Montex Holdings Ltd v Diesel SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:444
Docket NumberC-281/05
Celex Number62005CC0281
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 July 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 4 juillet 2006 (1)

Affaire C-281/05

Montex Holdings Ltd

contre

Diesel SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Marques – Droit pour le titulaire d’une marque d’interdire le transit de marchandises portant un signe identique sur le territoire d’un État membre où cette marque jouit de protection»





1. La présente demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), porte essentiellement sur l’interprétation de l’article 5, paragraphes 1 et 3, de la première directive 89/104/CEE (2). Plus précisément, il s’agit de savoir si un titulaire d’une marque enregistrée dans un État membre a le droit d’interdire le simple transit, sur le territoire de cet État membre, de marchandises sur lesquelles figure un signe identique à cette marque, alors que dans l’État membre de destination, ladite marque ne jouit pas de protection et les marchandises peuvent donc y être librement commercialisées.

I – Les faits du litige au principal, le cadre juridique et les questions préjudicielles soumises à la Cour

2. Diesel SpA (ci-après «Diesel») est titulaire de la marque DIESEL pour des produits relevant de la classe 25, «Vêtements, chaussures, chapellerie»(3), qui jouit de protection notamment en Allemagne. Montex Holdings Ltd (ci‑après «Montex») vend des jeans sous la dénomination DIESEL en Irlande où la marque dont est titulaire Diesel ne jouit d’aucune protection.

3. Montex fabrique des jeans en exportant les différentes pièces en Pologne, y compris les signes distinctifs au moyen de la procédure de scellement douanier, en y faisant coudre les pièces et en ramenant ensuite les pantalons finis en Irlande.

4. Le 31 décembre 2000, le Hauptzollamt Löbau – Zollamt Zittau (bureau principal des douanes de Löbau – bureau des douanes de Zittau) (Allemagne) a retenu une livraison, destinée à Montex, de 5 076 pantalons pour dames portant la dénomination DIESEL, qu’une entreprise de transport hongroise devait lui faire parvenir, en camion, depuis l’usine de production polonaise en passant par le territoire allemand. Les pantalons devaient être transportés, en transit ininterrompu, du bureau des douanes polonais à celui de Dublin et ils étaient protégés contre un éventuel vol durant le transit par un scellement (plombs douaniers) du véhicule de transport effectué par l’administration polonaise.

5. Montex a introduit une réclamation contre l’ordre de rétention des marchandises en cause. Elle considère que le simple transit des marchandises sur le territoire allemand n’enfreint aucun droit de marque. Diesel considère, cependant, que le transit constitue une violation de son droit de marque du fait du risque encouru par les marchandises d’être mises sur le marché dans le pays de transit. Diesel a ainsi demandé qu’il soit interdit à Montex de faire transiter ou de permettre le transit de ses marchandises sur le territoire allemand. Elle a en outre demandé que Montex soit condamnée à accepter la destruction des produits saisis ou, à sa convenance, le retrait et la destruction de toutes les étiquettes et autres signes distinctifs comportant la dénomination DIESEL, et qu’il soit déclaré que Montex doit supporter les coûts de la destruction.

6. Après avoir été condamnée en première et en deuxième instances, Montex a introduit un recours en révision devant le Bundesgerichtshof. Ce dernier a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La marque enregistrée donne‑t‑elle à son titulaire le droit d’interdire le transit de marchandises sur lesquelles figure le signe?

2) En cas de réponse affirmative: une appréciation particulière peut‑elle découler du fait que le signe ne bénéficie d’aucune protection dans le pays de destination?

3) En cas de réponse positive à la première question et indépendamment de la réponse donnée à la deuxième question, une différenciation doit‑elle être faite selon que la marchandise destinée à un État membre provienne d’un État membre, d’un État associé ou d’un État tiers? Faut‑il à cet égard considérer si le produit a été fabriqué dans le pays d’origine légalement ou en violation d’un droit de marque du titulaire en vigueur dans ledit pays?»

7. Ces questions doivent conduire la Cour à interpréter, notamment, l’article 5 de la directive sur les marques, lequel régit les «Droits conférés par la marque», qui prévoit:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle‑ci est enregistrée;

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

[…]»

8. Le paragraphe 3 dudit article énonce:

«Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.»

9. Le règlement (CE) n° 3295/94 (4), en vigueur à la date des faits, est également pertinent pour l’analyse de l’affaire. Les deuxième et troisième considérants de ce règlement sont libellés comme suit:

«considérant que la commercialisation de marchandises de contrefaçon de même que la commercialisation de marchandises pirates porte un préjudice considérable aux fabricants et négociants respectueux des lois ainsi qu’aux titulaires des droits d’auteur et droits voisins et trompe les consommateurs; qu’il convient d’empêcher, dans toute la mesure du possible, la mise sur le marché de telles marchandises et d’adopter à cette fin des mesures permettant de faire face efficacement à cette activité illégale sans pour autant entraver la liberté du commerce légitime; que cet objectif rejoint d’ailleurs les efforts entrepris dans le même sens au plan international;

considérant que, dans la mesure où les marchandises de contrefaçon, les marchandises pirates et les marchandises assimilées sont importées des pays tiers, il importe d’interdire leur mise en libre pratique dans la Communauté ou leur placement sous un régime suspensif, et de mettre en place une procédure appropriée permettant l’intervention des autorités douanières afin d’assurer dans les meilleurs conditions le respect de cette interdiction».

10. L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement prévoit:

«1. Le présent règlement détermine:

a) les conditions d’intervention des autorités douanières lorsque des marchandises soupçonnées d’être des marchandises visées au paragraphe 2, point a), sont:

– déclarées pour la mise en libre pratique, l’exportation ou la réexportation conformément à l’article 61 du règlement (CEE) n° 2913/92 [du Conseil] du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire [(5)],

– découvertes à l’occasion d’un contrôle effectué sur des marchandises, sous surveillance douanière conformément à l’article 37 du règlement (CEE) n° 2913/92, placées sous un régime suspensif au sens de l’article 84, paragraphe 1, point a), dudit règlement, réexportées moyennant notification ou placées en zone franche ou entrepôt franc au sens de l’article 166 dudit règlement

et

b) les mesures à prendre par les autorités compétentes à l’égard de ces mêmes marchandises lorsqu’il est établi qu’elles sont effectivement des marchandises visées au paragraphe 2, point a).»

11. Le paragraphe 2 de ce même article dispose: «Aux fins du présent règlement on entend par:

a) ‘marchandises portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle’:

– les ‘marchandises de contrefaçon’, à savoir:

– les marchandises, y compris leur conditionnement, sur lesquelles a été apposée sans autorisation une marque de fabrique ou de commerce qui est identique à la marque de fabrique ou de commerce dûment enregistrée pour les mêmes types de marchandises, ou qui ne peut être distinguée dans ses aspects essentiels de cette marque de fabrique ou de commerce et qui de ce fait porte atteinte aux droits du titulaire de la marque en question selon la législation communautaire ou celle de l’État membre où la demande d’intervention des autorités douanières est faite,

[…]»

II – Analyse

12. Les questions posées par la juridiction de renvoi peuvent être résumées, en substance, à une seule question à laquelle il y a lieu de répondre globalement: la marque confère-t-elle à son titulaire le droit d’interdire le transit de marchandises sur lesquelles figure un signe identique à la marque, fabriquées dans un État tiers, sur le territoire d’un État membre dans lequel cette marque jouit de protection, alors que les marchandises ont comme destination finale un État membre où elles peuvent être librement commercialisées du fait que ladite marque n’y bénéficie pas de protection? Afin de répondre à cette question, il convient, tout d’abord, d’établir clairement sous quel régime douanier se trouvaient les marchandises au moment où...

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