Unicaja Banco SA v José Hidalgo Rueda and Others (C-482/13) and Caixabank SA v Manuel María Rueda Ledesma and Rosario Mesa Mesa (C-484/13), José Labella Crespo and Others (C-485/13) and Alberto Galán Luna and Domingo Galán Luna (C-487/13).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2299
Docket NumberC-487/13,C-482/13,,C-485/13,C-484/13,
Celex Number62013CC0482
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 October 2014
62013CC0482

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 16 octobre 2014 ( 1 )

Affaires jointes C‑482/13, C‑484/13, C‑485/13 et C‑487/13

Unicaja Banco SA

contre

José Hidalgo Rueda,

María del Carmen Vega Martín,

Gestión Patrimonial Hive SL,

Francisco Antonio López Reina,

Rosa María Hidalgo Vega (C‑482/13)

et

Caixabank SA

contre

Manuel María Rueda Ledesma,

Rosario Mesa Mesa (C‑484/13)

José Labella Crespo,

Rosario Márquez Rodríguez,

Rafael Gallardo Salvat,

Manuela Márquez Rodríguez (C‑485/13)

Alberto Galán Luna,

Domingo Galán Luna (C‑487/13)

[demande de décision préjudicielle

formée par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción de Marchena (Espagne)]

«Directive 93/13/CEE — Contrats de crédit conclus avec des consommateurs — Clauses abusives — Absence d’effet contraignant — Moyens adéquats et efficaces pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives — Procédure de saisie hypothécaire»

1.

Au moment de son adoption, la plupart des États membres ne se doutaient probablement pas de l’impact que la directive 93/13/CEE ( 2 ) aurait sur leur ordre juridique une vingtaine d’années plus tard.

2.

L’un de ces États membres est le Royaume d’Espagne. Dans le sillage de l’arrêt Aziz ( 3 ), le législateur espagnol a récemment adopté une nouvelle législation ( 4 ) visant, entre autres, à pallier les problèmes identifiés par la Cour dans cet arrêt. La Cour a déjà eu l’occasion d’examiner cette législation ( 5 ). Les affaires soumises à la Cour par la juridiction de renvoi mettent en lumière une facette de la loi no 1/2013 qui diffère de celle en cause dans l’affaire Sánchez Morcillo et Abril García (EU:C:2014:2099). Cette fois-ci, la question est de savoir non pas si le droit espagnol rend le recours contre une décision judiciaire ordonnant le recouvrement forcé d’une dette impossible ou excessivement difficile pour les consommateurs, mais plutôt si les règles procédurales espagnoles qui régissent la saisie hypothécaire sont conformes au prescrit de la directive 93/13 qui impose aux États membres de veiller à ce que les consommateurs ne soient pas liés par des clauses abusives.

3.

Plus précisément, le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción de Marchena (juge de première instance et d’instruction de Marchena, Espagne) – ainsi que plusieurs autres juridictions espagnoles ( 6 ) – a posé à la Cour des questions concernant essentiellement l’une des dispositions transitoires de la loi no 1/2013. Cette disposition fixe un plafond aux intérêts moratoires susceptibles d’être recouvrés au moyen d’une saisie hypothécaire: le taux d’intérêt moratoire ne peut être supérieur à trois fois le taux d’intérêt légal. Si ce plafond est dépassé, les juridictions doivent donner aux créanciers la possibilité d’ajuster le taux d’intérêt moratoire afin de respecter la limite légale. Ces demandes de décision préjudicielle donnent à la Cour une nouvelle occasion de clarifier les limites de l’influence du droit des consommateurs de l’Union européenne sur les règles nationales de ce type.

I – Le cadre juridique

A – La directive 93/13

4.

Le 21e considérant du préambule de la directive 93/13 est ainsi libellé:

«[…] les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel; […] si malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives».

5.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 est libellé comme suit:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives».

6.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel».

7.

Conformément à l’article 8 de la directive 93/13, «[l]es États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur».

B – Le droit espagnol

8.

En vertu de l’article 1911 du code civil espagnol, le débiteur répond de l’accomplissement de ses obligations sur l’ensemble de ses biens, présents et futurs.

9.

L’article 105 de la loi hypothécaire (Ley Hipotecaria), codifiée par le décret du 8 février 1946 ( 7 ) et modifiée par la loi no 1/2013, prévoit que l’hypothèque peut être constituée en garantie de tout type d’obligations et ne modifie pas la responsabilité personnelle illimitée du débiteur établie par l’article 1911 du code civil.

