Sähköalojen ammattiliitto ry v Elektrobudowa Spółka Akcyjna.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2236
Date18 September 2014
Celex Number62013CC0396
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-396/13
62013CC0396

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 18 septembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑396/13

Sähköalojen ammattiliitto ry

contre

Elektrobudowa Spólka Akcyjna

[demande de décision préjudicielle formée par le Satakunnan käräjäoikeus (Finlande)]

«Libre circulation des travailleurs — Travailleurs détachés — Créances relatives à des rémunérations découlant d’une relation de travail — Règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) — Choix de la loi — Article 8 — Loi applicable aux contrats individuels de travail — Article 14 — Cession de créances salariales à un syndicat — Article 23 — Règles de conflit de lois spéciales en matière d’obligations contractuelles — Directive 96/71/CE — Article 3 — Notion de ‘taux de salaire minimal’ — Marge d’appréciation dont disposent les États membres — Libre prestation de services — Protection sociale des travailleurs»

Table des matières

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le règlement Rome I

2. La directive 96/71

B – Le droit finlandais

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

III – Analyse

A – Le contexte

1. Le paradoxe de la directive 96/71

2. L’approche adoptée dans la jurisprudence

B – L’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71: une règle de conflit de lois spéciale

C – Le taux de salaire minimal

1. Conventions collectives d’application générale dans le contexte de la directive 96/71

2. La notion

3. Les éléments constitutifs du salaire minimal

a) Répartition en classes de rémunération et groupes de salaires

b) Pécule de vacances et problème de minima concurrents

c) Indemnités supplémentaires au titre de missions de travail

i) L’indemnité journalière

ii) L’indemnité de trajet

4. Prise en compte de l’hébergement et des bons d’alimentation dans le calcul du salaire minimal

5. L’exception de l’ordre public de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71

IV – Conclusion

1.

Une entreprise établie en Pologne détache des travailleurs en Finlande pour exécuter un travail sur le chantier d’une centrale nucléaire. Sur le fondement de conventions collectives d’«application générale» ( 2 ) dans le secteur concerné, en Finlande, les travailleurs ont un certain nombre de droits, lesquels incluent un salaire minimal composé de différents éléments. Ensuite, les travailleurs cèdent les créances salariales découlant de ces conventions collectives à un syndicat finlandais, lequel engage alors une procédure contre l’employeur afin d’en obtenir le recouvrement.

2.

Deux problèmes se posent. Premièrement, la juridiction de renvoi sollicite des éclaircissements en ce qui concerne le choix de la loi qui s’applique à la cession des créances salariales. Une telle cession à un tiers (un syndicat en l’occurrence) est permise par le droit finlandais – et constitue même une pratique courante dans ce contexte précis –, mais semble être interdite par le droit polonais ( 3 ). Deuxièmement, la juridiction de renvoi demande des indications sur la manière dont il convient d’interpréter la notion de «taux de salaire minimal» aux fins de la directive 96/71. Cette directive impose à l’État membre d’accueil d’assurer un niveau minimal de protection (notamment en ce qui concerne le salaire) pour les travailleurs détachés sur son territoire. À cet égard, la Cour a aujourd’hui la possibilité de réexaminer son abondante jurisprudence en la matière et de donner, dans la mesure du possible, une définition positive de la notion de taux de salaire minimal dans le contexte du détachement de travailleurs.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le règlement Rome I ( 4 )

3.

Le règlement Rome I régit le choix de la loi applicable aux obligations contractuelles. Le considérant 23, qui est particulièrement pertinent en l’espèce, est libellé dans les termes suivants:

«S’agissant des contrats conclus avec des parties considérées comme plus faibles, celles-ci devraient être protégées par des règles de conflit de lois plus favorables à leurs intérêts que ne le sont les règles générales.»

4.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, un contrat est régi par la loi choisie par les parties.

5.

L’article 8, paragraphe 1, de ce même règlement prévoit une règle spécifique pour le choix de la loi applicable dans le cas de contrats individuels de travail. Celle-ci prévoit:

«Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.»

6.

L’article 14 du règlement Rome I précise quelle est la loi applicable en cas de cession de créance ou de subrogation conventionnelle. L’article 14, paragraphe 2, prévoit:

«La loi qui régit la créance faisant l’objet de la cession ou de la subrogation détermine le caractère cessible de celle-ci, les rapports entre cessionnaire ou subrogé et débiteur, les conditions d’opposabilité de la cession ou subrogation au débiteur et le caractère libératoire de la prestation faite par le débiteur.»

