United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland v Council of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1987:440
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 October 1987
Docket Number68/86
Celex Number61986CC0068
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
EUR-Lex - 61986C0068 - FR 61986C0068

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 14 octobre 1987. - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Conseil des Communautés européennes. - Substances à effet hormonal - Recours en annulation - Base juridique - Obligation de motivation - Irrégularités de procédure législative. - Affaire 68/86.

Recueil de jurisprudence 1988 page 00855
édition spéciale suédoise page 00367
édition spéciale finnoise page 00371


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Les faits

1 . Le 31 juillet 1981 a été arrêtée la directive 81/602 du Conseil "concernant l' interdiction de certaines substances à effet hormonal et des substances à effet thyréostatique" ( 1 ). Elle prévoit, notamment, que les substances visées à l' article 2 ne soient pas administrées aux animaux d' exploitation, et elle dispose à son article 4 que les États membres peuvent autoriser l' administration à des animaux d' exploitation, de certaines substances en vue du traitement thérapeutique ( et à des fins similaires ). Conformément à son article 5, le Conseil, statuant à l' unanimité sur proposition de la Commission, devait prendre le plus tôt possible une décision concernant l' administration aux animaux d' exploitation de cinq hormones, aux fins d' engraissement . En outre, l' article 7 a imposé aux États membres de veiller à ce que les animaux d' exploitation, les viandes de ces animaux, ainsi que les produits à base de viande élaborés à partir de ces viandes, soient soumis à un contrôle, dont les modalités devaient être également arrêtées par le Conseil statuant à l' unanimité .

2 . C' est ce que le Conseil a fait en arrêtant la directive 85/358, du 16 juillet 1985 ( 2 ). Son article 14 indiquait en outre, à nouveau, que le Conseil, statuant à l' unanimité sur proposition de la Commission, devait arrêter la décision prévue à l' article 5 de la directive 81/602 - et ce avant le 31 décembre 1985 .

3 . La Commission, qui avait mis sur pied, conformément à la mission qui lui avait été confiée par l' article 8 de la directive 81/602, un groupe scientifique chargé de déterminer les effets des cinq substances mentionnées à l' article 5 de la directive 81/602, a agi pour la première fois dans le cadre de cet article 5 en élaborant une proposition en juin 1984 ( 3 ). Selon cette proposition, les États membres devaient pouvoir autoriser l' administration à des animaux d' exploitation, en vue de leur engraissement, de trois des cinq substances mentionnées à l' article 5 de la directive 81/602 . Le Comité économique et social, consulté à ce sujet, a déclaré dans un avis de décembre 1984 qu' il ne pouvait se rallier à cette proposition ( 4 ). De même, le Parlement européen a estimé, dans une résolution du 11 octobre 1985, qu' il y avait lieu de s' opposer à ce que les hormones artificielles et naturelles soient autorisées à des fins de croissance, et a invité la Commission à faire siennes les modifications qu' il avait apportées au texte de sa proposition ( 5 ).

4 . La Commission, qui avait, de son côté, déjà modifié sur un point sa proposition initiale en avril 1985 ( 6 ), a alors présenté en novembre 1985 une nouvelle proposition, visant cette fois à l' adoption d' un règlement ( 7 ). Selon cette proposition, les dérogations à l' article 2 de la directive 81/602 ( interdiction de l' administration aux animaux d' exploitation de certaines substances ) ne pouvaient être autorisées que conformément à l' article 4 de cette directive ( administration à des animaux d' exploitation de certaines substances en vue du traitement thérapeutique et à des fins similaires ), et il était prévu que trois hormones naturelles pouvaient être administrées à des animaux d' exploitation dans un but thérapeutique . Cette proposition - plus exactement : un texte légèrement modifié en date du 18 décembre 1985 ( 8 ) - a été discutée par le Conseil, pendant plusieurs heures selon ce qui a été dit, lors de sa session du 19 décembre 1985 . Un accord politique serait d' ailleurs intervenu à ce sujet ( l' extrait du procès-verbal de la session du Conseil du 19 décembre 1985, qui nous a été présenté, indique que le texte proposé en dernier lieu par la Commission était acceptable pour la majorité des délégations ). Il n' y a cependant pas eu d' adoption immédiate à la majorité ( il était impossible de parvenir à l' unanimité ), et ce - comme on nous l' a dit - parce que la dernière proposition de la Commission n' existait le 19 décembre 1985 qu' en français et que les traductions dans les autres langues officielles n' avaient qu' un caractère provisoire, qu' elles devaient donc être revues par des juristes linguistes . La directive devait donc être adoptée "by written procedure to be completed by 31 December 1985 ".

