Bayer CropScience AG v Deutsches Patent- und Markenamt.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:86
Docket NumberC-11/13
Celex Number62013CC0011
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 February 2014
62013CC0011

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 13 février 2014 ( 1 )

Affaire C‑11/13

Bayer CropScience AG

contre

Deutsches Patent- und Markenamt

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundespatentgericht (Allemagne)]

«Produits phytopharmaceutiques — Certificat complémentaire de protection — Règlement (CE) no 1610/96 — Articles 1er et 3 — Notions de ‘produit’ et de ‘substance active’ — Inclusion éventuelle d’un ‘phytoprotecteur’»

I – Introduction

1.

La présente affaire porte sur l’interprétation des articles 1er et 3 du règlement (CE) no 1610/96 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques ( 2 ).

2.

Plus particulièrement, le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne) interroge la Cour sur la question de savoir si un «phytoprotecteur» relève également du champ d’application des notions de «produit» et de «substance active» au sens desdites dispositions dans le cas d’une demande de certificat complémentaire de protection pour un phytoprotecteur.

3.

Le terme «phytoprotecteur» désigne, en droit de l’Union, les «substances ou préparations qui sont ajoutées à un produit phytopharmaceutique pour annihiler ou réduire les effets phytotoxiques du produit phytopharmaceutique sur certaines plantes» ( 3 ). Le Bundespatentsgericht qualifie les phytoprotecteurs d’antidotes destinés à réguler la phytotoxicité d’un herbicide.

4.

L’enjeu de cette affaire tient à l’interaction entre deux régimes du droit de l’Union, à savoir, d’une part, celui régissant l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et, d’autre part, celui relatif à l’octroi des certificats complémentaires de protection pour de tels produits. Dans la présente affaire, l’octroi de l’autorisation de mise sur marché (ci‑après l’«AMM») est régi par la directive 91/414/CEE ( 4 ) et l’octroi du certificat complémentaire de protection par le règlement no 1610/96.

5.

La question centrale est la suivante: le fait qu’un phytoprotecteur n’ait pas été traité comme «substance active» dans le cadre de l’octroi de l’AMM en vertu de la directive 91/414 empêche‑t‑il de le considérer comme substance active à l’étape suivante, c’est‑à‑dire aux fins d’une demande de certificat complémentaire de protection en vertu du règlement no 1610/96? Le gouvernement polonais et la Commission européenne estiment que tel est le cas. Bayer CropScience AG (ci‑après «Bayer CropScience») considère, en revanche, qu’il n’y a pas lieu d’admettre un tel lien entre les deux procédures.

6.

Cette question a été soulevée devant la juridiction de renvoi notamment en raison d’une modification ultérieure du cadre législatif non encore applicable au cas d’espèce. En effet, l’acte ayant remplacé la directive 91/414, à savoir le règlement no 1107/2009 ( 5 ), a introduit, en sus de la définition de la notion de substance active, une définition spécifique du terme «phytoprotecteur».

7.

Aux fins de l’analyse du lien précédemment évoqué, et en l’absence de la jurisprudence pertinente relative au règlement no 1610/96, je rappelle qu’un cadre analogue, quoique distinct, a été adopté, par le législateur de l’Union, pour les médicaments à usage humain, pour lesquels l’octroi de l’AMM est régi par la directive 2001/83/CE ( 6 ) et l’octroi du certificat complémentaire de protection, à l’origine, par le règlement (CEE) no 1768/92 ( 7 ), et désormais par le règlement (CE) no 469/2009 ( 8 ). En conséquence, les principes dégagés par la Cour dans ce cadre sont susceptibles de contribuer à dégager l’interprétation du règlement no 1610/96.

II – Le cadre juridique

8.

La directive 91/414 instaure des règles uniformes régissant l’autorisation, la mise sur le marché, l’utilisation et le contrôle à l’intérieur de l’Union européenne de produits phytopharmaceutiques présentés sous leur forme commerciale ainsi que des substances actives qui entrent dans leur composition. Elle vise non seulement à harmoniser les règles relatives aux conditions et aux procédures d’agrément desdits produits, mais aussi à assurer un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des animaux, ainsi que de l’environnement, contre les menaces et les risques induits par un usage mal contrôlé de ces produits. Cette directive vise en outre à écarter les entraves à la libre circulation de ceux‑ci.

9.

