Opinion of Advocate General Kokott in Joined Cases Föreningen Skydda Skogen and Others
Jurisdiction | European Union |
Court | Court of Justice (European Union) |
Date | 10 September 2020 |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
Mme JULIANE KOKOTT
présentées le 10 septembre 2020 (1)
Affaires jointes C‑473/19 et C‑474/19
Föreningen Skydda Skogen e.a.
contre
Länsstyrelsen i Västra Götalands län, B.A. B.
[demande de décision préjudicielle formée par le Vänersborgs tingsrätt, Mark- och miljödomstolen (chambre des affaires agricoles et environnementales du tribunal de première instance de Vänersborg, Suède)]
« Demande de décision préjudicielle – Directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Interdictions aux fins de la conservation des espèces protégées – Déboisement – État de conservation des espèces – Intention »
Table des matières
I. Introduction
II. Cadre juridique
A. La convention de Berne
B. Droit de l’Union
1. La directive « habitats »
2. La directive « oiseaux »
3. La directive sur la responsabilité environnementale
C. Le droit suédois
III. Les faits et la demande de décision préjudicielle
IV. Appréciation juridique
A. Espèces protégées par l’article 5 de la directive oiseaux (première question)
B. Sites de reproduction (quatrième et cinquième questions)
C. Les interdictions d’atteintes intentionnelles (deuxième question)
1. Sur les interdictions de tuer et de détruire
a) Sur la directive habitats
b) Sur la directive oiseaux
– aa) État de conservation de l’espèce
– bb) « Intention » au sens de la directive oiseaux
c) Conclusion intermédiaire
2. Sur les interdictions de perturber
a) Sur la directive oiseaux
b) Sur la directive habitats
D. Le niveau auquel doit être effectuée l’appréciation de l’état de conservation (troisième question)
V. Conclusion
I. Introduction
1. Les directives « habitats » (2) et « oiseaux » (3) contiennent des dispositions relatives aux sites protégés, mais requièrent également la protection de certaines espèces animales et végétales, y compris en dehors de zones protégées (4). Les régimes de protection permettent des dérogations dans des conditions d’interprétation stricte.
2. La présente affaire confronte la Cour à des interrogations sur la protection des espèces qui lui ont déjà été soumises sous une forme similaire, dans le contexte de la protection des sites. À cet égard, il avait été tenté, dans une large mesure sans succès, de recourir à des mesures visant à compenser les atteintes auxdits sites pour écarter l’application de la disposition protectrice. Or, de telles mesures compensatoires font partie des conditions d’une dérogation, laquelle est, en outre, subordonnée à une mise en balance et à un examen des solutions alternatives (5).
3. En l’espèce, il s’agit, à présent, de savoir si l’application des interdictions en matière de protection des espèces peut être subordonnée à la condition que la mesure en cause affecte l’état de conservation de l’espèce concernée. Or, à tout le moins dans la directive habitats, une dérogation est subordonnée expressément à un bon état de conservation. En outre, dans cette directive, les dérogations sont subordonnées à certains motifs et à un examen des solutions alternatives. En matière de protection des oiseaux, la situation est similaire.
4. Toutefois, il convient en même temps de reconnaître que la protection des espèces, telle qu’interprétée par la Cour, peut nécessiter des restrictions très étendues à l’activité humaine. Il existe donc un intérêt légitime à éviter des restrictions disproportionnées.