5 . C' est ce qui s' est produit, après que huit États membres eussent fait connaître leur accord ( le Royaume-Uni et le royaume du Danemark étaient opposés à l' utilisation de la procédure écrite ), et il a été ensuite constaté par une lettre du secrétaire général du Conseil du 31 décembre 1985 que la directive 85/649 avait été adoptée par voie de procédure écrite .

6 . En ce qui concerne le contenu de cette directive, publiée au Journal officiel ( 1985, L 382, p . 228 et suiv .), nous nous bornerons à dire, à ce stade, qu' elle donne une définition du traitement thérapeutique et qu' elle édicte l' interdiction de ce traitement pour les animaux destinés à l' engraissement ( article 1er ); qu' elle dispose que les dérogations à l' article 2 de la directive 81/602 ne sont autorisées que conformément à l' article 4 de cette directive et que seules certaines substances peuvent être administrées à des animaux d' exploitation dans un but de traitement thérapeutique ( article 2 ); qu' elle impose, en outre, aux États membres de veiller à ce que ne soient pas expédiés, de leur territoire vers celui d' un autre État membre, des animaux auxquels ont été administrées certaines substances ou des viandes provenant de ces animaux ( article 5 ); et qu' elle demande également aux États membres d' interdire l' importation en provenance des pays tiers d' animaux d' exploitation auxquels ont été administrées certaines substances ainsi que des viandes provenant de ces animaux ( article 6 ).

7 . C' est cette directive, dont la procédure d' adoption et le contenu font l' objet de diverses critiques, mais qui a été apparemment transposée entre-temps dans la législation nationale de tous les États membres ( sauf un ), que le Royaume-Uni attaque en annulation devant la Cour . Le Royaume-Uni est soutenu par le royaume du Danemark qui s' est associé dans une large mesure aux critiques du Royaume-Uni .

8 . Il nous appartient dès lors de rechercher si ces critiques sont justifiées ou si - comme l' estiment le Conseil et la Commission qui le soutient - le recours doit être rejeté .

B - Discussion

1 . Questions de recevabilité

9 . Il n' y a pas eu d' exceptions formelles d' irrecevabilité du recours . Cependant, les mémoires du Conseil contiennent des observations qui peuvent relever de ce domaine, pris au sens large . C' est sur celles-ci que nous nous pencherons à titre préliminaire .

10 . 1 ) Il a été ainsi soutenu que le requérant n' a pu établir qu' il a subi un préjudice du fait de la circonstance dont il se plaint - à savoir que la directive attaquée a été adoptée à la majorité qualifiée sur la seule base de l' article 43 du traité CEE . Selon cet argument, l' impossibilité de parvenir à l' unanimité aurait conduit à conserver le statu quo résultant de la directive 81/602, autrement dit, l' on aurait continué à assister, eu égard aux disparités entre les législations des différents États membres relativement aux hormones mentionnées à l' article 5 de la directive 81/602, à des distorsions de concurrence et à des obstacles aux échanges, ce qui aurait été assurément désavantageux également pour le Royaume-Uni .

11 . Il a cependant été opposé à juste titre à cet argument qu' un État membre auteur d' un recours n' a pas à justifier d' un intérêt ( 9 ), que, dès lors, l' on n' exige pas de lui - selon les termes de l' arrêt rendu dans l' affaire 230/81 ( 10 ) - de justifier d' un intérêt pour agir, comme le voudrait en définitive cette objection . Donc, même si l' on devait admettre la justesse de ce raisonnement ( à savoir que la situation juridique résultant de la directive 81/602 était plus défavorable pour le requérant ), cela ne signifierait pas pour autant qu' il serait interdit au Royaume-Uni de faire contrôler la légalité de la directive en cause .

12 . 2 ) Le Conseil a également fait valoir que, en ce qui concerne les griefs de violation des formes ( c' est-à-dire insuffisance de motivation, non-respect du règlement intérieur du Conseil et absence de consultation d' autres institutions communautaires ), il ne peut exister d' intérêt à l' annulation de la directive pour ces raisons, car il y a lieu de supposer qu' après une éventuelle annulation une autre décision identique en substance serait prise .

13 . Il faut observer à cet égard qu' il est certes déjà arrivé en jurisprudence ( par exemple dans des affaires de fonctionnaires - arrêt rendu dans l' affaire 432/85)(11 ) que l' intérêt à faire valoir une insuffisance de motivation a été jugé inexistant au motif que l' annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l' intervention d' une décision identique . De pareilles considérations ne nous paraissent cependant pas de mise en l' espèce . Il faut en effet avoir présent à l' esprit, d' une part, que, si la directive devait être annulée pour les motifs mentionnés, une décision en la matière devrait comporter à présent l' intervention de deux nouveaux États membres . De ce seul fait, il n' est déjà pas certain qu' un régime identique en substance serait arrêté ( même s' il est constant - ainsi qu'...

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