10.

L’article 552, paragraphe 1, du code de procédure civile (Ley de Enjuiciamiento Civil), tel que modifié par l’article 7, paragraphe 1, de la loi no 1/2013, dispose que, lorsque le tribunal estime que l’une des clauses figurant dans certains titres exécutoires peut être qualifiée d’abusive, il entend les parties dans un délai de quinze jours. Celles-ci entendues, il statue dans les cinq jours suivants, conformément à l’article 561, paragraphe 1, point 3, du code de procédure civile.

11.

La loi no 1/2013 a également ajouté un nouveau point 3 à l’article 561, paragraphe 1, du code de procédure civile, qui est libellé comme suit:

«Lorsque le caractère abusif d’une ou plusieurs clauses est constaté, l’ordonnance adoptée en précise les conséquences soit en décidant qu’il n’y a pas lieu à exécution, soit en ordonnant l’exécution sans que les clauses considérées comme abusives soient appliquées».

12.

En outre, l’article 3, paragraphe 2, de la loi no 1/2013 a modifié l’article 114 de la loi hypothécaire en y insérant un troisième paragraphe rédigé comme suit:

«Les intérêts de retard pour les prêts ou crédits visant à l’acquisition de la résidence principale, garantis par des hypothèques constituées sur le logement en question, ne peuvent dépasser trois fois l’intérêt légal et ne peuvent être perçus que sur le montant en principal à payer. Lesdits intérêts de retard ne peuvent en aucun cas être capitalisés, sauf dans le cas prévu à l’article 579, paragraphe 2, sous a), du code de procédure civile».

13.

Enfin, la deuxième disposition transitoire de la loi no 1/2013 est libellée comme suit:

«La limitation des intérêts de retard pour les hypothèques constituées sur une résidence principale, prévue à l’article 3, paragraphe 2, s’applique aux hypothèques constituées après l’entrée en vigueur de la présente loi.

Cette limitation s’applique également aux intérêts de retard prévus dans les prêts comportant une garantie hypothécaire sur une résidence principale constituée avant l’entrée en vigueur de la présente loi, lorsque ces intérêts arrivent à échéance après cette date, ainsi qu’à ceux qui, bien qu’échus à cette date, n’auraient pas été acquittés.

Dans les procédures de saisie ou de vente extrajudiciaire ouvertes mais non conclues à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, et dans lesquelles le montant pour lequel il est demandé que soit ordonnée la saisie ou la vente extrajudiciaire a déjà été fixé, le greffier ou le notaire donne au créancier demandant l’exécution un délai de dix jours pour ajuster ce montant conformément aux dispositions du paragraphe susvisé».

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

14.

Les affaires au principal concernent quatre procédures de saisie distinctes introduites par Unicaja Banco SA (affaire C‑482/13) et Caixabank SA (affaires C‑484/13, C‑485/13 et C‑487/13) (ci-après «les banques») visant à obtenir l’exécution forcée de plusieurs hypothèques qui ont toutes été constituées entre le 5 janvier 2007 et le 20 août 2010 pour des montants égaux ou inférieurs à 249 000 euros.

15.

Dans l’affaire C‑482/13, le prêt hypothécaire était soumis à un taux d’intérêt moratoire de 18 %, taux qui pouvait être majoré si, en augmentant de quatre points le taux d’intérêt révisé, l’on aboutissait à un taux d’intérêt supérieur, sans pouvoir toutefois dépasser le taux nominal annuel maximal de 25 %. Dans les affaires C‑484/13, C‑485/13 et C‑487/13, les prêts hypothécaires étaient soumis à un taux d’intérêt moratoire de 22,5 %.

16.

En outre, tous ces contrats contenaient une clause autorisant le prêteur à anticiper l’échéance initialement convenue et à exiger le paiement de la totalité du capital dû, plus les intérêts, intérêts de retard, commissions, frais et dépens convenus.

17.

Entre le 21 mars et le 30 octobre 2012, les banques ont engagé des procédures de saisie devant la juridiction de renvoi. Toutefois, celle‑ci a suspendu ces procédures après s’être rendu compte du caractère potentiellement abusif des clauses contractuelles relatives au taux d’intérêt moratoire et au remboursement anticipé. Sur ce fondement, le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción de Marchena a décidé, le 12 août 2013, de maintenir la suspension de la procédure et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Conformément à la [directive 93/13] et, en particulier, à son article 6...

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