7.

L’article 23 de ce même règlement dispose:

«[…] le présent règlement n’affecte pas l’application des dispositions de droit communautaire qui, dans des domaines particuliers, règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles.»

2. La directive 96/71

8.

La directive 96/71 établit les règles qui régissent le détachement de travailleurs vers d’autres États membres. Il ressort du considérant 5 de ladite directive que celle-ci essaie de concilier la promotion de la prestation de services dans un cadre transnational, d’une part, avec la nécessité d’une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs, d’autre part.

9.

Il ressort également des considérants 6 et 13 de la directive 96/71 que l’objectif de cette dernière est de coordonner les législations des États membres applicables en cas de prestation de services transnationale. Il convient pour cela de prévoir les conditions de travail et d’emploi applicables à la relation de travail envisagée, y compris notamment un noyau de règles impératives de protection minimale que doivent observer, dans l’État membre d’accueil, les employeurs qui détachent des travailleurs en vue d’effectuer un travail à titre temporaire sur le territoire de l’État membre de la prestation.

10.

En ce qui concerne la question du choix de la loi applicable, le considérant 11 énonce que la convention de Rome «ne préjuge pas l’application des dispositions du droit de l’Union qui, dans des matières particulières, règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles».

11.

Aux termes de l’article 3 de cette directive, pour autant qu’il soit pertinent en l’espèce:

«1. Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives

et/ou

par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe:

[…]

b)

la durée minimale des congés annuels payés;

c)

les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels […]

[…]

Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

[…]

7. Les paragraphes 1 à 6 ne font pas obstacle à l’application de conditions d’emploi et de travail plus favorables pour les travailleurs.

Les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du salaire minimal, dans la mesure où elles ne sont pas versées à titre de remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement, telles que les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture.

8. On entend par conventions collectives ou sentences arbitrales, déclarées d’application générale, les conventions collectives ou les sentences arbitrales qui doivent être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d’application territoriale de celles-ci.

[…]

10. La présente directive ne fait pas obstacle à ce que les États membres, dans le respect du traité, imposent aux entreprises nationales et aux entreprises d’autres États, d’une façon égale:

des conditions de travail et d’emploi concernant des matières autres que celles visées au paragraphe 1 premier alinéa, dans la mesure où il s’agit de dispositions d’ordre public;

des conditions de travail et d’emploi fixées dans des conventions collectives ou sentences arbitrales au sens du paragraphe 8 et concernant des activités autres...

To continue reading

Request your trial
3 practice notes
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Campos Sánchez-Bordona, presentadas el 28 de mayo de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 May 2020
    ...2018, Nr. 3, S. 455 bis 460. 117 Siehe Schlussanträge von Generalanwalt Wahl in der Rechtssache Sähköalojen ammattiliitto (C‑396/13, EU:C:2014:2236, Nrn. 47 bis 118 Die Richtlinie 96/71 verdrängt die Rom‑I-Verordnung nicht, sondern verpflichtet zur Anwendung beider Regelungen. Nach Art. 3 A......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 29 de julio de 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 29 July 2019
    ...entre ce règlement et la directive 96/71, voir les conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Sähköalojen ammattiliitto (C‑396/13, EU:C:2014:2236, points 50 et 21 La directive 96/71 devait être transposée au plus tard le 16 décembre 1999, voir article 7, premier alinéa, de cette di......
  • Sähköalojen ammattiliitto ry v Elektrobudowa Spolka Akcyjna.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 February 2015
    ...membre B — Réglementation de l’État membre A interdisant le transfert à un tiers de créances relatives aux rémunérations» Dans l’affaire C‑396/13, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Satakunnan käräjäoikeus (Finlande), par......
2 cases
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 29 de julio de 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 29 July 2019
    ...ce règlement et la directive 96/71, voir les conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Sähköalojen ammattiliitto (C‑396/13, EU:C:2014:2236, points 50 et 21 La directive 96/71 devait être transposée au plus tard le 16 décembre 1999, voir article 7, premier alinéa, de cette directiv......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Campos Sánchez-Bordona, presentadas el 28 de mayo de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 May 2020
    ...Review, 2018, n. 3, pagg. da 455 a 460. 117 V. conclusioni dell’avvocato generale Wahl nella causa Sähköalojen ammattiliitto (C‑396/13, EU:C:2014:2236), paragrafi da 47 a 118 In realtà, la direttiva 96/71 non comporta la disapplicazione del regolamento Roma I, ma impone di coordinare i due ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT