European Air Transport SA v Collège d'Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale and Région de Bruxelles-Capitale.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:94
Docket NumberC-120/10
Celex Number62010CC0120
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 February 2011

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz Villalón

présentées le 17 février 2011 (1)

Affaire C‑120/10

European Air Transport SA

contre

Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale

Région de Bruxelles-Capitale

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

«Transport aérien – Directive 2002/30/CE – Définition des ‘restrictions d’exploitation’ – Limites des émissions sonores à la source à respecter lors du survol de zones urbaines situées à proximité d’un aéroport – Possibilité d’adopter des règles nationales en fonction du niveau sonore mesuré au sol – Rapport avec la directive 2002/49/CE – Convention relative à l’aviation civile internationale – Droits fondamentaux – Articles 7, 37 et 53 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des États membres relative à la protection contre les nuisances sonores»





1. Le bruit produit dans les aéroports constitue l’un des défis environnementaux affectant le plus gravement les agglomérations urbaines. Les intérêts en conflit sont importants: d’une part, et sans vouloir être exhaustif, le transport aérien, le flux de marchandises et de personnes ou les politiques économiques de chaque État membre. D’autre part, la protection de l’environnement et la santé des personnes.

2. La présente affaire donne à la Cour l’occasion de se prononcer sur ladite tension. Le Conseil d’État (Belgique) a posé quatre questions préjudicielles dans lesquelles il fait part de ses doutes quant à la compatibilité d’une réglementation régionale luttant contre les nuisances sonores provoquées par les avions qui utilisent l’aéroport de Bruxelles‑National avec la directive 2002/30/CE, relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de [l’Union] (2). La question centrale en l’espèce réside, en définitive, dans la portée qu’il convient de donner auxdites «restrictions d’exploitation».

3. Toutefois, l’interprétation qui sera finalement faite par la Cour doit prendre en considération le contexte plus large dans lequel s’inscrit l’affaire. Il convient de souligner que la directive 2002/30 coexiste avec d’autres instruments de droit international et de droit dérivé de l’Union qui luttent également contre les nuisances sonores, y compris celles produites dans les aéroports. Par ailleurs, tant la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la «CEDH») que les juridictions constitutionnelles et suprêmes des États membres accordent une protection aux citoyens résidant aux alentours des aéroports. Les articles 7 et 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne renforcent cette protection, si tant est que ce soit possible. Par conséquent, l’interprétation de la notion de «restriction d’exploitation» n’est pas un simple exercice d’interprétation d’un instrument de droit dérivé, mais une opération truffée de difficultés, qui nous fait entrer, comme nous le verrons ci‑après, sur un terrain particulièrement sensible.

I – Le cadre juridique de l’Union

4. Afin d’accroître la protection de l’environnement et de garantir le développement du secteur du transport aérien dans un cadre cohérent avec les politiques de développement durable, la Communauté européenne a adopté, sur le fondement de l’article 80, paragraphe 2, CE, la directive 2002/30. L’objectif environnemental de ladite directive ressort clairement de son premier considérant, qui énonce que le «développement durable est un objectif fondamental de la politique commune des transports».

5. La matière spécifique faisant l’objet d’une harmonisation dans la directive 2002/30 est les restrictions dites «restrictions d’exploitations», que les aéroports de l’Union doivent appliquer aux aéronefs qui y atterrissent et y décollent en vue de la lutte contre les nuisances sonores. Le risque que les restrictions d’exploitation divergent entre États membres et entravent donc la libre circulation est le principal motif qui sous‑tend l’harmonisation effectuée par la directive 2002/30.

6. L’article 2, sous e), de ladite directive définit les «restrictions d’exploitation» comme suit:

«e) ‘restriction d’exploitation’, une mesure liée au bruit qui limite ou réduit l’accès des avions à réaction subsoniques civils à un aéroport; il peut s’agir de restrictions d’exploitation visant à interdire l’exploitation d’aéronefs présentant une faible marge de conformité dans des aéroports déterminés, ou de restrictions d’exploitation partielles, qui limitent l’exploitation des avions à réaction subsoniques civils selon la période de temps considérée».

7. L’article 4 de la directive 2002/30 énumère les règles générales applicables à l’ensemble des restrictions d’exploitation, celle figurant au paragraphe 4 étant particulièrement importante en l’espèce:

«Article 4

Règles générales relatives à la gestion du bruit des aéronefs

1. Les États membres adoptent une approche équilibrée lorsqu’ils traitent des problèmes liés au bruit dans les aéroports situés sur leur territoire. Ils peuvent également envisager des incitations économiques comme mesure de gestion du bruit.

