Kingdom of Spain, Kingdom of Belgium and Italian Republic v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1992:226
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-281/90,C-271/90,,C-289/90
Date20 May 1992
Celex Number61990CC0271
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
EUR-Lex - 61990C0271 - FR 61990C0271

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 mai 1992. - Royaume d'Espagne, Royaume de Belgique et République italienne contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence dans les marchés des services de télécommunications. - Affaires jointes C-271/90, C-281/90 et C-289/90.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-05833
édition spéciale suédoise page I-00175
édition spéciale finnoise page I-00177


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans les présentes affaires, les requérants concluent à l' annulation, conformément à l' article 173 du traité CEE, de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (JO L 192, p. 10). Les requérants sont, dans l' affaire C-271/90, l' Espagne, dans l' affaire C-281/90, la Belgique et, dans l' affaire C-289/90, l' Italie. Dans l' affaire C-271/90, la France est intervenue au soutien de la partie requérante. Lorsque nous nous référerons, dans les développements qui suivent, aux requérants, ce terme est à considérer comme englobant la France. Les trois affaires étant connexes, le président de la Cour a ordonné le 21 novembre 1991 leur jonction aux fins de la procédure orale et de l' arrêt.

2. Le problème fondamental dans chaque affaire est l' étendue des pouvoirs conférés à la Commission par l' article 90, paragraphe 3, du traité, en vertu duquel la directive 90/388 a été adoptée. L' article 90 dispose comme suit:

"1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n' édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus.

2. Les entreprises chargées de la gestion de services d' intérêt économique général ou présentant le caractère d' un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l' application de ces règles ne fait pas échec à l' accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l' intérêt de la Communauté.

3. La Commission veille à l' application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres."

La directive 90/388

3. La directive 90/388 (ci-après "directive sur les services") s' inscrit dans la ligne des initiatives prises par la Commission pour promouvoir le développement du marché commun des services et équipements des télécommunications: voir à ce sujet le livre vert de la Commission du 30 juin 1987 ((COM(87) 290)) et son document du 9 février 1988 sur la mise en application de ce livre vert ((COM(88) 48)). Dans ses "Lignes directrices concernant l' application des règles de concurrence de la Communauté au secteur des télécommunications" (JO 1991, C 233, p. 2), la Commission a affirmé qu' un des objectifs politiques majeurs de la Communauté "doit être le développement de réseaux et de services efficaces à l' échelle européenne, au coût le plus bas et de la meilleure qualité possible, afin de fournir au consommateur européen, dans le cadre du Marché unique de 1992, une infrastructure de base permettant une utilisation efficace". Elle a ajouté que "les opérateurs de télécommunications devraient être autorisés et encouragés à établir les mécanismes de coopération nécessaires de façon à créer ou à garantir une interconnexion totale à l' échelle de la Communauté entre les réseaux publics et, au besoin, entre les services afin de permettre aux consommateurs européens de bénéficier d' une gamme plus large de services de télécommunications meilleurs et moins coûteux" (ibid.).

4. Ces objectifs bénéficient de l' appui général du Conseil: voir sa résolution du 30 juin 1988 (JO C 257, p. 1). En outre, les États membres ont convenu à Maastricht que, dans le domaine des télécommunications notamment, et "Dans le cadre d' un système de marchés ouverts et concurrentiels, l' action de la Communauté vise à favoriser l' interconnexion et l' interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l' accès à ces réseaux": voir le nouvel article 129 B, qui est destiné à être ajouté au traité CEE.

5. Les "Lignes directrices" de la Commission visent essentiellement, aux termes du paragraphe 12, l' "application des règles de concurrence aux entreprises, c' est-à-dire des articles 85 et 86 du traité". Ce paragraphe poursuit en expliquant que les "Lignes directrices" ne se rapportent pas aux règles de concurrence "qui sont applicables aux États membres, et plus particulièrement les articles 5 et 90, paragraphes 1 et 3. Les principes qui régissent l' application de cet article aux télécommunications sont définis dans les directives adoptées par la Commission conformément à l' article 90, paragraphe 3, pour la mise en oeuvre du Livre vert". Les "Lignes directrices" mentionnent deux de ces directives, l' une des deux étant la directive sur les services, dont la validité est contestée par les requérants en l' espèce.

6. Pour tenter de clarifier le raisonnement qui a présidé à l' adoption de la directive sur les services, la Commission explique dans ses mémoires que, à l' origine, seul l' exploitant d' un réseau de télécommunications offrait des services consistant en la transmission de signaux sur ce réseau. Toutefois, l' évolution technologique et commerciale a entraîné une augmentation du nombre des services qui peuvent être fournis par des entreprises distinctes de l' exploitant du réseau, au moyen d' équipements connectés au réseau. Un exemple cité par la Commission est la distribution automatique de billets de banque. Ce service est fourni par des entreprises qui louent des lignes à un organisme de télécommunications pour connecter à leurs ordinateurs centraux des distributeurs automatiques de billets. Un autre exemple fourni par la Commission est le paiement électronique dans les points de vente. Lorsque ce système est employé, le paiement est effectué via un terminal connecté au réseau téléphonique public. Le terminal lit magnétiquement une carte présentée par l' acheteur et transmet ensuite à l' ordinateur de l' établissement financier qui a émis la carte les informations relatives à l' acheteur et à l' achat effectué, par l' intermédiaire de lignes louées par cet établissement. Un autre exemple mentionné est la réservation de billets d' avion par ordinateur, qui suppose une ligne de télécommunications susceptible d' indiquer à l' opérateur quelles sont les places encore libres sur tel ou tel vol. D' autres exemples fournis sont le télécontrôle des installations de production, le courrier électronique et le télé-achat.

7. Confrontée, d' une part, à cette évolution au plan technique et, d' autre part, au risque que l' existence dans les États membres d' organismes de télécommunications jouissant de droits spéciaux ou exclusifs en matière d' établissement de réseaux publics de télécommunications et de fourniture de services publics de télécommunications se traduise par un cloisonnement des marchés nationaux, la Commission a décidé qu' il était nécessaire de légiférer. Il était prévu que la législation envisagée aurait deux volets principaux: en premier lieu, l' élimination rapide des infractions au droit communautaire dans le secteur des services de télécommunications et la prévention d' infractions futures; en second lieu, l' harmonisation des normes techniques applicables aux services de télécommunications. Le second de ces objectifs est poursuivi par la directive 90/387/CEE du Conseil, relative à l' établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en oeuvre de la fourniture d' un réseau ouvert de télécommunications (JO L 192, p. 1), qui a été adoptée le même jour que la directive sur les services. Aux termes de l' article 1er, paragraphe 1, la directive 90/387 concerne l' "harmonisation des conditions d' accès et d' utilisation ouverts et efficaces en matière de réseaux publics de télécommunications et, le cas échéant, de services publics de télécommunications". La directive sur les services a pour but de contribuer à la réalisation du premier des deux objectifs mentionnés. La Commission a estimé que les prestataires de services de télécommunications se heurtaient à un certain nombre d' obstacles dans toute la Communauté et qu' un acte de portée générale serait un moyen plus efficace et plus approprié de réaliser cet objectif que l' introduction de plusieurs procédures d' infraction contre les États membres concernés.

8. Le préambule à la directive sur les services comporte une explication détaillée du mal qu' elle a pour but de réparer. Selon le deuxième considérant, le droit d' établir et d' exploiter des réseaux de télécommunications dans les États membres et le droit de fournir les services y afférents sont généralement conférés à un ou plusieurs organismes de télécommunications qui détiennent des droits exclusifs ou spéciaux. Le quatrième considérant énonce que "tous les États membres ont soit adopté eux-mêmes, soit permis aux organismes de télécommunications d' adopter des mesures administratives et réglementaires restreignant la libre prestation des services de télécommunications." De fait, selon le cinquième considérant, l' octroi de droits exclusifs ou spéciaux à des entreprises pour l' exploitation du réseau "restreint" (1) la prestation des services de télécommunications par d' autres entreprises au départ ou à destination d' autres États membres. Suivent quelques exemples de ce type de restrictions, dont il est dit qu' elles sont en principe contraires à l' article 59 du traité, bien qu' il soit admis que certaines restrictions à la libre prestation des services...

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