Opinion of Advocate General Collins delivered on 16 March 2023.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:224
Date16 March 2023
Celex Number62021CC0508
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 16 mars 2023(1)

Affaires jointes C508/21 P et C509/21 P

Commission européenne

contre

Dansk Erhverv (C508/21 P)

et

Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG)

contre

Dansk Erhverv,

Commission européenne (C509/21 P)

« Pourvoi – Aides d’État – Vente de boissons conditionnées dans des emballages à usage unique dans des commerces frontaliers en Allemagne aux résidents danois et suédois – Plainte – Dispense de l’obligation de percevoir une consigne sur des emballages à usage unique à condition de consommer hors du territoire allemand les boissons achetées – Absence de perception de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente au montant de la consigne – Absence d’imposition d’amendes – Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections – Absence d’aide –Directive 94/62/CE – Difficultés sérieuses »






I. Introduction

1. Depuis des temps immémoriaux, les écarts de prix ont stimulé les échanges, et la différence de prix des boissons entre le Royaume de Danemark et la République fédérale d’Allemagne ne fait pas exception. Une concurrence féroce entre les opérateurs établis dans ces deux États membres a conduit Dansk Erhverv, une association professionnelle représentant les intérêts d’entreprises danoises, à introduire une plainte en matière d’aides d’État auprès de la Commission européenne. Elle affirmait notamment que ses concurrents allemands bénéficiaient d’une aide d’État en raison de l’attitude indulgente des autorités allemandes concernant la mise en œuvre de la législation allemande sur le recyclage des déchets d’emballages. La Commission a constaté que l’Allemagne n’avait pas accordé d’aide d’État. Dansk Erhverv a contesté cette décision et ses considérations ont amené le Tribunal de l’Union européenne à l’annuler. La Commission et l’Interessengemeinschaft der Grenzhändler (IGG), une association représentant les intérêts des commerces situés à la frontière allemande, ont formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal devant la Cour de justice. Les présentes conclusions visent à conseiller la Cour sur la manière de résoudre toutes les questions qui se posent pour trancher les deux pourvois. Parmi celles-ci figure un point nouveau, celui de savoir si la Commission est tenue d’ouvrir une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE lorsque l’aide d’État dénoncée consiste en l’absence d’imposition d’amendes à des opérateurs économiques pour une prétendue violation d’une obligation légale imprécise.

II. Les faits et la procédure

A. Les antécédents des pourvois

2. Les points 1 à 27 de l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire Dansk Erhverv/Commission (2) exposent en détail les antécédents des présents pourvois. Ils sont résumés ci-après.

3. Le 14 mars 2016, Dansk Erhverv a saisi la Commission d’une plainte selon laquelle l’Allemagne avait accordé une aide d’État incompatible avec le marché intérieur à un groupe de magasins de détail situés près de la frontière de cet État membre avec le Danemark (ci‑après les « commerces frontaliers »). Selon Dansk Erhverv, les commerces frontaliers vendaient des boissons conditionnées dans des emballages à usage unique à des consommateurs, principalement résidents au Danemark et en Suède, qui ont signé une « déclaration d’exportation » par laquelle ils s’engageaient à consommer ces boissons et à éliminer leur emballage vide hors du territoire allemand, sans percevoir une consigne pour ces emballages comme l’exige le droit allemand. L’aide alléguée consistait en la dispense de facto, par les autorités de deux Länder, le Schleswig-Holstein et le Mecklembourg‑Poméranie-Occidentale (Allemagne) (ci-après les « autorités régionales »), de l’obligation de percevoir la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente au montant de la consigne, d’une part, et en l’absence d’imposition d’amendes aux exploitants des commerces frontaliers qui ne percevaient pas la consigne, d’autre part.

4. Le 4 octobre 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 6315 final concernant l’aide d’État SA.44865 (2016/FC) – Allemagne – Aide alléguée en faveur de magasins de boissons situés à la frontière allemande (ci-après la « décision attaquée »).

5. Dans la section 3.1 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’absence de perception par les commerces frontaliers d’une consigne auprès du groupe de clients susmentionné (ci-après la « première mesure ») (3). Le secteur de la vente au détail a géré le système de consigne, et la perception de la consigne n’a jamais été sous le contrôle de l’État. L’intervention de l’État était limitée à l’obligation, prévue par la Verordnung über die Vermeidung und Verwertung von Verpackungsabfällen (Verpackungsverordnung – VerpackV) (décret relatif à la prévention et au recyclage des déchets d’emballages), du 21 août 1998 (ci-après le « décret sur les déchets d’emballages ») (4), qui transpose la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (5), de percevoir la consigne auprès des acheteurs au détail dans certaines circonstances déterminées et de rembourser le montant de la consigne après restitution de l’emballage (6). Étant donné que le système de consigne n’était pas financé au moyen de ressources d’État, la Commission a conclu que la première mesure ne constituait pas une aide d’État (7).