5. C’est pourquoi la présente affaire fournit une excellente occasion d’examiner davantage cette divergence d’intérêts.
II. Cadre juridique
A. La convention de Berne
6. L’article 6 de la convention de Berne (6) édicte des interdictions fondamentales en matière de protection des espèces :
« Chaque partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage énumérées à l’annexe II. Seront notamment interdits, pour ces espèces :
a) toutes formes de capture intentionnelle, de détention et de mise à mort intentionnelle ;
b) la détérioration ou la destruction intentionnelles des sites de reproduction ou des aires de repos ;
c) la perturbation intentionnelle de la faune sauvage, notamment durant la période de reproduction, de dépendance et d’hibernation, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente convention ;
d) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ou leur détention, même vides ;
e) la détention et le commerce interne de ces animaux, vivants ou morts, y compris des animaux naturalisés et de toute partie ou de tout produit, facilement identifiables, obtenus à partir de l’animal, lorsque cette mesure contribue à l’efficacité des dispositions du présent article. »
7. Des exceptions sont prévues à l’article 9, paragraphe 1, de ladite convention :
« À condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à l’existence de la population concernée, chaque partie contractante peut autoriser des dérogations aux articles 4, 5, 6, 7 et à l’interdiction d’utilisation des produits visés à l’article 8 :
– pour la protection de la flore et de la faune ;
– pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et autres biens ;
– dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, de la sécurité aérienne ou d’autres intérêts publics prioritaires ;
– à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement, de réinstallation et d’élevage ;
– pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective et dans une mesure limitée, la capture, la détention ou toute autre utilisation judicieuse en petites quantités de certains animaux et plantes sauvages. »
B. Droit de l’Union
1. La directive « habitats »
8. Aux termes de l’article 1er, sous i), de la directive habitats, l’état de conservation d’une espèce décrit « l’ensemble des influences qui peuvent affecter à long terme la répartition et l’importance des populations des espèces concernées sur le site visé à l’article 2 ».
L’état de conservation sera considéré comme « favorable », lorsque :
– les données relatives à la dynamique de la population de l’espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquels elle appartient
– l’aire de répartition naturelle de l’espèce n’est ni en train de diminuer ni susceptible de diminuer dans un avenir prévisible, et que
– il existe et il continuera probablement d’exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme ».
9. Selon l’article 1er, sous m), de la directive, on entend par « spécimen » « tout animal ou plante, vivant ou mort, des espèces figurant à l’annexe IV et à l’annexe V, toute partie ou tout produit obtenu à partir de ceux‑ci ainsi que toute autre marchandise dans le cas où il ressort du document justificatif, de l’emballage ou d’une étiquette ou de toutes autres circonstances qu’il s’agit de parties ou de produits d’animaux ou de plantes de ces espèces ».
10. L’article 2 de la directive habitats énonce les objectifs de celle‑ci :
« 1) La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique.
2) Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.
3) Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales ».
11. L’article 12 de la directive habitats établit les obligations fondamentales applicables à la protection des espèces :
« 1) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV, point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant :
a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ;
b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration ;
c) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ;
d) la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos. »
2) Pour ces espèces, les États membres interdisent la détention, le transport, le commerce ou l’échange et l’offre aux fins de vente ou d’échange de spécimens prélevés dans la nature, à l’exception de ceux qui auraient été prélevés légalement avant la mise en application de la présente directive.
… »
12. L’article 16, paragraphe 1, de la directive habitats prévoit des dérogations à l’article 12 de celle‑ci :
« À condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) :
a) dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;
b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;
c) dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques...
To continue reading
Request your trial-
Opinion of Advocate General Kokott delivered on 19 November 2020.
...apartado 65. 19 Mis conclusiones presentadas en los asuntos acumulados Föreningen Skydda Skogen y otros (C‑473/19 y C‑474/19, EU:C:2020:699), punto 20 Véanse las sentencias de 8 de julio de 1987, Comisión/Bélgica (247/85, EU:C:1987:339), apartado 8, y Comisión/Italia (262/85, EU:C:1987:340)......
-
Opinion of Advocate General Kokott delivered on 19 November 2020.
...of male common eiders), C‑217/19, EU:C:2020:291, paragraph 65. 19 My Opinion, Föreningen Skydda Skogen and Others, C‑473/19 and C‑474/19, EU:C:2020:699, point 20 See the judgments of 8 July 1987, Commission v Belgium, 247/85, EU:C:1987:339, paragraph 8, and Commission v Italy, 262/85, EU:C:......