Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 4 June 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:426
Date04 June 2020
Celex Number62018CC0823
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 4 juin 2020 (1)

Affaire C823/18 P

Commission européenne

contre

GEA Group AG

« Pourvoi – Ententes – Stabilisants thermiques – Annulation de la décision modifiant l’amende fixée dans la décision initiale de constatation de l’infraction – Application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires à l’une des entités composant l’entreprise – Incidence sur la responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende – Notion d’entreprise – Date d’exigibilité de l’amende en cas de modification »






1. Par le pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions, la Commission demande l’annulation de l’arrêt du 18 octobre 2018, GEA Group/Commission (2).

I. Antécédents du litige

2. GEA Group AG (ci‑après « GEA ») est issue de la fusion, en 2005, de Metallgesellschaft AG (ci‑après « MG ») et d’une autre société. MG était la société faîtière détenant, avant l’année 2000, directement ou par le biais de filiales, Chemson Gesellschaft für Polymer-Additive mbH (ci‑après « OCG ») et Polymer-Additive Produktions- und Vertriebs GmbH (ci‑après « OCA »). Le 17 mai 2000, MG a cédé OCG, qui a été renommée Aachener Chemische Werke Gesellschaft für glastechnische Produkte und Verfahren mbH (ci‑après « ACW »). Après sa dissolution en mai 2000, les activités d’OCA ont été reprises par une société dénommée, à partir du 30 août 2000, Chemson Polymer-Additive AG (ci‑après « CPA »), qui n’appartient plus à ce jour au groupe dont GEA était la société faîtière.

3. Par décision du 11 novembre 2009 (ci‑après la « décision de 2009 »), la Commission a considéré qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à deux ensembles d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels couvrant le territoire de l’EEE et concernant, d’une part, le secteur des stabilisants étain et, d’autre part, le secteur de l’huile de soja époxydée et des esters (ci‑après le « secteur ESBO/esters ») (3).

4. À l’article 1er, paragraphe 2, sous k), de la décision de 2009, GEA a été tenue pour responsable au titre des infractions commises sur le marché du secteur ESBO/esters du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000. Sa responsabilité a été retenue pour l’ensemble de la période infractionnelle en tant que successeur de MG, d’une part, pour l’infraction commise par OCG du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000 et, d’autre part, pour l’infraction commise par OCA du 13 mars 1997 au 17 mai 2000. ACW a été sanctionnée, en tant que successeur d’OCG, pour l’infraction commise par cette dernière durant l’intégralité de la période infractionnelle, c’est à dire du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000 et, pour l’infraction commise par OCA, du 30 septembre 1999 au 17 mai 2000, lorsque les parts de cette dernière étaient détenues à 100 % par OCG [article 1er, paragraphe 2, sous m), de la décision de 2009]. En tant que successeur d’OCA, CPA a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction commise par OCA du 13 mars 1997 au 17 mai 2000 et, d’autre part, pour l’infraction commise par OCG du 30 septembre 1995 au 30 septembre 1999, lorsque les parts de cette dernière étaient détenues à 100 % par OCA [article 1er, paragraphe 2, sous l), de la décision de 2009].

5. Aux termes de l’article 2, deuxième alinéa, points 31 et 32, de la décision de 2009 :

« Pour l’/(les) infraction(s) sur le [secteur ESBO/esters], les amendes suivantes sont infligées :

(31) [GEA], [ACW] et [CPA] sont […] solidairement responsables pour le montant de 1 913 971 [euros] ;

(32) [GEA] et [ACW] sont […] solidairement responsables pour le montant de 1 432 229 [euros] ».

6. GEA a attaqué la décision de 2009 devant le Tribunal. Ce dernier a rejeté le recours par arrêt du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission (4).

7. Le 15 décembre 2009, ACW qui, au moment de l’adoption de la décision de 2009, n’était plus une filiale de GEA, a attiré l’attention de la Commission sur le fait que l’amende qui lui avait été infligée par la décision de 2009 dépassait le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 (5).

8. Le 8 février 2010, la Commission a adopté une décision modifiant la décision de 2009 (6) (ci‑après « la décision de 2010 »). Elle a considéré que l’amende à laquelle ACW avait été condamnée, solidairement, d’une part avec GEA et CPA et, d’autre part avec GEA, dépassait le plafond de 10 %, de sorte qu’il y avait lieu de modifier la décision de 2009 (voir point 2 de la décision de 2010). La Commission y a également précisé que le montant de l’amende imposée à GEA et à CPA demeurait inchangé, mais que celui de l’amende infligée à ACW devait être réduit et que la décision de 2010 n’avait aucune incidence sur les autres destinataires de la décision de 2009. L’article 1er de la décision de 2010 a modifié l’article 2, deuxième alinéa, de la décision de 2009, comme suit :

« L’article 2, [point] 31) est remplacé par le texte suivant :

“31 a) [GEA], [ACW] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 1 086 129 [euros] ;

[GEA] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 827 842 [euros]”.

