Banque Bruxelles Lambert SA (BBL) v Belgian State.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:309
Date18 May 2004
Celex Number62003CC0008
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-8/03
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. M. POIARES MADURO
présentées le 18 mai 2004(1)



Affaire C-8/03

Banque Bruxelles Lambert SA (BBL)
contre
État belge


[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique)]

«Sixième directive TVA – Notion d'assujetti – Lieu des prestations de services – Exonération de la gestion des fonds communs de placement – SICAV»






1. La Cour est saisie pour la première fois d’une demande de décision préjudicielle relative à l’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières. On remarquera que ces entités ont fait l’objet d’une attention récente du législateur communautaire. Les deux directives 2001/107/CE et 2001/108/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 janvier 2002 (2) , modifiant la directive 85/611/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985 (3) , sont venues préciser les conditions d’exercice et de gestion de ces organismes. Mais c’est principalement sous l’angle de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (4) (ci-après la «sixième directive»), que la Cour est appelée, dans cette affaire, à se prononcer. I – L’affaire au principal et les questions préjudicielles 2. Les faits de la cause sont les suivants. La Banque Bruxelles Lambert SA (ci-après la «BBL») a rendu des services d’assistance, d’information et de conseil à des sociétés d’investissement à capital variable (ci-après les «SICAV») établies au Luxembourg. La BBL s’est abstenue d’acquitter la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») pour ces services en considération du fait que le grand-duché de Luxembourg soustrait les SICAV au champ d’application de la TVA. À la suite d’un contrôle effectué en 1998, l’administration fiscale belge a décerné une contrainte à la charge de la BBL en vue du recouvrement de la TVA due au titre des prestations rendues aux SICAV de 1993 à 1997. 3. L’administration fiscale se fonde, à cet effet, sur une application du code de la TVA belge. Selon l’article 21, paragraphe 2, de ce code, «le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire de services a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle». Cette règle est toutefois assortie d’une dérogation, établie à l’article 21, paragraphe 3, du même code, selon laquelle le lieu de la prestation de services est réputé se situer au lieu du siège ou d’établissement du preneur du service dès lors que les deux conditions suivantes sont réunies: le preneur est un assujetti établi dans la Communauté mais en dehors du pays prestataire et la prestation a notamment pour objet des travaux de nature intellectuelle fournis par des conseillers juridiques ou des opérations bancaires, financières et d’assurance. Conformément à l’article 9 de la sixième directive, la législation belge impose donc de vérifier la qualité d’assujetti du preneur de services avant de déterminer la localisation des services en cause. 4. Il ressort de l’ordonnance de renvoi que l’administration belge a interprété ces dispositions de la manière suivante. Considérant qu’en l’espèce les SICAV, en tant que preneurs du service, n’étaient pas assujetties à la TVA selon la législation luxembourgeoise, la règle de localisation dérogatoire prévue à l’article 21, paragraphe 3, du code de la TVA belge a été écartée. Les services fournis aux SICAV ont par conséquent été localisés en Belgique, lieu d’établissement du prestataire de services. Or, la législation belge applicable au moment des faits exclut la possibilité de faire bénéficier de tels services d’une exonération de TVA. Selon l’administration belge, il s’ensuit que la BBL est redevable de la TVA liée aux services rendus aux SICAV luxembourgeoises. 5. La BBL conteste cette interprétation comme étant contraire aux dispositions de la sixième directive. En conséquence, elle a formé une demande devant le Tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) aux fins de déclarer nulle la contrainte qui lui a été décernée. Elle soutient, d’une part, que les SICAV sont des assujetties à la TVA au sens de l’article 4 de la sixième directive, indépendamment de la qualification retenue par les droits nationaux, et, d’autre part, que les prestations fournies en l’espèce sont visées par l’article 13 de la même directive qui prévoit à leur égard une exonération de TVA. 6. De cette manière particulière de nouer le litige découlent les deux questions posées à la Cour par le Tribunal de première instance de Bruxelles. Par sa première question, celui-ci