Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas v Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2001:448
Docket NumberC-218/00
Celex Number62000CC0218
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 September 2001
EUR-Lex - 62000C0218 - FR 62000C0218

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 13 septembre 2001. - Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas contre Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL). - Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Vicenza - Italie. - Articles 85, 86 et 90 du traité CE (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE) - Affiliation obligatoire à un organisme d'assurance contre les accidents du travail - Qualification en tant qu'entreprise d'un organisme d'assurance contre les accidents du travail. - Affaire C-218/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-00691


Conclusions de l'avocat général

1. Dans la présente affaire, le Tribunale di Vicenza (Italie) demande à la Cour de décider si un organisme tel que l'«Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro» (institut national italien d'assurance contre les accidents du travail, ci-après l'«INAIL»), qui gère l'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, peut être qualifié d'entreprise aux fins d'application des règles communautaires de concurrence. En cas de réponse positive à cette question, la juridiction de renvoi demande par ailleurs si l'affiliation obligatoire des artisans à l'INAIL enfreint ces règles et en particulier les articles 86 CE et 82 CE.

2. C'est la première fois que la Cour est saisie d'une affaire ayant trait aux relations entre les règles de concurrence et un régime national d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Les questions ici posées sont toutefois analogues à celles auxquelles la Cour a répondu dans les affaires Poucet et Pistre , FFSA e.a. , Albany, Drijvende Bokken et Brentjens' ainsi que Pavlov e.a. , qui concernaient principalement des fonds de pension. En substance, la question centrale est de savoir si le régime en question, tout en étant prévu par une loi, rassemble les caractéristiques d'un régime d'assurance privé et est par conséquent soumis aux règles de concurrence ou s'il en diffère de manière fondamentale, en particulier en ce qu'il est essentiellement caractérisé par des éléments de solidarité, et n'est dès lors pas soumis aux règles de concurrence.

Contexte national

Origines du système actuel

3. Les origines du système italien d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles remontent au dernier quart du XIXe siècle. D'un nombre croissant, les victimes des accidents du travail (ou leurs héritiers en cas d'accident mortel) ne disposaient alors que des recours du droit commun de la responsabilité civile. Elles ne pouvaient dès lors obtenir réparation de la part de l'employeur que si la preuve d'une faute de ce dernier était rapportée. Or bon nombre des accidents du travail résultaient de cas de force majeure, voire d'une faute de la victime excluant toute possibilité de réparation. En outre, même lorsque l'accident était causé par une faute de l'employeur, la preuve d'une telle faute était difficile à établir pour les victimes qui s'abstenaient parfois d'engager des poursuites afin de ne pas menacer leur emploi.

4. On a dans ce contexte ressenti la nécessité de faire bénéficier les travailleurs et leur famille d'une meilleure protection sociale couvrant les frais occasionnés par les blessures résultant de ou étroitement liées à des travaux manuels dangereux. On a de même considéré que le risque d'un accident sur le lieu de travail (risque professionnel) devait en principe être pris en charge par l'employeur, ce dernier retirant les bénéfices de l'activité comportant le risque.

5. Il s'est toutefois très vite avéré que de simples réformes du droit de la responsabilité civile - renversement de la charge de la preuve, institution d'obligations contractuelles spéciales ou d'un régime de responsabilité civile sans faute par exemple - d'une part, ne permettaient pas de protéger les victimes dont la propre négligence était la cause du dommage et, d'autre part, imposaient par ailleurs une charge parfois excessive aux employeurs.

6. Le mécanisme finalement choisi pour résoudre ces difficultés a consisté en un système d'assurance des accidents du travail financé exclusivement par l'employeur dont la responsabilité civile était en contrepartie désormais dégagée. Tant pour les employeurs que pour les salariés, ce système représentait une solution de compromis:

- tout en n'ayant pas droit à une réparation intégrale de tout préjudice causé par un accident, les employés ont bénéficié de prestations d'assurance basées sur leur salaire précédant l'accident et ce même en cas d'accident causé par eux-mêmes, et

- les employeurs ont été tenus de payer des primes d'assurance même pour le risque d'un accident causé par la victime mais été en contrepartie libérés de leur responsabilité et, partant, d'une obligation de réparation intégrale lorsque leur faute était établie .

7. Initialement facultative, l'assurance est devenue obligatoire en 1898 . L'employeur pouvait alors encore librement choisir son assureur. En 1933 le législateur a décidé d'octroyer à l'INAIL le droit exclusif de gérer ce régime d'assurance .

Le régime actuel d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et le rôle de l'INAIL

8. Il ressort de l'article 38 de la Constitution italienne actuellement en vigueur que les travailleurs («lavoratori») ont droit à ce que soient prévus et assurés des moyens adaptés à leurs conditions de vie, notamment en cas d'accident («infortunio») ou de maladie («malattia»). En son quatrième alinéa, cet article prévoit par ailleurs que ces missions et d'autres qui leur sont similaires sont assurées par des organes et institutions créés ou aménagés par l'État. Le cinquième alinéa précise en outre que l'assistance privée est libre.

9. Les dispositions législatives réglementant l'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles sont contenues pour l'essentiel dans le décret du président de la République nº 1224, du 30 juin 1965, «Testo unico delle disposizioni per l'assicurazione obbligatoria contro gli infortuni sul lavoro e le malattie professionali» (texte unique des dispositions relatives à l'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles), tel que modifié ultérieurement (ci-après le «Testo unico» ou le «TU»). D'importantes dispositions nouvelles ont par la suite été introduites par le décret législatif nº 38, du 23 février 2000. Les faits en cause dans le litige au principal y sont toutefois antérieurs et nous n'en tiendrons dès lors pas compte.

10. Le Testo unico distingue le secteur industriel (articles 1er à 204) et le secteur agricole (articles 205 à 290) qui est soumis à un régime spécial. En ce qui concerne le secteur industriel - dont il s'agit en l'espèce - l'article 1er du TU prévoit que l'assurance est obligatoire pour tous ceux qui exercent une activité qualifiée d'activité à risque par la loi (activité exercée avec une machine, par exemple). Les artisans («artigiani») qui exercent habituellement une activité manuelle dans leurs entreprises respectives rentrent dans la catégorie des travailleurs assurés en vertu de l'article 4, paragraphe 3. En vertu de l'article 9, les employeurs sont tenus d'assurer leurs employés et les sociétés leurs associés alors que les artisans indépendants sont tenus de s'assurer eux-mêmes lorsque l'activité exercée est une des activités à risque prévues par l'article 1er et que la personne assurée est mentionnée à l'article 4.

11. En vertu de l'article 126 du TU, le régime d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles dans le secteur industriel est géré par l'INAIL .

12. L'INAIL est une personne morale de droit public à gestion autonome . Cette institution est investie de pouvoirs particuliers de contrôle sur les obligations des employeurs et le déroulement des soins aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles . Par ailleurs, l'INAIL ne gère pas seulement le régime d'assurance; il participe également à d'autres activités telles que la prévention des accidents (notamment par des campagnes d'information), la gestion de bases de données sur les accidents du travail et s'associe à différentes initiatives d'assistance sociale ou visant à permettre la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes d'accidents du travail (notamment par le biais d'un centre de prothèses et un réseau de centres de réadaptation et de mobilité). En vertu de l'article 55 de la loi nº 88, du 9 mars 1989 destinée à restructurer l'INAIL , cette institution est à classer parmi les organismes publics prestataires de services et est soumise au contrôle du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Ce texte prévoit en outre que l'INAIL assume les fonctions qui lui sont confiées suivant des critères d'exploitation économique rentable («criteri di economicità e di imprenditorialità») en adaptant automatiquement son organisation à la nécessité d'effectuer la collecte des primes et le versement des prestations de manière efficace et en temps utile, et en gérant le patrimoine mobilier et immobilier de manière à assurer un revenu financier adéquat. Le gouvernement doit poursuivre la même finalité dans le contrôle et la surveillance de l'activité de l'INAIL.

Les prestations d'assurance

13. Dans le secteur industriel, les principales prestations de nature financière versées par l'INAIL au titre du régime d'assurance sont les suivantes:

- une indemnité journalière pour incapacité temporaire;

- une rente mensuelle pour incapacité permanente;

- une rente mensuelle aux survivants et une allocation forfaitaire en cas de décès.

14. Le droit à une indemnité journalière est reconnu dès lors qu'un accident ou une maladie entraîne un arrêt de travail supérieur à trois jours. L'indemnité est versée à compter du...

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