Proceedings concerning the execution of a European arrest warrant issued against João Pedro Lopes Da Silva Jorge.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:151
Date20 March 2012
Celex Number62011CC0042
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑42/11
62011CC0042

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 20 mars 2012 ( 1 )

Affaire C‑42/11

João Pedro Lopes Da Silva Jorge

[demande de décision préjudicielleformée par la cour d’appel d’Amiens (France)]

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres — Législation d’un État membre réservant la faculté de non-exécution du mandat d’arrêt européen au cas des personnes recherchées ayant la nationalité dudit État — Discrimination fondée sur la nationalité»

1.

Le présent renvoi préjudiciel, en provenance de la cour d’appel d’Amiens (France), offre à nouveau l’occasion à la Cour de se pencher sur l’interprétation de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ( 2 ). La Cour est notamment invitée à préciser sa jurisprudence et à procéder à une mise en balance de la marge d’appréciation qui doit être reconnue aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre ladite décision-cadre avec l’étendue des garanties qui doivent être offertes aux citoyens de l’Union européenne lorsqu’ils font l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté.

I – Le cadre juridique

A – Le droit international

2.

La convention sur le transfèrement des personnes condamnées signée le 21 mars 1983 à Strasbourg, à laquelle tous les États membres de l’Union sont parties, prévoit, à son article 2, paragraphe 1, que «[l]es Parties s’engagent à s’accorder mutuellement, dans les conditions prévues par la présente Convention, la coopération la plus large possible en matière de transfèrement des personnes condamnées».

3.

L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées énonce:

«Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la présente Convention qu’aux conditions suivantes:

a

le condamné doit être ressortissant de l’État d’exécution».

4.

L’article 3, paragraphe 4, de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées précise que «[t]out État peut, à tout moment, par une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, définir, en ce qui le concerne, le terme ‘ressortissant’, aux fins de la présente Convention».

B – Le droit de l’Union

1. La décision-cadre 2002/584

5.

La décision-cadre 2002/584 définit, à son article 1er, le mandat d’arrêt européen et l’obligation d’exécuter comme suit:

«1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne.»

6.

L’article 4 de la décision-cadre 2002/584 est consacré aux motifs de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen. Il prévoit, à son point 6, que «[l]’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen […] s[‘il] a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne».

7.

L’article 32 de la décision-cadre 2002/584 énonce que «[l]es demandes d’extradition reçues avant le 1er janvier 2004 continueront d’être régies par les instruments existants dans le domaine de l’extradition. Les demandes reçues à partir de cette date seront régies par les règles adoptées par les États membres en exécution de la présente décision-cadre. Cependant, tout État membre peut faire, au moment de l’adoption de la présente décision-cadre, une déclaration indiquant que, en tant qu’État membre d’exécution, il continuera de traiter selon le système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis avant une date qu’il indique […]».

8.

La déclaration de la République française relative audit article 32 est libellée comme suit:

«La France déclare, conformément à l’article 32 de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen et à la procédure de remise entre États membres, que, en tant qu’État d’exécution, elle continuera de traiter selon le système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis avant le 1er novembre 1993 […]»

2. La décision-cadre 2008/909/JAI

9.

La décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne ( 3 ), met en place un système dont l’objectif est de faciliter l’exécution d’une peine dans un État membre autre que l’État qui a rendu le jugement pénal aux fins de mieux assurer la réinsertion sociale du condamné.

10.

L’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 dispose que «[l]a présente décision-cadre vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement et d’exécuter la condamnation».

11.

L’article 28, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 prévoit que «[l]es demandes reçues avant le 5 décembre 2011 continuent d’être régies conformément aux instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées. Les demandes reçues après cette date sont régies par les règles adoptées par les États membres en exécution de la présente décision-cadre».

C – Le droit national

12.

L’article 695-24 du code de procédure pénale français énonce les motifs pour lesquels il peut être refusé de donner suite à un mandat d’arrêt européen. Il prévoit ainsi que «[l]’exécution d’un mandat d’arrêt européen peut être refusée:

[…]

2. Si la personne recherchée pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté est de nationalité française et que les autorités françaises compétentes s’engagent à faire procéder à cette exécution».

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

13.

Le 14 septembre 2006, une juridiction pénale portugaise délivrait un mandat d’arrêt européen à l’encontre du défendeur au principal, M. Lopes Da Silva Jorge, ressortissant portugais, en vue de l’exécution d’une peine de cinq années d’emprisonnement prononcée en 2003 pour des faits commis en 2002. Depuis cette date, M. Lopes Da Silva Jorge s’est installé en France.

14.

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que M. Lopes Da Silva Jorge est marié depuis le 11 juillet 2009 à une ressortissante française, avec laquelle il réside sur le territoire français. Il est employé pour une durée indéterminée comme chauffeur routier régional depuis le 3 février 2008 par une société française.

15.

Le 19 mai 2010, à la suite d’une convocation téléphonique, M. Lopes Da Silva Jorge s’est présenté devant les services de police français. Il a, à cette occasion, été informé de l’existence du mandat d’arrêt européen émis à son encontre ainsi que de la demande de remise aux fins d’exécution de la peine formulée par les autorités portugaises. Le 20 mai 2010, le procureur général près la cour d’appel d’Amiens a saisi la juridiction de renvoi aux fins de statuer sur la remise de M. Lopes Da Silva Jorge aux autorités portugaises.

16.

Dans le cadre de la procédure au principal, le procureur général a soutenu, en substance, que le mandat d’arrêt européen avait été émis dans le respect des exigences légales par les autorités portugaises et qu’aucun des motifs obligatoire ou facultatif de refus d’exécution prévus par le code de procédure pénale français ne trouvait à s’appliquer. Invité à prendre position sur l’incidence de l’arrêt de la Cour Wolzenburg ( 4 ), le procureur général a soutenu que, si M. Lopes Da Silva Jorge était en droit de se prévaloir de la législation française arrêtant les conditions dans lesquelles l’autorité compétente peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen, conformément aux prescriptions de la Cour, et donc de se prévaloir de l’article 695-24 du code de procédure pénale, le motif visé audit article, qui ne concerne que les seuls ressortissants français, est bien, conformément à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, facultatif. Ainsi, l’article 695-24 du code de procédure pénale ne trouverait à s’appliquer qu’à la double condition que le mandat d’arrêt européen ait été émis à l’encontre d’un ressortissant français et que les autorités françaises compétentes se soient engagées à faire procéder elles-mêmes à l’exécution de la peine. Il conclut ainsi à la remise de M. Lopes Da Silva Jorge aux autorités portugaises.

17.

Au cours de la procédure au principal, M. Lopes Da Silva Jorge a, au contraire, déclaré qu’il ne consentait pas à être remis aux autorités portugaises et demandé à être incarcéré en France en invoquant, dans un premier temps, l’article 8 de la convention...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
2 cases

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT