Ambisig - Ambiente e Sistemas de Informação Geográfica SA v Nersant - Associação Empresarial da Região de Santarém and Núcleo Inicial - Formação e Consultoria Lda.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2474
Date18 December 2014
Celex Number62013CC0601
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-601/13
62013CC0601

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 18 décembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑601/13

Ambisig – Ambiente e Sistemas de Informação Geográfica SA

contre

Nersant – Associação Empresarial da Região de Santarém

[demande de décision préjudicielle formée par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal)]

«Renvoi préjudiciel — Directive 2004/18/CE — Marché de services — Attribution du marché — Offre économiquement la plus avantageuse — Critères d’attribution du marché — Évaluation de l’équipe en charge de l’exécution du contrat»

1.

La présente affaire, parvenue à la Cour le 25 novembre 2013, porte sur l’interprétation de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ( 2 ). La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un recours contentieux précontractuel introduit par Ambisig – Ambiente e Sistemas de Informação Geográfica SA (ci-après «Ambisig») contre la décision, du 14 février 2012, du président du conseil d’administration de Nersant – Associação Empresarial da Região de Santarém (ci-après «Nersant») d’attribuer à Iberscal – Consultores Lda un marché portant sur l’acquisition de services de formation et de conseil pour la réalisation du projet «Move PME, aire de qualité, environnement et sécurité et santé au travail, sécurité alimentaire Moyen-Tage – PME».

I – Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

2.

Nersant, pouvoir adjudicateur, a publié le 24 novembre 2011 ( 3 ), un avis d’appel d’offres, en vue de l’acquisition de services de formation et de conseil pour la réalisation dudit projet «Move PME, aire de qualité, environnement et sécurité et santé au travail, sécurité alimentaire Moyen-Tage – PME».

3.

L’article 5 de l’avis de marché prévoyait que le marché serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, déterminée en tenant compte des facteurs suivants:

«A)

Évaluation de l’équipe: 40 %

i)

Ce facteur est obtenu en tenant compte de la constitution de l’équipe, de l’expérience attestée et de l’analyse du cursus.

B)

Qualités et mérites de la prestation proposée: 55 %

i)

Appréciation globale de la structure proposée, y compris le programme des travaux: 0 à 20 %

ii)

Description des techniques à utiliser et les méthodes d’action: 0 à 15 %

iii)

Description des méthodes de vérification et de contrôle de la qualité du travail dans le cadre des différents domaines d’intervention: 0 à 20 %

C)

Prix global: 5 %

La préférence est donnée à l’offre qui obtient la note la plus élevée.»

4.

Dans son rapport préliminaire, le jury d’attribution du marché en cause a classé Iberscal à la première place.

5.

Le 3 janvier 2012, Ambisig, qui avait présenté une offre, a exercé son droit d’audition préalable, en contestant la légalité du facteur A inclus dans les critères d’attribution, à savoir l’évaluation de l’équipe.

6.

À son rapport final adopté le 4 janvier 2012, le jury a joint un addendum daté du 14 février 2012 où il a rejeté les arguments présentés par Ambisig dans le cadre de l’exercice de son droit d’audition préalable. Selon ce jury, ce qui est évalué par ledit facteur A, «c’est l’équipe technique concrète que le soumissionnaire propose d’affecter aux travaux à fournir. L’expérience de l’équipe technique proposée est, dans le cas d’espèce, une caractéristique intrinsèque de l’offre, et non une caractéristique du soumissionnaire».

7.

Par décision du 14 février 2012, le président du conseil d’administration de Nersant, sur la base des conclusions du jury, a attribué ledit marché de services à Iberscal et a approuvé le projet de contrat de prestation de services.

8.

Ambisig a saisi le Tribunal Administrativo e Fiscal de Leiria (Portugal) d’un recours en matière de contentieux précontractuel, par lequel elle demandait à la fois que la décision d’attribution du marché en cause soit annulée et que l’objet du recours soit étendu à l’annulation dudit contrat.

9.

Le Tribunal Administrativo e Fiscal de Leiria ayant rejeté le recours dans sa totalité, Ambisig a interjeté appel devant le Tribunal Central Administrativo Sul.

10.

Confirmant le jugement rendu par la juridiction de première instance, la juridiction d’appel a considéré que le facteur prévu au point A de l’article 5 de l’avis de marché, mis en cause en tant que critère d’attribution, était conforme à l’article 75, paragraphe 1, du code des marchés publics (Código dos Contratos Públicos, ci-après le «CCP»), dans la mesure où il concernait «l’équipe proposée pour exécuter le contrat de prestation de services mis au concours, et non pas, directement ou indirectement, des situations, qualités ou caractéristiques ou autres éléments de fait relatifs aux soumissionnaires».

11.

Ambisig a formé un pourvoi contre cet arrêt devant le Supremo Tribunal Administrativo, alléguant en substance que le critère d’attribution litigieux était non seulement illégal au regard de l’article 75, paragraphe 1, du CCP, mais également contraire aux dispositions de la directive 2004/18.

12.

Selon la décision de renvoi du Supremo Tribunal Administrativo, la question de droit à trancher est celle de savoir si des critères tels que ceux repris à l’article 5, point A, de l’avis de marché en cause sont admissibles comme critères d’attribution dans des procédures de marchés publics portant sur l’acquisition de services et de conseils.

13.

Le Supremo Tribunal Administrativo relève qu’un élément nouveau est apparu par rapport à la jurisprudence de la Cour relative aux directives sur les marchés publics, en ce que la Commission européenne a présenté une proposition de directive pouvant modifier l’examen de cette question ( 4 ).

14.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Pour la passation de marchés de fourniture de services à caractère intellectuel, de formation et de conseil, est-il compatible avec la directive [2004/18], telle que modifiée, d’établir, parmi les facteurs qui composent le critère d’attribution d’un marché public, un facteur qui permet d’évaluer les équipes concrètement proposées par les soumissionnaires pour l’exécution du marché, tenant compte de leur constitution, de leur expérience attestée et de l’examen de leur cursus?»

II – Analyse

15.

Il peut être noté d’emblée que Nersant, tous les États membres qui ont présenté des observations dans cette affaire, à savoir les gouvernements portugais, hellénique et polonais, ainsi que la Commission proposent, en substance, de répondre par l’affirmative à la question préjudicielle. Pour sa part, Ambisig n’a pas déposé d’observations écrites, mais a participé à l’audience qui s’est tenue le 6 novembre 2014.

A – Observations liminaires

16.

Premièrement, mon raisonnement sera exclusivement basé sur les dispositions de la directive 2004/18, les seules qui soient pertinentes ratione temporis, la nouvelle directive n’étant nullement applicable en l’espèce ( 5 ).

17.

Deuxièmement, en ce qui concerne les principes, il importe de différencier les critères de sélection et les critères d’attribution. Alors que la sélection d’un soumissionnaire concerne sa situation personnelle et son aptitude à poursuivre l’activité professionnelle en cause, le marché est attribué au soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur [article 53, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/18] ou qui propose le prix le plus bas [paragraphe 1, sous b), du même article].

18.

Autrement dit, il est logique que, au moment de l’attribution du marché, c’est non pas (ou non plus) le soumissionnaire qui est évalué, mais son offre.

19.

D’ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour en matière de procédure de passation de marchés publics, la vérification de l’aptitude des soumissionnaires à exécuter les marchés à adjuger et l’attribution de ces marchés sont deux opérations distinctes. Même si les directives pertinentes n’excluent pas que la vérification de l’aptitude des soumissionnaires et l’attribution du marché puissent avoir lieu simultanément, les deux opérations sont régies par des règles différentes ( 6 ) et répondent à des objectifs différents.

20.

Dans ce contexte, l’article 44, paragraphe 1, de la directive 2004/18 prévoit que l’attribution des marchés se fait après vérification de l’aptitude des opérateurs économiques au regard des critères relatifs à leur capacité économique et financière ainsi qu’à leurs connaissances ou leurs capacités professionnelles et techniques.

21.

S’il est vrai que la directive 2004/18 laisse aux pouvoirs adjudicateurs le choix des critères d’attribution du marché qu’ils entendent retenir, il n’en reste pas moins que ce choix ne peut porter que sur des critères visant à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse ( 7 ), et donc l’offre qui présente le meilleur rapport qualité/prix.

B – La jurisprudence

22.

Dans le cadre de la directive 92/50/CEE ( 8 ), la Cour s’est déjà prononcée sur la question de savoir si cette directive s’opposait à ce que, dans le cadre d’une procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur tienne compte de l’expérience des soumissionnaires, de leur effectif, de leur équipement...

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