L’article 4 de la directive 91/414 prévoit les conditions de l’octroi de l’AMM. Les substances actives, dont l’incorporation est autorisée dans les produits phytopharmaceutiques, sont inscrites à l’annexe I de la directive 91/414. L’annexe II de cette directive énumère les conditions à remplir pour introduire un dossier en vue de l’inscription d’une substance active à ladite annexe I. L’annexe III de la même directive énumère les conditions à remplir pour introduire un dossier d’AMM d’un produit phytopharmaceutique.

10.

Le règlement no 1610/96 prévoit notamment les conditions dans lesquelles un certificat complémentaire de protection peut être obtenu pour une «substance active» qui fait déjà l’objet d’une AMM.

11.

Selon l’article 1er, point 1, du règlement no 1610/96, les «produits phytopharmaceutiques» s’entendent des substances actives et des préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l’utilisateur et qui sont destinées entre autres, d’une part, à protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action ou, d’autre part, à exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, pour autant qu’il ne s’agit pas de substances nutritives (par exemple des régulateurs de croissance).

12.

Selon le point 2 dudit article, on entend par «substances» les éléments chimiques et leurs composés tels qu’ils se présentent à l’état naturel ou tels qu’ils sont produits par l’industrie, incluant toute impureté résultant inévitablement du procédé de fabrication. Aux termes du point 3 de ce même article, les «substances actives» s’entendent des substances ou micro‑organismes, y compris les virus, exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles [sous a)] ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux [sous b)].

13.

Selon l’article 2 du règlement no 1610/96, tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que produit phytopharmaceutique, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de l’article 4 de la directive 91/414 peut faire l’objet d’un certificat complémentaire de protection.

14.

Ledit certificat est octroyé par le Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques).

15.

L’article 3 de ce même règlement subordonne l’obtention du certificat à quatre conditions, à savoir que le produit soit protégé par un brevet de base en vigueur, qu’il ait, en tant que produit phytopharmaceutique, obtenu une AMM, qu’il n’ait pas déjà fait l’objet d’un certificat complémentaire de protection et que l’AMM mentionnée soit la première AMM du produit, en tant que produit phytopharmaceutique.

16.

Selon l’article 15c de la loi sur la protection phytosanitaire (Pflanzenschutzgesetz) ( 9 ), dans sa version publiée le 14 mai 1998 ( 10 ), telle que modifiée par la suite ( 11 ), le Bundesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit (Office fédéral de protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire) peut autoriser un produit phytopharmaceutique pour une période maximale de trois ans, notamment lorsque le produit contient une substance active dont l’inscription à l’annexe I de la directive 91/414 n’a pas encore fait l’objet d’une décision dans les conditions prévues par le même article.

III – Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

A – Le litige au principal

17.

Bayer CropScience est titulaire d’un brevet européen, déposé le 8 septembre 1994 et délivré pour l’Allemagne, intitulé «isoxazolines substituées, leur procédé de préparation, les agents les contenant et leur utilisation comme réducteurs de phytotoxicité».

18.

Bayer CropScience a obtenu, le 21 mars 2003, une AMM provisoire pour le produit phytopharmaceutique MaisTer, délivrée par le Bundesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit en vertu de l’article 15c de la loi sur la protection phytosanitaire. Cette autorisation indique comme substances actives du MaisTer les composés chimiques suivants: foramsulfuron, iodosulfuron et isoxadifène. Néanmoins, dans les autorisations définitives des 12 juin 2006 et 19 décembre 2007, l’isoxadifène, le phytoprotecteur en cause dans l’affaire au principal, ne figure plus parmi les substances actives.

19.

Bayer CropScience a introduit, le 10 juillet 2003, une demande de certificat complémentaire de protection pour l’isoxadifène auprès du Deutsches Patent- und Markenamt.

20.

Le Deutsches Patent- und Markenamt a rejeté la demande de certificat par décision du 12 mars 2007, pour des motifs qui ne sont pas pertinents dans le cadre du présent renvoi préjudiciel ( 12 ).

21.

Bayer CropScience a introduit un recours contre cette décision. Elle faisait valoir que, entre-temps, la Cour de justice avait rendu plusieurs arrêts qui ne justifiaient plus de maintenir les motifs de ce rejet.

22.

Le Bundespatentgericht a confirmé, dans une analyse juridique liminaire, que...

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