cherche à savoir si les SICAV ont la qualité d’assujetti à la TVA au sens de l’article 4 de la sixième directive, de telle sorte que les services qui leur seraient fournis, pour autant qu’ils sont visés à l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la même directive, doivent être réputés avoir lieu au siège desdites SICAV. La seconde question est posée à titre subsidiaire. En cas de réponse négative à la première question, le juge de renvoi demande si, aux fins de l’application de l’article 13 de la sixième directive qui prévoit une exonération de TVA pour la gestion des fonds communs de placement, il convient de distinguer les services d’assistance et de conseil en gestion des services de gestion proprement dits, dans la mesure où ceux-ci, à la différence des autres, impliqueraient un pouvoir de décision du gestionnaire quant à l’administration et à la disposition des avoirs à gérer. II – La qualité d’assujetti des SICAV 7. Alors que, au cours de la procédure devant le juge de renvoi, les parties à l’affaire au principal se sont opposées sur le point de savoir si les SICAV sont des assujetties à la TVA, toutes les parties ayant présenté des observations à la Cour semblent s’accorder pour donner une réponse positive à la première question. La BBL, la Commission, le gouvernement belge et le gouvernement hellénique considèrent que les SICAV ont la qualité d’assujetti en vertu du droit communautaire. Ils divergent seulement quant à la manière de parvenir à ce résultat et quant aux conséquences qu’il convient d’en tirer. A – La qualification des SICAV au regard des règles communautaires de TVA 8. Rappelons que, conformément à l’article 4 de la sixième directive, seules les activités ayant un caractère économique entrent dans le champ d’application du système commun de TVA. Dans cette disposition, la notion d’assujetti est définie comme toute personne qui «accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient le but ou les résultats de cette activité». L’article 4, paragraphe 2, précise que lesdites activités économiques comprennent toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, et notamment les opérations comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. 9. À cet égard, dans l’arrêt Polysar Investments Netherlands (5) , la Cour a opéré une distinction entre la simple détention de biens ou de parts sociales, impliquant la jouissance des fruits résultant de la propriété d’investissement, et la notion d’activité économique au sens de la sixième directive. Elle a ensuite précisé que, en matière de placements financiers, le simple exercice du droit de propriété par son titulaire ne saurait, en lui-même, être considéré comme constituant une activité économique (6) . Il s’ensuit que des activités d’investissement comparables à celles d’un investisseur privé gérant son propre patrimoine échappent par principe à une telle qualification. Pour notre affaire, il importe aussi de considérer que le recours à des sociétés de conseil ne saurait constituer un critère valable de distinction entre les activités d’un investisseur privé, qui se situent hors du champ d’application de la directive, et celles d’un investisseur assujetti (7) . Selon la Cour, en effet, l’assujettissement à la TVA suppose une activité effectuée dans le cadre d’un objectif d’entreprise ou dans un but commercial, caractérisé notamment par un souci de rentabilisation des capitaux investis (8) . 10. Au terme de cette jurisprudence, l’activité économique doit donc se comprendre comme une activité susceptible d’être exercée par une entreprise privée sur un marché, organisée dans un cadre professionnel et généralement animée par le souci de générer des profits. Il est à remarquer que cette notion présente une particularité, si on la compare à l’interprétation qui en a été donnée dans d’autres secteurs, tels que le droit de la concurrence, dans lesquels elle a aussi pour fonction de définir le champ d’application du droit communautaire (9) . En matière fiscale, elle repose sur un double critère, non seulement un critère fonctionnel d’activité mais aussi et surtout un critère structurel d’organisation. Pareille définition est conforme à l’objectif poursuivi par le système commun de TVA, qui est de traiter de manière égale, aux fins de l’impôt, l’ensemble des personnes actives établies sur le territoire de la Communauté (10) . 11. D’après ces critères, il ne paraît pas douteux que les opérations effectuées par des SICAV doivent être considérées comme des activités économiques au sens de la sixième directive. Une SICAV est un organisme de placement collectif de type statutaire. À la...

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