Ruth Hünermund and others v Landesapothekerkammer Baden-Württemberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1993:863
Date27 October 1993
Celex Number61992CC0292
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-292/92
EUR-Lex - 61992C0292 - FR 61992C0292

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 27 octobre 1993. - Ruth Hünermund et autres contre Landesapothekerkammer Baden-Württemberg. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg - Allemagne. - Libre circulation des marchandises - Produits parapharmaceutiques - Interdiction de publicité en dehors de l'officine. - Affaire C-292/92.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-06787
édition spéciale suédoise page I-00467
édition spéciale finnoise page I-00515


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. L' article 30 du traité CEE est-il une disposition de libéralisation des échanges intracommunautaires ou une disposition destinée plus généralement à promouvoir le libre exercice de l' activité commerciale dans chaque État membre?

L' occasion de définir une position de principe claire sur la portée d' une des dispositions fondamentales du traité nous est offerte par la présente procédure, qui pose, en particulier, le problème de la compatibilité avec les articles 30 et 36 du traité CEE de la disposition d' un code déontologique qui interdit aux pharmaciens de faire de la publicité, en dehors de leur officine, pour des produits parapharmaceutiques vendus (aussi ou exclusivement) en pharmacie.

2. L' article 10, point 15 du code déontologique (Berufsordnung) (1), adopté - conformément à la loi sur les chambres professionnelles - par la Landesapothekerkammer Baden-Wuerttemberg (chambre professionnelle des pharmaciens du Land de Bade-Wurtemberg), édicte en effet une interdiction de "publicité excessive" pour les produits, autres que les médicaments, qui peuvent, conformément à l' article 25 de l' Apothekenbetriebsordnung du 9 février 1987 (2) (règlement sur la gestion des pharmacies) être vendus également en pharmacie (3) à condition de ne pas en affecter le bon fonctionnement (article 2, par. 4 de l' Apothekenbetriebsordnung). En substance, la disposition litigieuse revient à interdire toute forme de publicité en dehors des pharmacies.

Il convient ensuite de préciser que la Landesapothekerkammer Baden-Wuerttemberg, qui a en particulier la charge de veiller au respect de la part de ses affiliés de leurs obligations professionnelles, est un organisme de droit public, doté de la personnalité juridique et soumis au contrôle de l' État. Il est à peine nécessaire d' ajouter, enfin, que tous les pharmaciens qui exercent dans le Land concerné sont tenus de s' inscrire à ladite chambre professionnelle et sont donc soumis à l' interdiction en question.

3. Les faits qui sont à l' origine de la présente procédure tiennent en peu de lignes. Madame Ruth Huenermund et les douze autres requérants au principal, tous propriétaires dans le Land de Bade-Wurtemberg de pharmacies où sont vendus des produits parapharmaceutiques, ont fait et entendent continuer à faire de la publicité pour les produits en question. Ils ont donc intenté une action judiciaire devant le Verwaltungsgerichtshof Baden-Wuerttemberg, en invoquant l' incompatibilité avec le droit communautaire, en particulier au regard des articles 30 et 36 du traité, de l' article 10, point 15 du code déontologique en question.

Ainsi qu' il résulte de l' ordonnance de renvoi, le juge national, en se basant sur la jurisprudence communautaire en la matière, est d' avis que la disposition litigieuse doit être considérée en principe comme une mesure d' effet équivalent interdite par l' article 30. Il a toutefois jugé opportun de renvoyer l' affaire à titre préjudiciel à la Cour, afin d' établir si une telle mesure se justifie à la lumière des dispositions combinées des articles 30 et 36 du traité.

4. Avant d' aborder le fond de la question, il est nécessaire de s' arrêter brièvement sur certains points préliminaires soulevés par la Landesapothekerkammer.

Cette dernière invoque en effet l' irrecevabilité de la question préjudicielle posée, au motif que la Cour n' est pas compétente pour se prononcer sur la validité d' une disposition nationale à la lumière du droit communautaire. En tout état de cause, elle considère en outre que cette question porte sur un problème hypothétique et équivaut donc à une simple demande de consultation, au motif que, loin de démontrer la nécessité du renvoi, le juge national se serait limité à relever qu' il n' était pas exclu que les restrictions de publicité puissent être considérées par la Cour comme étant injustifiées du point de vue de la libre circulation des marchandises.