6. Dans la section 3.2 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur l’absence de perception de la TVA afférente à la consigne (ci-après la « deuxième mesure »). Elle a conclu que la mesure n’accordait pas un avantage au moyen de ressources d’État dès lors que le fait de ne pas facturer la TVA afférente à la consigne était une conséquence de l’application des règles générales en matière de TVA dans une situation où une consigne n’avait pas été perçue (8).

7. La section 3.3 de la décision attaquée portait sur l’examen de la question de savoir si l’absence d’imposition d’amendes aux commerces frontaliers en raison de leur prétendue violation du décret sur les déchets d’emballages (ci-après la « troisième mesure ») constituait une aide d’État. La Commission a admis qu’une dispense de l’obligation de payer des amendes pouvait, en principe, constituer un avantage financé au moyen de ressources d’État. Elle a néanmoins relevé qu’il est inhérent à tout système juridique que les particuliers ne soient pas exposés au risque d’être sanctionnés pour un comportement licite (9). Les difficultés d’interprétation de la loi sont inhérentes à tous les systèmes juridiques. Il peut ainsi apparaître peu adapté que les autorités confrontées à des doutes raisonnables quant à l’interprétation d’une loi infligent des amendes pour une prétendue infraction (10). La Commission a observé que les autorités régionales n’avaient pas exonéré les commerces frontaliers du paiement des amendes qu’elles considéraient comme étant normalement dues. Au lieu de cela, ces autorités ont considéré que la loi n’obligeait pas les commerces frontaliers à percevoir la consigne et qu’ils n’avaient donc commis aucune infraction (11).

8. Selon la Commission, le décret sur les déchets d’emballages visait la collecte efficace des déchets d’emballages en Allemagne. Cet objectif n’impliquait pas la perception d’une consigne sur des emballages à usage unique non éliminés sur le territoire de cet État membre. Les commerces frontaliers se trouvaient dans la même situation que les exportateurs de boissons en canettes, qui étaient expressément dispensés de l’obligation de percevoir une consigne (12). Étant donné que les boissons étaient achetées pour être consommées en dehors du territoire allemand, la perception de la consigne n’était pas susceptible d’inciter les consommateurs à remettre les emballages achetés dans le système de recyclage allemand (13). Dans ces conditions, il n’était pas déraisonnable que les commerces frontaliers n’imposent pas de consigne à de tels consommateurs (14). La directive 94/62 n’imposait pas non plus à un État membre d’assurer la perception d’une consigne sur les boissons vendues dans des emballages à usage unique, destinées à être consommées en dehors de son territoire (15). Selon la Commission, l’approche retenue par les autorités régionales s’agissant de l’absence de perception de la consigne dans ces circonstances constituait un compromis approprié entre les objectifs poursuivis par la directive 94/62, à savoir la protection de l’environnement et la libre circulation des marchandises (16).

9. Bien que les autorités fédérales aient contesté l’interprétation de la loi retenue par les autorités régionales, la jurisprudence alors existante semblait confirmer l’approche adoptée par ces dernières (17). La Commission a ainsi considéré que les autorités régionales étaient confrontées, dans le cadre de l’exercice normal de leurs prérogatives de puissance publique, à des doutes sérieux et raisonnables quant à la portée et à l’interprétation de l’obligation légale des commerces frontaliers de percevoir une consigne. L’absence d’imposition d’amendes dans un tel cas ne constituait pas un avantage financé au moyen de ressources d’État (18). Dès lors, la décision attaquée a conclu qu’aucune des trois mesures qu’elle avait identifiées et analysées ne constituait une aide d’État.

B. Sur l’arrêt attaqué

10. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2019, Dansk Erhverv a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée. IGG est intervenue au soutien des conclusions de la Commission. Dansk Erhverv soutenait que la Commission, en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, malgré les difficultés sérieuses que suscitait l’examen des mesures litigieuses, avait violé les droits procéduraux dont elle dispose en qualité de partie intéressée (19). Par la première branche de son moyen unique...

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