Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 29 de julio de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:638
Celex Number62018CC0016
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 July 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 29 juillet 2019 (1)

Affaire C16/18

Michael Dobersberger

en présence de :

Magistrat der Stadt Wien

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche)]

« Demande de décision préjudicielle – Fourniture de services de restauration à bord de trains internationaux – Directive 96/71/CE – Champ d’application – Libre prestation de services – Article 56 TFUE »






I. Introduction

1. Dans son roman « Le Crime de l’Orient-Express », publié en 1934, Agatha Christie n’a pas abordé la question du lieu exact où le crime avait été commis. Tout ce que nous savons est que celui‑ci s’est produit dans un train, l’Orient-Express, sur la route Simplon, qui traverse plusieurs pays au cours de son trajet entre Istanbul et Calais, à un certain moment avant ou après que le train ait été arrêté dans l’ancienne Yougoslavie. Cependant, le lecteur n’a pas de réponse à la question de savoir dans quel pays ce crime s’est produit. Cette question, qui aurait été d’une importance capitale dans le cadre de procédures pénales ultérieures, afin de déterminer le droit pénal national applicable, ne relevait clairement pas du domaine de l’enquête menée par Hercule Poirot. Il est vrai que, pour le rythme et le suspens du récit, elle était sûrement négligeable. Pour Agatha Christie, la géographie n’était pas déterminante.

2. La question qui est au cœur de la présente demande de décision préjudicielle adressée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) est moins intrigante, mais plus importante pour le fonctionnement du marché intérieur et la libre prestation de services : les dispositions de la « directive sur les travailleurs détachés », c’est‑à‑dire la directive 96/71/CE (2), sont-elles applicables à une situation dans laquelle un train international traverse l’Autriche lors de son trajet reliant Budapest à Munich, avec pour conséquence que, tout comme à bord de l’Orient-Express, chaque franchissement de frontière aurait des implications juridiques ? Peut-être pas pour la définition du crime, mais, véritablement, pour l’application du droit pénal du travail et relatif au travail.

3. Dans les présentes conclusions, je ferai valoir qu’une situation telle que celle en cause au principal ne relève pas du champ d’application de la directive 96/71. Dans le cas présent également, la géographie n’est pas déterminante.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. L’article 1er de la directive 96/71, intitulé « Champ d’application », dispose :

« 1. La présente directive s’applique aux entreprises établies dans un État membre qui, dans le cadre d’une prestation de services transnationale, détachent des travailleurs, conformément au paragraphe 3, sur le territoire d’un État membre.

2. La présente directive ne s’applique pas aux entreprises de la marine marchande en ce qui concerne le personnel navigant.

3. La présente directive s’applique dans la mesure où les entreprises visées au paragraphe 1 prennent l’une des mesures transnationales suivantes :

a) détacher un travailleur, pour leur compte et sous leur direction, sur le territoire d’un État membre, dans le cadre d’un contrat conclu entre l’entreprise d’envoi et le destinataire de la prestation de services opérant dans cet État membre, pour autant qu’il existe une relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant la période de détachement ; ou

b) détacher un travailleur sur le territoire d’un État membre, dans un établissement ou dans une entreprise appartenant au groupe, pour autant qu’il existe une relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant la période de détachement ; ou

c) détacher, en tant qu’entreprise de travail intérimaire ou en tant qu’entreprise qui met un travailleur à disposition, un travailleur à une entreprise utilisatrice établie ou exerçant son activité sur le territoire d’un État membre, pour autant qu’il existe une relation de travail entre l’entreprise de travail intérimaire ou l’entreprise qui met un travailleur à disposition et le travailleur pendant la période de détachement.

4. Les entreprises dans un État non membre ne peuvent pas obtenir un traitement plus favorable que les entreprises établies dans un État membre. »

5. L’article 2 de la directive 96/71, intitulé « Définition » prévoit :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “travailleur détaché”, tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement.

2. Aux fins de la présente directive, la notion de travailleur est celle qui est d’application dans le droit de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché. »

6. L’article 3 de la directive 96/71, intitulé « Conditions de travail et d’emploi », énonce, en son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées [à] l’article 1er, paragraphe 1, garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci‑après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées :

– par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, et/ou

– par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe :

a) les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;

b) la durée minimale des congés annuels payés ;

c) les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires ; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels ;

d) les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire ;

e) la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ;

f) les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ;

g) l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.

Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret, point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché. »

B. Le droit autrichien

7. L’article 7b de l’Arbeitsvertragsrechts-Anpassungsgesetz (loi portant adaptation du droit des contrats de travail) (3), dans la version applicable au litige faisant l’objet de la procédure au principal (ci‑après l’« AVRAG »), porte sur les droits des employés vis-à-vis des employeurs étrangers ayant leur siège dans un État membre de l’Union ou de l’Espace économique européen. En substance, cet article prévoit qu’un travailleur qui est détaché en vue de l’exécution d’un travail en Autriche par un employeur qui a son siège dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen autre que l’Autriche, a, pendant la durée du détachement et sans préjudice des dispositions légales et réglementaires applicables à la relation de travail, automatiquement droit à au moins la rémunération légale, fixée par voie réglementaire ou par une convention collective qui, sur le lieu de travail, doit être versée aux travailleurs comparables par des employeurs comparables. De plus, une personne ayant son siège dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen autre que l’Autriche a la qualité d’employeur s’agissant des travailleurs mis à sa disposition, qui sont détachés en Autriche en vue de l’exécution d’un travail. Les employeurs sont tenus de déclarer, au moins une semaine avant le début de l’exécution du travail en question, le recours à des travailleurs qui ont été détachés en vue d’effectuer un travail en Autriche. Cette déclaration doit être faite de manière séparée pour chaque détachement et contenir les indications suivantes : i) nom, adresse et licence professionnelle ou objet de l’entreprise de l’employeur ; ii) la période globale couverte par le détachement, ainsi que le début et la durée prévisible de l’emploi des différents travailleurs en Autriche, les conditions normales de durée et de lieu de travail convenues pour les différents travailleurs ; iii) le montant de la rémunération due aux différents travailleurs en vertu des dispositions légales autrichiennes et le début de la relation de travail avec l’employeur ; iv) le lieu (adresse exacte) de l’emploi en Autriche (également d’autres lieux d’intervention en Autriche) ; et v) le type d’activité et utilisation du travailleur avec prise en compte du contrat collectif autrichien pertinent. Les employeurs sont, dans la mesure où il n’existe pas d’obligation, pour les travailleurs détachés, de s’affilier à la sécurité sociale en Autriche, tenus de tenir à disposition des documents relatifs à la déclaration du travailleur à la sécurité sociale [document de sécurité sociale E 101 selon le règlement (CEE) nº 1408/71 (4), document de sécurité sociale A1 selon le règlement (CE) nº 883/04 (5)], ainsi qu’une copie de la déclaration de détachement, sur le lieu de l’exécution du travail (ou d’intervention) sur le territoire national, ou de les rendre directement accessibles sous forme électronique aux services de l’autorité chargée de la collecte des cotisations.

8. Concernant l’obligation de mise à disposition des documents relatifs aux salaires, l’article 7d de l’AVRAG prévoit, en particulier, que, pendant toute la durée du détachement, les employeurs, sont tenus de garder à disposition, sur le lieu d’exécution du travail et en langue allemande, le contrat de travail ou la fiche de service, la fiche de salaire, les preuves du...

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