En ce qui concerne le premier point soulevé, il suffit de rappeler que, sur la base d' une jurisprudence constante, si la Cour ne peut pas se prononcer, dans le cadre de l' article 177, sur la validité de dispositions de droit interne, elle peut toutefois "fournir à la juridiction nationale les éléments d' interprétation relevant du droit communautaire qui permettront à celle-ci de résoudre le problème juridique dont elle se trouve saisie" (4). Quant au second point, nous nous limitons à observer qu' il résulte avec suffisamment de clarté de l' ordonnance de renvoi que l' interprétation des articles 30 et 36 est nécessaire au juge national pour trancher le litige pendant devant lui: c' est-à-dire pour décider si les pharmaciens peuvent ou non continuer à faire de la publicité pour les produits en question.

5. La défenderesse au principal fait également valoir qu' en l' espèce les critères d' application de l' article 30 ne sont pas réunis, dans la mesure où la règle déontologique en question ne pourrait pas être qualifiée de mesure étatique au sens de l' article 30. Cette conclusion n' est pas, toujours selon elle, infirmée par le fait que la Cour a reconnu, dans l' arrêt Royal Pharmaceutical Society of Great Britain (5), la nature de mesure étatique à une disposition adoptée par un organisme professionnel, dans la mesure où la Royal Pharmaceutical Society avait le pouvoir de prononcer des sanctions disciplinaires, y compris la radiation, alors que dans le système allemand cette sanction ne peut être décidée que par les autorités compétentes du Land.

A cet égard, nous relevons en premier lieu qu' en l' espèce il n' existe aucune différence substantielle avec l' affaire précitée, étant donné que les violations des règles du code déontologique commises par les personnes inscrites à la chambre professionnelle relèvent de la compétence d' organes disciplinaires appartenant à cette chambre et précisément habilités à prononcer des sanctions disciplinaires. En tout état de cause, ensuite, l' important ici est que la mesure litigieuse fait bien partie de dispositions déontologiques adoptées par un organisme professionnel, mais en vertu d' une délégation de l' État et sous le contrôle de ce dernier. On ne peut donc pas nier le caractère étatique de la mesure visée, a fortiori si on prend en compte le fait qu' à la différence de la Royal Pharmaceutical Society, la Landesapothekerkammer est un organisme de droit public.

6. Et nous en venons à l' objet de la question posée à la Cour, question qui, d' après sa formulation, porte uniquement sur le fait de savoir si la mesure litigieuse est justifiée sur la base de l' article 36 ou d' exigences impératives: en effet, pour le juge national il ne fait aucun doute qu' il s' agit d' une mesure en principe incompatible avec l' article 30 (6). Il est constant, au contraire, qu' il faut d' abord et en tout état de cause vérifier si la disposition en cause réunit les éléments qui en font une mesure d' effet équivalent à des restrictions quantitatives dans la mesure où, selon la formule bien connue de l' arrêt Dassonville, elle est susceptible "d' entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire" (7).

7. La mesure litigieuse, indistinctement applicable et absolument neutre par rapport aux produits nationaux et aux produits importés, interdit à une catégorie déterminée d' opérateurs, les pharmaciens, de faire de la publicité en faveur d' une catégorie déterminée de produits, autres que les médicaments, qui peuvent être vendus également en pharmacie. La publicité en faveur de ces produits est par contre absolument libre pour les autres opérateurs intéressés: producteurs, importateurs, détaillants autres que les pharmaciens.

Dans ces conditions, on pourrait raisonnablement estimer que l' abolition de la mesure en cause conduise (éventuellement et uniquement) à une modification du rapport entre le volume des ventes des pharmacies (d' une part) et celui des autres points de vente (d' autre part), c' est-à-dire à une répartition différente du chiffre d' affaires entre les divers circuits de vente (8). On ne peut toutefois exclure a priori que l' interdiction d' initiatives publicitaires déterminées, telle qu' elle est imposée aux pharmacies, réduise les possibilités de vente des produits en question et, quand bien même par ce seul biais, des produits importés aussi.

En d' autres termes, une telle mesure peut bien avoir une certaine incidence sur les importations, mais du seul fait qu' à cause des limitations de la publicité qu' elle impose, elle influence négativement la demande des produits qui relèvent de son domaine d' application et comporte donc (éventuellement) une réduction du volume des ventes et par là finalement aussi des importations (9).

8. Cet effet de réduction des échanges - lointain, indirect et éventuel, en tout état de cause seulement présumé - suffit-il pour que la mesure relève des dispositions de l' article 30?

Le problème, comme on le voit, n' est pas nouveau et se situe, surtout ces dernières années, au centre d' un débat ouvert et extrêmement animé (10). Nous nous trouvons en effet face à l' hypothèse désormais fréquente de réduction potentielle des importations, qui n' est due ni à un régime différent entre produits importés et produits nationaux, ni à une éventuelle...

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