Opinion of Advocate General Kokott delivered on 4 June 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:422
Date04 June 2020
Celex Number62019CC0514
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 4 juin 2020 (1)

Affaire C514/19

Union des industries de la protection des plantes

contre

Premier ministre e. a.

(demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État, France)

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Environnement – Règlement (CE) no 1107/2009 – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Légalité d’une mesure d’urgence adoptée par un État membre – Néonicotinoïdes – Protection des abeilles – Information officielle de préoccupations – Directive (UE) 2015/1535 – Procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information – Coopération loyale – Mesures conservatoires de la Commission »






I. Introduction

1. Le règlement (CE) nº 1107/2009 (2) (ci‑après le « règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques ») harmonise l’autorisation de substances actives et de produits phytopharmaceutiques dans l’Union européenne. Les États membres peuvent néanmoins prendre unilatéralement des mesures conservatoires lorsqu’ils ont préalablement avisé la Commission des préoccupations suscitées par une substance active et que celle‑ci n’adopte pas de mesures conservatoires propres.

2. Dans la présente procédure il y a lieu de préciser quand une notification faite à la Commission doit être assimilée en ce sens à la manifestation de préoccupations. En l’espèce, la République française a adressé à la Commission une notification répondant dans la forme à la directive (UE) 2015/1535 (3) (ci‑après la « directive notification »), sans invoquer pour autant expressément la clause de sauvegarde du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques. De surcroît, il conviendra d’examiner les conditions que les mesures de la Commission doivent remplir pour exclure les mesures de sauvegarde d’un État membre.

II. Le cadre légal

A. Droit de l’Union

1. Le règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques

3. Le règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques a été adopté sur le fondement de l’article 37, paragraphe 2, de l’article 95 et de l’article 152, paragraphe 4, sous b), CE. Ce sont les fondements juridiques de la politique commune de l’agriculture et de la pêche (devenu article 41 TFUE), du marché intérieur (devenu article 114 TFUE) et des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire dérogeant à la politique agricole commune et ayant directement pour objectif la protection de la santé publique (devenu article 168, paragraphe 4, sous b), TFUE).

4. L’article 114, paragraphe 10, TFUE prévoit que les mesures d’harmonisation arrêtées au titre de cette disposition « comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre, pour une ou plusieurs des raisons non économiques visées à l’article 36, des mesures provisoires soumises à une procédure de contrôle de l’Union ».

5. Aux termes des articles 13 et 79 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques, la Commission statue avec un comité, dans lequel sont représentés les États membres, sur l’approbation de substances actives.

6. L’article 4 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques comporte les critères d’approbation des substances actives requérant en particulier de ne pas avoir d’effet nocif sur la santé des êtres humains ni d’effet inacceptable sur l’environnement.

7. L’article 6 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques permet d’assortir l’approbation de substances actives de conditions et de restrictions. Les articles 14 et suivants du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques régissent le renouvellement de l’approbation d’une substance active et l’article 21 son réexamen.

8. Aux termes des articles 28 et suivants du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques, les États membres autorisent sur leur territoire les produits phytopharmaceutiques dont les substances actives ont été approuvées. L’article 36, paragraphe 3, du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques habilite les États membres, aux fins d’atténuation des risques, à restreindre l’utilisation de produits phytopharmaceutiques ou à en refuser l’autorisation, en particulier en raison de préoccupations pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement.

9. L’article 49 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques comporte une règle spéciale pour la mise sur le marché de semences traitées. Aux termes du paragraphe 1, les États membres n’interdisent pas la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de produits phytopharmaceutiques autorisés pour cette utilisation dans un État membre au moins. En cas de préoccupations graves, la Commission peut fixer des dérogations selon une procédure visée à l’article 69. Les articles 70 et 71 s’appliquent aussi.

10. Indépendamment de ce renvoi, les articles 69 à 71 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques autorisent l’adoption de mesures d’urgence de la Commission et des États membres.