2. Lorsqu’elles envisagent d’introduire des restrictions d’exploitation, les autorités compétentes prennent en considération les coûts et avantages que sont susceptibles d’engendrer les différentes mesures applicables, ainsi que les caractéristiques propres à chaque aéroport.

3. Les mesures ou combinaisons de mesures prises en vertu de la présente directive ne sont pas plus restrictives que ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif environnemental défini pour un aéroport donné. Elles n’introduisent aucune discrimination en fonction de la nationalité ou de l’identité du transporteur aérien ou du fabricant d’aéronefs.

4. Les restrictions d’exploitation basées sur les performances se fondent sur le bruit émis par l’aéronef, déterminé par la procédure de certification menée conformément à l’annexe 16, volume 1, troisième édition (juillet 1993) de la convention relative à l’aviation civile internationale.»

8. Les articles 5 et 6 de la directive 2002/30 introduisent des mesures d’harmonisation dans le régime d’élaboration des restrictions d’exploitation sur lesquelles porte ledit texte.

«Article 5

Règles relatives à l’évaluation

1. Lorsqu’une décision relative aux restrictions d’exploitation est envisagée, il est tenu compte des informations visées à l’annexe II, dans la mesure où cela est approprié et possible, pour ce qui est des restrictions d’exploitation concernées et des caractéristiques de l’aéroport.

2. Lorsque des projets aéroportuaires font l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement en application de la directive 85/337/CEE [(3)], l’évaluation effectuée conformément à cette directive est considérée comme satisfaisant aux dispositions du paragraphe 1, à condition que l’évaluation ait tenu compte, dans la mesure du possible, des informations visées à l’annexe II de la présente directive.

Article 6

Règles concernant l’introduction de restrictions d’exploitation visant à retirer de la circulation les aéronefs présentant une faible marge de conformité

1. Si l’examen de toutes les mesures possibles, y compris les mesures de restriction partielle d’exploitation, effectué conformément aux dispositions de l’article 5 indique que la réalisation des objectifs de la présente directive requiert l’introduction de restrictions visant à retirer de la circulation les aéronefs présentant une faible marge de conformité, les règles suivantes s’appliquent à la place de la procédure prévue à l’article 9 du règlement (CEE) n° 2408/92 [(4)] dans l’aéroport considéré:

a) six mois après que l’évaluation a été effectuée et qu’une décision a été prise concernant l’introduction d’une mesure de restriction d’exploitation, aucun service autre que ceux assurés au cours de la période correspondante de l’année précédente ne peut être exécuté dans cet aéroport avec des aéronefs présentant une faible marge de conformité;

b) au minimum six mois à compter de ce moment, chaque exploitant peut être tenu de réduire le nombre de mouvements de ses aéronefs présentant une faible marge de conformité qui sont utilisés dans cet aéroport, à un rythme annuel qui ne dépasse pas 20 % du nombre initial total de ces mouvements.

2. Conformément aux règles d’évaluation visées à l’article 5, les autorités gestionnaires des aéroports urbains répertoriés dans l’annexe I peuvent introduire des mesures plus strictes en ce qui concerne la définition des aéronefs présentant une faible marge de conformité, à condition que ces mesures ne concernent pas les avions à réaction subsoniques civils qui satisfont, de par leur certificat d’origine ou à l’issue d’un renouvellement de certificat, aux normes acoustiques du volume 1, deuxième partie, chapitre 4, de l’annexe 16 de la convention relative à l’aviation civile internationale.»

9. L’article 7 de la directive 2002/30 se réfère au champ d’application temporel des dispositions de cette dernière, disposant que l’article 5 ne s’applique pas «aux restrictions d’exploitation qui sont déjà décidées à la date d’entrée en vigueur de la présente directive».

10. L’annexe I de ladite directive énumère les aéroports qualifiés d’«urbains». L’aéroport de Bruxelles‑National ne figure pas sur cette liste.

11. La directive 2002/30 est entrée en vigueur le 28 mars 2002, et le délai de transposition accordé aux États membres a expiré le 28 septembre 2003.

12. Quelques mois à peine après l’approbation de la directive 2002/30, le législateur communautaire a adopté, sur le fondement de l’article 175, paragraphe 1, CE, la directive 2002/49/CE, relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement (5). Bien que cet instrument ne fasse pas expressément référence à la directive 2002/30, son article 1er énonce ses objectifs et...

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