée de la lutte contre les discriminations, ci-après le « Médiateur »), à la compagnie aérienne Braathens Regional Aviation AB (ci-après « Braathens »).

3. La présente affaire soulève plus particulièrement la question de savoir si un mécanisme procédural national, en vertu duquel le défendeur peut, en acquiesçant à une demande d’indemnité pour discrimination, mettre fin au litige, sans toutefois reconnaître l’existence d’une discrimination, et sans que le requérant puisse faire examiner et constater celle-ci par un juge, permet à ce dernier de faire pleinement valoir les droits qu’il tire de la directive 2000/43 lue à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

4. Pour les raisons que j’exposerai dans la suite des présentes conclusions, j’estime qu’il convient de répondre à cette question par la négative.

5. Cette affaire doit conduire la Cour à examiner la marge de manœuvre dont disposent les États membres pour établir leurs règles de procédure compte tenu des exigences de la directive 2000/43 lue à la lumière de la Charte.

6. À l’issue de mon analyse, je proposerai à la Cour de juger qu’une personne qui estime avoir subi une discrimination sur le fondement de l’origine ethnique doit, à défaut de reconnaissance de celle-ci par le défendeur, pouvoir faire examiner et, le cas échéant, constater par un juge l’existence de cette discrimination. Un mécanisme procédural de règlement des litiges ne saurait aboutir à lui dénier ce droit.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

7. Les considérants 19 et 26 de la directive 2000/43 énoncent :

« (19) Les personnes qui ont fait l’objet d’une discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique doivent disposer de moyens de protection juridique adéquats. Pour assurer un niveau de protection plus efficace, les associations ou les personnes morales doivent aussi être habilitées à engager une procédure, selon des modalités fixées par les États membres, pour le compte ou à l’appui d’une victime, sans préjudice des règles de procédure nationales relatives à la représentation et à la défense devant les juridictions.

[...]

(26) Les États membres doivent mettre en place des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables en cas de non-respect des obligations découlant de la présente directive. »

8. Aux termes de l’article 1er de cette directive, intitulé « Objet » :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

9. L’article 2 de ladite directive, intitulé « Concept de discrimination », dispose, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement”, l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l’origine ethnique. »

10. L’article 7 de cette même directive, intitulé « Défense des droits », prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu’ils l’estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s’estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l’égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s’être produite se sont terminées.

2. Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l’appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive.

3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice des règles nationales relatives aux délais impartis pour former un recours en ce qui concerne le principe de l’égalité de traitement. »

11. L’article 8 de la directive 2000/43, intitulé « Charge de la preuve », énonce :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

[...]

3. Le paragraphe 1 ne s’applique pas aux procédures pénales.

[...] »

12. L’article 15 de cette directive, intitulé « Sanctions », dispose :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer l’application de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues, qui peuvent comprendre le versement d’indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives [...] »

B. Le droit suédois

13. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du chapitre 1er de la diskrimineringslagen (2008 :567) (loi relative aux discriminations), constitue notamment une discrimination la situation dans laquelle une personne subit un désavantage parce qu’elle est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est ou ne le serait dans une situation comparable, lorsque la différence de traitement est liée au sexe, à l’identité ou à l’expression de genre, à l’appartenance ethnique, à la religion ou aux opinions, au handicap, à l’orientation sexuelle ou à l’âge.

14. Selon l’article 12 du chapitre 2 de cette même loi, l’exercice d’une discrimination est en particulier interdit à quiconque fournit, en dehors de sa sphère privée ou familiale, des biens, des services ou des logements au public.

15. Le chapitre 5 de la loi relative aux discriminations prévoit les sanctions encourues par quiconque exerce une discrimination. Il s’agit de l’indemnisation, dite « indemnité pour discrimination », de la révision et de l’annulation de contrats et autres actes juridiques.

16. Il ressort de l’article 1er, deuxième alinéa, chapitre 6, de cette loi que les litiges portant sur l’application de l’article 12 du chapitre 2, de ladite loi sont examinés par les juridictions ordinaires selon les dispositions du rättegångsbalken (1942 :740) (code de procédure judiciaire), relatives aux procédures civiles dans le cadre desquelles un règlement amiable du litige est autorisé.

17. En vertu de l’article 1er du chapitre 13 de ce code, le requérant peut, dans les conditions énumérées à cette disposition, exercer une action en exécution aux fins d’obtenir la condamnation du défendeur à exécuter une obligation de faire, et notamment à lui verser une somme d’argent au titre de l’indemnité pour discrimination.

18. L’article 7 du chapitre 42 de ce même code prévoit que le défendeur doit, lors de l’audience, présenter immédiatement sa défense. À défaut, le défendeur peut, à ce stade, décider d’acquiescer à la demande du requérant. L’acquiescement à la demande tend à l’extinction de l’instance. L’acquiescement peut être fondé sur un moyen de droit ou de fait particulier invoqué par le requérant, mais peut aussi ne pas être lié aux moyens à l’appui de la demande de ce dernier.

19. Conformément à l’article 18 de ce chapitre 42 du code de procédure judiciaire, à la suite de l’acquiescement du défendeur aux prétentions du requérant, le juge peut rendre un jugement sur la base de cet acquiescement.

20. Selon l’article 2, premier alinéa, du chapitre 13 de ce code, le requérant peut exercer une action déclaratoire visant à la constatation de l’existence d’un rapport juridique spécifique lorsqu’une incertitude concerne ce rapport de droit et lui porte préjudice.

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

21. Au mois de juillet 2015, un passager d’origine chilienne...

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