Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 18 June 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:479
Date18 June 2020
Celex Number62019CC0016
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 18 juin 2020 (1)

Affaire C16/19

VL

en présence de :

Szpital Kliniczny im. dra J. Babińskiego Samodzielny Publiczny Zakład Opieki Zdrowotnej w Krakowie

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Okręgowy w Krakowie (tribunal régional de Cracovie, Pologne)]

« Recours préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de la discrimination fondée sur le handicap – Différence de traitement au sein de la catégorie des travailleurs handicapés »






1. Peut-on qualifier de discriminatoire, au sens de la directive 2000/78/CE, le comportement d’un employeur qui, dans le seul but d’obtenir un avantage économique sous la forme d’une réduction de cotisations, verse une prime mensuelle uniquement à certains employés handicapés, en les distinguant des autres employés handicapés en raison de la date à laquelle ils ont communiqué l’attestation reconnaissant leur handicap ?

2. Une travailleuse polonaise handicapée s’est vu refuser par son employeur un complément de salaire, pourtant versé à d’autres travailleurs handicapés, au seul motif qu’elle avait présenté son attestation de handicap à une date antérieure à une réunion avec la direction de l’établissement employeur. Lors de cette réunion, l’établissement avait promis, dans le but de favoriser l’augmentation du nombre d’employés handicapés afin d’obtenir une réduction du montant de la cotisation versée à un fonds pour le handicap, de verser le complément salarial litigieux uniquement aux salariés qui présenteraient une attestation de handicap à compter de la date de la réunion.

3. La question de droit à l’origine de la présente procédure préjudicielle, posée pour la première fois à la Cour, concerne donc l’applicabilité de l’interdiction des actes discriminatoires (qu’il s’agisse de discrimination directe ou indirecte) au comportement d’un employeur qui traite de manière différenciée deux groupes de personnes handicapées sur la base d’un critère apparemment neutre (en l’espèce, la date de présentation de l’attestation de handicap).

I. Cadre juridique

A. Le droit international

4. L’article 1er de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2010/48/CE du Conseil, du 26 novembre 2009 (2) (ci‑après la « Convention des Nations unies »), énonce ce qui suit :

« 1. La présente Convention a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

2. Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

5. En outre, au sens de l’article 5 de la Convention des Nations unies précitée, intitulé « Égalité et non‑discrimination » :

« 1. Les États Parties reconnaissent que toutes les personnes sont égales devant la loi et en vertu de celle‑ci et ont droit sans discrimination à l’égale protection et à l’égal bénéfice de la loi.

2. Les États Parties interdisent toutes les discriminations fondées sur le handicap et garantissent aux personnes handicapées une égale et effective protection juridique contre toute discrimination, quel qu’en soit le fondement.

3. Afin de promouvoir l’égalité et d’éliminer la discrimination, les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés.

4. Les mesures spécifiques qui sont nécessaires pour accélérer ou assurer l’égalité de facto des personnes handicapées ne constituent pas une discrimination au sens de la présente Convention. »

6. Enfin, au sens de l’article 27 de la Convention des Nations unies, intitulé « Travail et emploi » :

« Les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l’inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l’exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d’emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment : [...] h) Promouvoir les possibilités d’exercice d’une activité indépendante, l’esprit d’entreprise, et l’organisation de coopératives et la création d’entreprise ; [...] ».

B. Droit de l’Union

7. Les considérants 11, 12 et 27 de la directive 2000/78 (3) énoncent :

« (11) La discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes.

(12) À cet effet, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle dans les domaines régis par la présente directive doit être interdite dans la Communauté. [...]

[...]

(27) Le Conseil, dans sa recommandation 86/379/CEE du 24 juillet 1986 sur l’emploi des handicapés dans la Communauté, a établi un cadre d’orientation qui énumère des exemples d’actions positives visant à promouvoir l’emploi et la formation des personnes handicapées et, dans sa résolution du 17 juin 1999 sur l’égalité des chances en matière d’emploi pour les personnes handicapées, a affirmé l’importance d’accorder une attention particulière notamment au recrutement, au maintien dans l’emploi et à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie des personnes handicapées ».

8. L’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet » précise que « [l]a présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».

9. L’article 2 de la directive 2000/78, intitulé « Concept de discrimination », prévoit :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que

ii) dans le cas des personnes d’un handicap donné, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique

[...]

5. La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d’autrui ».

10. Enfin, l’article 7 de la directive 2000/78 dispose :

« 2. En ce qui concerne les personnes handicapées, le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle au droit des États membres de maintenir ou d’adopter des dispositions concernant la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail ni aux mesures visant à créer ou à maintenir des dispositions ou des facilités en vue de sauvegarder ou d’encourager leur insertion dans le monde du travail ».

C. Droit polonais

11. L’article 113 de l’Ustawa z dnia 26 czerwca 1974 r. Kodeks Pracy, tekst jednolity : Dziennik Ustaw z 2018 r., poz. 917 ze zmianami (loi du 26 juin 1974 portant Code du travail, journal officiel de la République de Pologne 2018, position 917, texte consolidé, telle que modifiée, ci‑après le « Code du travail polonais ») dispose :

« Toute discrimination en matière d’emploi, directe ou indirecte, fondée notamment sur le sexe, l’âge, un handicap, la race, la religion, la nationalité, les convictions politiques, l’appartenance à un syndicat, l’origine ethnique, la confession, l’orientation sexuelle, ou fondée sur le fait que l’emploi est à durée déterminée ou indéterminée, à plein temps ou à temps partiel, est interdite ».

12. Au sens de l’article 183a du code du travail polonais :

« § 1. Les travailleurs doivent être traités de la même manière en matière de conclusion et de rupture de la relation de travail, de conditions d’emploi, de promotion et d’accès à la formation en vue du développement des qualifications professionnelles, sans considération notamment du sexe, de l’âge, du handicap, de la race, de la...

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