L’article 2, [point] 32) est remplacé par le texte suivant :

“32) [GEA] est responsable pour le montant de 1 432 229 [euros]” ».

9. À la suite du recours introduit par GEA, par arrêt du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission (7), le Tribunal a annulé la décision de 2010 pour autant qu’elle concernait la requérante. Le Tribunal a considéré que la Commission avait violé les droits de la défense de GEA en adoptant la décision de 2010 sans la mettre en mesure de présenter ses observations.

10. Par lettre du 5 février 2016, la Commission a informé GEA de son intention d’adopter une nouvelle décision et l’a invitée, avec ACW et CPA, à présenter ses observations écrites. GEA a transmis ses observations écrites à la Commission le 24 mars 2016. Par lettre du 2 mai 2016, la Commission a répondu aux observations de la requérante.

11. Le 29 juin 2016, la Commission a adopté une deuxième décision modifiant la décision de 2009 (8) (ci‑après « la décision litigieuse »). L’article 1er de cette décision a repris sans les modifier les termes de l’article 1er de la décision de 2010. L’article 2 de la décision litigieuse a fixé la date d’exigibilité des amendes au 10 mai 2010.

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12. Le 8 septembre 2016, GEA a introduit un recours contre la décision litigieuse. Par ce recours, elle a demandé au Tribunal, à titre principal, d’annuler cette décision et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende et de fixer une nouvelle date, postérieure à l’adoption de la décision litigieuse, pour le paiement et pour la fixation du point de départ des intérêts de retard.

13. À l’appui de son recours, GEA a invoqué cinq moyens. Par son premier moyen, elle a fait valoir une violation des règles de prescription, par le deuxième, une violation de l’article 266 TFUE et des droits de la défense, par le troisième, la violation de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1/2003, par le quatrième une violation du principe d’égalité de traitement et par le cinquième, un excès de pouvoir et un défaut de motivation. La Commission a excipé de l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir de GEA.

14. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission. À cet égard, il a jugé, d’une part, que la décision de 2010, annulée par la suite, et la décision litigieuse, étaient intervenues sur la détermination des rapports externes de solidarité entre GEA, ACW et CPA, en modifiant ainsi leur situation juridique et, d’autre part, que le recours aurait pu conduire à une répartition du montant des amendes infligées à GEA plus favorable pour cette dernière (9).

15. Sur le fond, le Tribunal a examiné, en premier lieu, le quatrième moyen de recours, dirigé contre l’article 1er de la décision litigieuse et tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, et l’a accueilli (10). En second lieu, le Tribunal a examiné la première branche du cinquième moyen de recours, relative à un excès de pouvoir qui entachait prétendument l’article 2 de la décision litigieuse, par lequel la Commission avait fixé au 10 mai 2010 la date d’exigibilité des amendes infligées à GEA, à ACW et à CPA. Ce grief a également été considéré comme fondé par le Tribunal, qui a donc annulé la décision dans son intégralité et condamné la Commission aux dépens.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

16. Par acte déposé au greffe de la Cour le 27 décembre 2018, la Commission a introduit le pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions. La procédure écrite a fait l’objet d’un double échange de mémoires. La Cour a posé aux parties des questions pour réponse écrite. Les parties y ont répondu dans le délai imparti. Les parties ont été entendues en leurs observations orales lors de l’audience qui s’est tenue devant la Cour le 5 février 2020.

17. Dans son pourvoi, la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner GEA à l’intégralité des dépens de la procédure devant la Cour et de la procédure en première instance. GEA demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

IV. Analyse

A. Sur la recevabilité

1. Argumentation des parties

18. GEA excipe de l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut d’intérêt à agir de la Commission. Elle estime que, même si la Cour devait accueillir le pourvoi, la Commission ne serait plus en droit de demander le paiement de l’amende. D’une part, la décision de 2009 ne constituerait pas une base juridique valable à cette fin, puisque, dans cette décision, la détermination, tant de l’amende que de la responsabilité solidaire d’ACW, de CPA et de GEA était erronée. D’autre part, le délai légal de dix ans, prévu...

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