Opinion of Advocate General Bobek delivered on 3 December 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:985
Date03 December 2020
Celex Number62018CC0650
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 3 décembre 2020 (1)

Affaire C650/18

Hongrie

contre

Parlement européen

(« Recours en annulation – Article 7, paragraphe 1, TUE – Proposition motivée du Parlement européen – Compétence de la Cour – Article 263 TFUEArticle 269 TFUE – Résolution relative à une proposition invitant le Conseil à constater l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs communes de l’Union – Règles relatives au calcul des votes visées à l’article 354 TFUE et à l’article 178, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement – Notion de suffrages exprimés – Exclusion des abstentions »)






I. Introduction

1. Le 12 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution relative à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée (ci‑après la « résolution attaquée ») (2). Par son recours, la Hongrie demande l’annulation de cette résolution au titre de l’article 263 TFUE.

2. Ce recours soulève deux questions juridiques essentielles. Premièrement, les propositions motivées adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 1, TUE relèvent-elles du contrôle juridictionnel visé à l’article 263 TFUE compte tenu, notamment, de l’article 269 TFUE ? Deuxièmement, si tel est effectivement le cas, comment faut-il comptabiliser les abstentions au Parlement afin de déterminer si la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, que requiert l’article 354 TFUE, est atteinte ?

II. Le cadre juridique

A. Les traités de l’Union

3. L’article 7 TUE prévoit ce qui suit :

« 1. Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables.

2. Le Conseil européen, statuant à l’unanimité sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission européenne et après approbation du Parlement européen, peut constater l’existence d’une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l’article 2, après avoir invité cet État membre à présenter toute observation en la matière.

3. Lorsque la constatation visée au paragraphe 2 a été faite, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider de suspendre certains des droits découlant de l’application des traités à l’État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil. Ce faisant, le Conseil tient compte des conséquences éventuelles d’une telle suspension sur les droits et obligations des personnes physiques et morales.

Les obligations qui incombent à l’État membre en question au titre des traités restent en tout état de cause contraignantes pour cet État.

4. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider par la suite de modifier les mesures qu’il a prises au titre du paragraphe 3 ou d’y mettre fin pour répondre à des changements de la situation qui l’a conduit à imposer ces mesures.

5. Les modalités de vote qui, aux fins du présent article, s’appliquent au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil sont fixées à l’article 354 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

4. Conformément à l’article 263 TFUE, la Cour contrôle la légalité des actes du Parlement européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers.

5. Par ailleurs, l’article 269 TFUE dispose :

« [l]a Cour de justice n’est compétente pour se prononcer sur la légalité d’un acte adopté par le Conseil européen ou par le Conseil en vertu de l’article 7 du traité sur l’Union européenne que sur demande de l’État membre qui fait l’objet d’une constatation du Conseil européen ou du Conseil, et qu’en ce qui concerne le respect des seules prescriptions de procédure prévues par ledit article.

Cette demande doit être faite dans un délai d’un mois à compter de ladite constatation. La Cour statue dans un délai d’un mois à compter de la date de la demande. »

6. Conformément à la règle générale de vote applicable au sein du Parlement européen énoncée à l’article 231 TFUE, sauf dispositions contraires des traités, le Parlement européen statue à la majorité des suffrages exprimés. Le règlement intérieur fixe le quorum.

7. En vertu de l’article 354 TFUE :

« Aux fins de l’article 7 du traité sur l’Union européenne relatif à la suspension de certains droits résultant de l’appartenance à l’Union, le membre du Conseil européen ou du Conseil représentant l’État membre en cause ne prend pas part au vote et l’État membre en cause n’est pas pris en compte dans le calcul du tiers ou des quatre cinquièmes des États membres prévu aux paragraphes 1 et 2 dudit article. L’abstention de membres présents ou représentés ne fait pas obstacle à l’adoption des décisions visées au paragraphe 2 dudit article.

Pour l’adoption des décisions visées à l’article 7, paragraphes 3 et 4, du traité sur l’Union européenne, la majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du présent traité.

Lorsque, à la suite d’une décision de suspension des droits de vote adoptée conformément à l’article 7, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, le Conseil statue, à la majorité qualifiée, sur la base d’une des dispositions des traités, cette majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du présent traité ou, si le Conseil agit sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, conformément à l’article 238, paragraphe 3, point a).

Aux fins de l’article 7 du traité sur l’Union européenne, le Parlement européen statue à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui le composent. »

8. Aux termes de l’« article unique » du protocole nº 24 sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne,

« [v]u le niveau de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales dans les États membres de l’Union européenne, ceux‑ci sont considérés comme constituant des pays d’origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d’asile. En conséquence, toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un État membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible pour instruction par un autre État membre que dans les cas suivants :

a) si l’État membre dont le demandeur est ressortissant, invoquant l’article 15 de la convention de Rome sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, prend, après l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, des mesures dérogeant, sur son territoire, à ses obligations au titre de cette convention ;

b) si la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne a été déclenchée et jusqu’à ce que le Conseil, ou le cas échéant le Conseil européen, prenne une décision à ce sujet à l’égard de l’État membre dont le demandeur est ressortissant ;

c) si le Conseil a adopté une décision conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne à l’égard de l’État membre dont le demandeur est le ressortissant ou si le Conseil européen a adopté une décision conformément à l’article 7, paragraphe 2, dudit traité à l’égard de l’État membre dont le demandeur est le ressortissant ;

[…] »

B. Le règlement intérieur du Parlement européen

9. Aux termes de l’article 83 du règlement intérieur du Parlement européen (ci‑après le « règlement intérieur ») (3), intitulé « Violation des valeurs et principes fondamentaux par un État membre » :

« 1. Le Parlement peut, sur la base d’un rapport spécifique de la commission compétente, établi en vertu des articles 45 et 52 du présent règlement intérieur :

a) mettre aux voix une proposition motivée invitant le Conseil à agir conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne ;

b) mettre aux voix une proposition invitant la Commission ou les États membres à présenter une proposition conformément à l’article 7, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne ;

c) mettre aux voix une proposition invitant le Conseil à agir conformément à l’article 7, paragraphe 3, ou, ensuite, à l’article 7, paragraphe 4, du traité sur l’Union européenne.

2. Toute demande d’approbation formulée par le Conseil concernant une proposition présentée conformément à l’article 7, paragraphes 1 et 2, du traité sur l’Union européenne est annoncée au Parlement, accompagnée des observations éventuelles transmises par l’État membre concerné, et est renvoyée à la commission compétente, conformément à l’article 99 du présent règlement intérieur. Le Parlement se prononce, à l’exception de cas urgents et justifiés, sur proposition de la commission compétente.

3. Conformément à l’article 354 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les décisions visées aux paragraphes 1 et 2 requièrent la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, constituant la majorité des membres qui composent le Parlement.

[...] »

10. En vertu de l’article 178 de ce même règlement intérieur, qui portait sur le « vote » :

« 1. Le Parlement vote, en règle générale, à main levée.

Toutefois, le Président peut à tout instant décider d’avoir recours au système de vote électronique pour les votes.

[…]

3. Pour l’adoption ou le rejet, seules les voix “pour” et...

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