11. L’article 69 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques régit l’adoption de mesures d’urgence par la Commission :

« Lorsqu’il apparaît clairement qu’une substance active, un phyto‑protecteur, un synergiste ou un coformulant approuvé ou un produit phytopharmaceutique qui a été autorisé en vertu du présent règlement est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou l’environnement et que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante au moyen des mesures prises par l’État membre ou les États membres concernés, des mesures visant à restreindre ou interdire l’utilisation et/ou la vente de la substance ou du produit en question sont prises immédiatement selon la procédure de réglementation visée à l’article 79, paragraphe 3, soit à l’initiative de la Commission, soit à la demande d’un État membre (...) ». Avant d’arrêter de telles mesures, la Commission examine les éléments disponibles et peut demander l’avis de l’[EFSA]. La Commission peut fixer le délai imparti à l’[EFSA] pour émettre cet avis.

12. Aux termes de l’article 70 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques, en cas d’extrême urgence la Commission peut prendre rapidement des mesures d’urgence.

13. L’article 71 du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques concerne les compétences des États membres pour adopter des mesures d’urgence :

« 1. Lorsqu’un État membre informe officiellement la Commission de la nécessité de prendre des mesures d’urgence et que la Commission n’a pris aucune mesure conformément à l’article 53, cet État membre peut prendre des mesures conservatoires. Dans ce cas, il en informe immédiatement les autres États membres et la Commission.

2. Dans un délai de dix jours ouvrables, la Commission saisit le comité institué à l’article 58, paragraphe 1, conformément à la procédure prévue à l’article 58, paragraphe 2, en vue de la prorogation, de la modification ou de l’abrogation des mesures conservatoires nationales.

3. L’État membre peut maintenir les mesures conservatoires qu’il a prises au niveau national jusqu’à l’adoption des mesures communautaires. »

2. La directive notification

14. L’article 5, paragraphe 1, de la directive notification énonce le principe de la notification obligatoire des règles techniques :

« Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.

Lorsque le projet de règle technique vise en particulier la limitation de la commercialisation ou de l’utilisation d’une substance, d’une préparation ou d’un produit chimique, pour des motifs de santé publique ou de protection des consommateurs ou de l’environnement, les États membres communiquent également soit un résumé, soit les références de toutes les données pertinentes relatives à la substance, à la préparation ou au produit visé et celles relatives aux produits de substitution connus et disponibles, dans la mesure où ces renseignements sont disponibles, ainsi que les effets attendus de la mesure au regard de la santé publique ou de la protection du consommateur et de l’environnement, avec une analyse des risques effectuée, dans des cas appropriés, selon les principes prévus dans la partie concernée de l’annexe XV, section II.3, du règlement [REACH] [(4)].

… »

15. L’article 5, paragraphe 5, de la directive notification concerne le rapport avec la communication de règles techniques au titre d’autres textes de l’Union :

« Lorsqu’un projet de règle technique fait partie d’une mesure dont la communication à l’état de projet est prévue par d’autres actes communautaires, les États membres peuvent effectuer la communication prévue au paragraphe 1 au titre de cet autre acte, sous réserve d’indiquer formellement qu’elle vaut aussi au titre de la présente directive.

L’absence de réaction de la Commission, dans le cadre de la présente directive, sur un projet de règle technique ne préjuge pas la décision qui pourrait être prise dans le cadre d’autres actes communautaires ».

16. L’article 7, paragraphe 1, de la directive notification énonce des dérogations à l’obligation de notifier :

« Les articles 8 et 9 ne sont pas applicables aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres ou aux accords volontaires par lesquels ces derniers :

a) – b) …

c) font usage des clauses de sauvegarde prévues dans des actes communautaires contraignants,

d) … »

B. La législation française

17. L’article L. 253‑8, point II, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 125 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, interdit l’utilisation de néonicotinoïdes :

...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 17 September 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 d4 Setembro d4 2020
    ...P, EU:C:2017:871, Rn. 29). 61 Vgl. meine Schlussanträge in der Rechtssache Union des industries de la protection des plantes (C‑514/19, EU:C:2020:422, Nrn. 91 und 62 Siehe oben, Nr. 30. 63 Urteil vom 1. Oktober 2019, Blaise u. a. (C‑616/17, EU:C:2019:800, Rn. 92). 64 Vgl. auch Urteil vom 21......
1 cases
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 17 September 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 d4 Setembro d4 2020
    ...v Commission (C‑250/16 P, EU:C:2017:871, paragraph 29). 61 See my Opinion in Union des industries de la protection des plantes (C‑514/19, EU:C:2020:422, points 91 and 62 See above, point 30. 63 Judgment of 1 October 2019, Blaise and Others (C‑616/17, EU:C:2019:800, paragraph 92). 64 See als......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT