United Antwerp Maritime Agencies (Unamar) NV v Navigation Maritime Bulgare.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:301
Date15 May 2013
Celex Number62012CC0184
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-184/12
62012CC0184

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 15 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑184/12

United Antwerp Maritime Agencies (Unamar) NV

contre

Navigation Maritime Bulgare

[demande de décision préjudicielle formée par le Hof van Cassatie (Belgique)]

«Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles — Principe d’autonomie de la volonté — Limites — Interférence des lois de police du for — Contrat d’agence commerciale»

I – Introduction

1.

La présente affaire porte sur l’interprétation des articles 3 et 7, paragraphe 2, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 ( 2 ) (ci-après la «convention de Rome»), en lien avec la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants ( 3 ).

2.

La demande de décision préjudicielle présentée en l’espèce par le Hof van Cassatie s’insère dans le cadre d’un litige opposant United Antwerp Maritime Agencies (Unamar) NV (ci-après «Unamar»), société de droit belge, à Navigation Maritime Bulgare (ci-après «NMB»), société de droit bulgare, au sujet du paiement de diverses indemnités prétendument dues à la suite de la résiliation, par NMB, du contrat d’agence commerciale qui liait jusqu’alors ces deux sociétés. Dans le cadre de la procédure judiciaire qui en a résulté s’est notamment posée la question de la possibilité, pour le juge belge, d’appliquer au contrat les dispositions impératives de la loi du for malgré l’existence d’une clause d’arbitrage désignant la chambre de commerce et d’industrie de Sofia (Bulgarie) et prévoyant expressément l’application du droit bulgare au contrat.

3.

La Cour est plus particulièrement invitée à préciser dans quelles conditions le juge national peut écarter, en application de l’article 7, paragraphe 2, de la convention de Rome, les dispositions pertinentes de la loi d’un État membre applicable au contrat en vertu du choix des parties (lex contractus) en faveur des dispositions impératives de la loi du for. Elle est plus précisément amenée à fournir des indications aux fins de déterminer si la loi d’un État membre de l’Union européenne, qui, tout en constituant la transposition correcte d’une directive européenne, va au-delà de la protection offerte par cette dernière, peut imposer cette protection plus étendue dans l’hypothèse où la lex contractus est le droit d’un autre État membre de l’Union qui a également et correctement transposé cette directive.

II – Le cadre juridique

A – La convention de Rome

4.

L’article 3 de cette convention, intitulé «Liberté de choix», dispose:

«1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

[…]»

5.

L’article 7, paragraphe 2, de ladite convention, intitulé «Lois de police», prévoit que «[l]es dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l’application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat».

B – La directive 86/653

6.

Selon le considérant 2 de la directive 86/653, celle-ci a été adoptée compte tenu du fait que «les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l’intérieur de la Communauté, les conditions de concurrence et l’exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu’à la sécurité des opérations commerciales […]».

7.

L’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive prévoit:

«Aux fins de la présente directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée ‘commettant’, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.»

8.

L’article 17, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l’agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3.»

C – Le droit belge

9.

La loi du 13 avril 1995 relative au contrat d’agence commerciale ( 4 ) (ci-après la «loi de 1995») dispose, à son article 1er, notamment que «[le] contrat d’agence commerciale est le contrat par lequel l’une des parties, l’agent commercial, est chargée de façon permanente, et moyennant rémunération, par l’autre partie, le commettant, sans être soumis à l’autorité de ce dernier, de la négociation et éventuellement de la conclusion d’affaires au nom et pour compte du commettant».

10.

L’article 18, paragraphes 1 et 3, de la loi de 1995 est ainsi rédigé:

«1. Lorsque le contrat d’agence est conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée avec faculté de dénonciation anticipée, chacune des parties peut y mettre fin en respectant un préavis.

[…]

3. La partie qui résilie le contrat sans invoquer un des motifs prévus à l’article 19, alinéa 1er, ou sans respecter le délai de préavis fixé au paragraphe 1er, alinéa 2, est tenue de payer à l’autre partie une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant soit à la durée du préavis, soit à la partie de ce délai restant à courir.»

11.

L’article 20 de la loi de 1995 dispose:

«Après la cessation du contrat, l’agent commercial a droit à une indemnité d’éviction lorsqu’il a apporté de nouveaux clients au commettant ou a développé sensiblement les affaires avec la clientèle existante, pour autant que cette activité doive encore procurer des avantages substantiels au commettant.»

12.

L’article 21 de la loi de 1995 énonce:

«Pour autant que l’agent commercial ait droit à l’indemnité d’éviction visée à l’article 20 et que le montant de cette indemnité ne couvre pas l’intégralité du préjudice réellement subi, l’agent commercial peut, mais à charge de prouver l’étendue du préjudice allégué, obtenir en plus de cette indemnité, des dommages et intérêts à concurrence de la différence entre le montant du préjudice réellement subi et celui de cette indemnité.»

13.

Aux termes de l’article 27 de la loi de 1995:

«Sous réserve de l’application des conventions internationales auxquelles la Belgique est partie, toute activité d’un agent commercial ayant son établissement principal en Belgique relève de la loi belge et de la compétence des tribunaux belges.»

III – Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

14.

Unamar et NMB ont conclu, en 2005, un contrat d’agence commerciale en vue de l’exploitation d’un service de transport maritime régulier au moyen de conteneurs appartenant à NMB. Le contrat prévoyait que celui-ci était régi par le droit bulgare et que tout différent relatif au contrat serait tranché par la chambre d’arbitrage instituée auprès de la chambre de commerce et d’industrie de Sofia.

15.

Ce contrat d’agence commerciale a, par un contrat du 22 décembre 2008, été prolongé une ultime fois jusqu’au 31 mars 2009. Unamar a alors estimé qu’il avait été irrégulièrement mis fin au contrat et a engagé, le 25 février 2009, une action devant le rechtbank van koophandel te Antwerpen, en vue d’obtenir le paiement de diverses indemnités prévues par la loi de 1995.

16.

Le 13 mars 2009, NMB a, à son tour, cité Unamar devant le rechtbank van koophandel te Antwerpen, afin d’obtenir le paiement d’arriérés de fret d’un montant de 327207,87 euros.

17.

Après avoir joint les deux affaires, le rechtbank van koophandel te Antwerpen a, par jugement du 12 mai 2009, jugé que le déclinatoire de juridiction, invoqué par NMB, tiré de l’existence d’une clause compromissoire était non fondé. Ce tribunal a, en substance, considéré, premièrement, que l’article 27 de la loi de 1995 était une règle de rattachement unilatérale d’application immédiate, ce qui rendait inopérant le choix d’un droit étranger; deuxièmement, que cette loi, bien que ne relevant pas de l’ordre public international belge, devait être appliquée; troisièmement, que tous les litiges relevant du champ d’application de cette loi n’étaient, dès lors, pas susceptibles d’arbitrage à moins que le droit belge ou un droit étranger équivalent n’ait été déclaré applicable dans le contrat d’agence, et, enfin, que, dès lors que le contrat litigieux était soumis au droit bulgare et qu’il n’apparaissait pas que les règles contenues dans la directive 86/653 étaient, en vertu de ce droit, également applicables aux agents commerciaux ayant conclu des contrats de fourniture de services, les déclinatoires de compétence opposés par NMB manquaient en droit.

18.

NMB a, le 24 juin 2009, interjeté appel de cette décision devant le hof van beroep te Antwerpen. Par arrêt du 23 décembre 2010, cette juridiction a condamné Unamar au paiement du solde des frets d’un montant de 77207,87 euros majorés des intérêts de retard et des dépens. En outre, le hof van beroep te Antwerpen a déclaré le déclinatoire de juridiction invoqué par NMB fondé et s’est déclaré sans juridiction pour statuer sur la demande de paiement d’indemnités introduite par Unamar. Selon cette juridiction, la loi de 1995 n’était pas d’ordre public et ne relevait pas non plus de l’ordre public international belge. Cette cour a...

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