European Parliament v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:32
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 February 1995
Docket NumberC-417/93
Celex Number61993CC0417
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
61993C0417

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉGER

présentées le 14 février 1995 ( *1 )

1.

Par recours introduit le 12 octobre 1993, le Parlement européen (ci-après le « Parlement ») sollicite l'annulation du règlement (Euratom, CEE) n° 2053/93 du Conseil, du 19 juillet 1993, relatif à la fourniture d'une assistance technique aux États indépendants de l'ex-Union soviétique et à la Mongolie dans l'effort d'assainissement et de redressement de leur économie ( 1 ).

2.

Cette affaire vous invite à prendre position sur deux questions clés dans les relations entre Parlement et Conseil. L'exigence de consultation effective du Parlement est-elle satisfaite lorsque le Conseil délibère sur une proposition de règlement de la Commission avant que le Parlement émette son avis et adopte ce règlement quatre jours après l'avis de ce dernier? Les organes du Conseil peuvent-ils étudier la proposition et en proposer des modifications avant même la saisine du Parlement pour avis?

3.

Le règlement n° 2053/93 a été adopté dans les circonstances suivantes.

4.

Le programme d'assistance TACIS est institué, pour les années 1991 et 1992, par le règlement (CEE, Euratom) n° 2157/91 du Conseil, du 15 juillet 1991 ( 2 ).

5.

La Commission adopte le 25 novembre 1992 une proposition de règlement [COM(92) 475 final] ( 3 ) permettant de poursuivre l'effort d'assistance technique aux nouveaux États indépendants sur la base de programmes indicatifs d'une durée de trois ans ( 4 ). Comme le règlement n° 2157/91, cette proposition a pour base juridique les articles 235 du traité CEE et 203 du traité CEEA.

6.

Cette proposition est transmise au Conseil le 15 janvier 1993 par les services de la Commission et communiquée pour information au Parlement le même jour.

7.

A la suite des travaux d'un groupe de travail du Conseil dit « ex-URSS », un document est transmis au Coreper le 4 mars 1993 ( 5 ). L'examen de la proposition de règlement auquel procède le Conseil, le 5 avril 1993, permet « (de constater) une large convergence de vues » ( 6 ). Il est convenu de réexaminer la proposition lorsque le Parlement aura rendu son avis.

8.

Le 5 mars 1993, le Conseil communique la proposition de la Commission au Parlement pour avis. Il est demandé que celui-ci soit rendu lors de la session d'avril ( 7 ).

9.

Le 12 mars 1993, le président du Parlement renvoie la proposition aux commissions compétentes pour examen.

10.

Le 23 mars 1993, le Conseil confirme sa démarche et sollicite l'application de la procédure d'urgence prévue par l'article 75 du règlement intérieur du Parlement ( 8 ). Cette demande est rejetée le 20 avril 1993 ( 9 ).

11.

Un projet de rapport ( 10 ) est examiné le 26 avril 1993 par la commission « Relations économiques extérieures » (ci-après la « commission REX ») qui adopte à l'unanimité un projet de résolution législative le 5 mai 1993.

12.

Le 27 mai 1993, le Parlement adopte la quasi-totalité des amendements proposés par la commission REX ( 11 ). Le rapporteur obtient toutefois le report du vote sur le projet de résolution législative, par application de l'article 40, paragraphe 2 ( 12 ), du règlement du Parlement ( 13 ), « ... en considération de la position du Conseil... » ( 14 ).

13.

Le 16 juin 1993, le Conseil demande à nouveau l'utilisation de la procédure d'urgence, y compris, le cas échéant, en convoquant une session extraordinaire, afin que l'avis soit rendu en juin.

14.

Le 22 juin 1993, le Parlement accède à cette demande.

15.

Après un ultime renvoi en commission le 24 juin 1993, la résolution législative clôturant la procédure de consultation est adoptée le 14 juillet 1993: la proposition de la Commission est rNOTEejetée ( 15 ).

16.

Le Conseil arrête définitivement le règlement n° 2053/93 le 19 juillet 1993.

17.

Le recours en annulation est fondé sur trois moyens:

la procédure de consultation du Parlement aurait eu lieu dans des conditions illégales. Elle aurait été fictive et serait intervenue en violation de l'article 5 du traité CEE;

le Parlement aurait dû être reconsulté;

le règlement n° 2053/93 serait illégal en ce qu'il prévoirait la possibilité de modifications internes laissées à la discrétion du Conseil, sans intervention du Parlement.

18.

Examinons ces trois moyens tour à tour.

I — Sur l'illégalité de la procédure de consultation

19.

On l'a noté, « le Parlement est, parmi les acteurs institutionnels de la procédure de consultation (institutions politiques ( 16 ) et États membres), le seul à ne pas être présent lors des réunions du Conseil » ( 17 ).

20.

C'est dire l'importance que revêt pour l'équilibre entre institutions le respect des prérogatives du Parlement dans la procédure de consultation, même si celle-ci n'est plus, depuis l'Acte unique européen, le seul moyen dont dispose le Parlement pour faire entendre sa voix dans la procédure législative.

21.

Votre jurisprudence en la matière a posé trois principes:

la consultation est une formalité substantielle;

la consultation doit être effective;

la procédure législative est indisponible.

22.

Le recours en annulation qui a donné lieu à l'arrêt du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil ( 18 ), portait sur un règlement arrêté par le Conseil sans qu'ait été respectée la procédure de consultation.

23.

D'une formule lapidaire, vous avez jugé que:

« La consultation prévue par l'article 43, paragraphe 2, troisième alinéa, comme par d'autres dispositions parallèles du traité, est le moyen qui permet au Parlement de participer effectivement au processus législatif de la Communauté. Cette compétence représente un élément essentiel de l'équilibre institutionnel voulu par le traité. Elle est le reflet, bien que limité, au niveau de la Communauté, d'un principe démocratique fondamental, selon lequel les peuples participent à l'exercice du pouvoir par l'intermédiaire d'une assemblée représentative. La consultation régulière du Parlement dans les cas prévus par le traité constitue dès lors une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de l'acte concerné » ( 19 ).

24.

Vous appliquez cette formule non seulement à des hypothèses où la consultation est inexistante, mais également à des situations où elle est insuffisante ( 20 ).

25.

Même s'il est courant que la Commission adresse pour information copie de sa proposition de règlement au Parlement ( 21 ), celui-ci n'est formellement saisi d'une demande d'avis que par le Conseil. L'exigence de consultation n'est pas satisfaite par la seule présentation de cette demande. « ... le respect de cette exigence implique l'expression, par le Parlement, de son opinion » ( 22 ). Le rejet pur et simple de la proposition par le Parlement est un avis au sens du traité ( 23 ).

26.

La consultation doit être effective. Elle doit être « ... susceptible d'avoir des conséquences sur le contenu de l'acte adopté » ( 24 ). Le Parlement doit être en mesure d'exercer une influence sur le contenu des actes normatifs adoptés par le Conseil. Il s'ensuit que le Conseil doit attendre l'avis du Parlement avant d'adopter l'acte.

27.

Même si l'adoption de l'avis par le Parlement n'est soumise à aucune condition de délai, nous pensons que les pouvoirs de celui-ci ne sont pas sans limites: il résulte, à notre avis, du point 36 de l'arrêt Roquette Frères/Conseil, précité, que le Conseil peut passer outre l'absence d'avis du Parlement s'il démontre qu'il a « ... épuisé toutes les possibilités d'obtenir l'avis préalable du Parlement », sauf à reconnaître à celui-ci un droit de veto ( 25 ).

28.

On le voit, là où elle est exigée, la consultation fait naître des obligations tant à la charge du Conseil qu'à celle du Parlement ( 26 ).

29.

Enfin, la procédure législative est indisponible. Elle n'est pas laissée à la discrétion des États membres ou des institutions ( 27 ):

« Dans le cadre de l'équilibre des pouvoirs entre les institutions prévu par les traités, la pratique du Parlement européen ne saurait, en effet, enlever aux autres institutions une prérogative qui leur est attribuée par les traités eux-mêmes » ( 28 ).

30.

Vous avez jugé, dans l'arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil ( 29 ), que:

« ... les règles relatives à la formation de la volonté des institutions communautaires sont établies par le traité et ... ne sont à la disposition ni des États membres ni des institutions elles-mêmes » ( 30 ).

31.

Nous décelons dans ces trois principes l'application d'un principe général de coopération loyale entre institutions, fondé sur le fait que celles-ci sont unies dans la réalisation d'objectifs communs fixés par le traité ( 31 ) et associées dans le processus décisionnel.

32.

Ce principe est déjà présent dans l'article 5 du traité CEE qui vise les États membres — mais qui impose également aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres ( 32 ) — et l'article 162 du même texte ( 33 ) qui vise les relations entre le Conseil et la Commission.

33.

Vous l'avez appliqué aux relations entre le Conseil, la Commission et le Parlement dans le cadre de la procédure budgétaire, fondée essentiellement, selon l'arrêt du 27 septembre...

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