Chronopost SA, La Poste and French Republic v Union française de l'express (Ufex), DHL International, Federal express international (France) SNC and CRIE SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:756
CourtCourt of Justice (European Union)
Date12 December 2002
Docket NumberC-93/01,C-83/01,C-94/01
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62001CC0083
EUR-Lex - 62001C0083 - FR 62001C0083

Conclusions de l'avocat général Tizzano présentées le 12 décembre 2002. - Chronopost SA, La Poste et la République française contre Union française de l'express (Ufex), DHL International, Federal express international (France) et CRIE. - Pourvoi - Aides d'État - Domaine postal - Entreprise publique chargée d'un service d'intérêt économique général - Assistance logistique et commerciale à une filiale n'opérant pas dans un secteur réservé - Notion d'aide d'État - Critère de l'opérateur privé agissant dans des conditions normales de marché. - Affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-06993


Conclusions de l'avocat général

1. Les présentes affaires ont pour objet un pourvoi formé par la République française, la société Chronopost et La Poste contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 décembre 2000, dans l'affaire T-613/97, Ufex e.a./Commission (ci-après l'«arrêt attaqué») , en ce qu'il annule l'article 1er de la décision 98/365/CE de la Commission, du 1er octobre 1997, «concernant les aides que la France aurait accordées à SFMI-Chronopost» (ci-après la «décision attaquée») .

Faits et procédure

La plainte de SFEI et les relations entre La Poste et SFMI-Chronopost

2. Les faits complexes qui sont à la base des affaires en examen remontent à plus de dix ans et ont pour origine une plainte adressée à la Commission en décembre 1990. À cet égard, il ressort notamment de l'arrêt attaqué:

«1. Le Syndicat français de l'express international (ci-après le SFEI), auquel a succédé la requérante, l'Union française de l'express Ufex, et dont les trois autres requérantes sont membres, est un syndicat professionnel de droit français regroupant la quasi-totalité des sociétés offrant des services de courrier express faisant concurrence à la Société française de messagerie internationale (ci-après la SFMI).

2. Le 21 décembre 1990, le SFEI a déposé une plainte auprès de la Commission au motif, notamment, que l'assistance logistique et commerciale fournie par la poste française (ci-après La Poste) à la SFMI comportait une aide d'État au sens de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE). Dans la plainte était principalement dénoncé le fait que la rémunération versée par la SFMI pour l'assistance fournie par La Poste ne correspondait pas aux conditions normales de marché. La différence entre le prix du marché pour l'acquisition de tels services et celui effectivement payé par la SFMI constituerait une aide d'État. Une étude économique, réalisée par la société de conseil Braxton et associés à la demande du SFEI, a été jointe à la plainte afin d'évaluer le montant de l'aide pendant la période 1986-1989.

3. La Poste, qui opère, sous monopole légal, dans le secteur du courrier ordinaire, faisait partie intégrante de l'administration française jusqu'à la fin de l'année 1990. À compter du 1er janvier 1991, elle est organisée comme une personne morale de droit public, conformément aux dispositions de la loi 90-568, du 2 juillet 1990. Cette loi l'autorise à exercer certaines activités ouvertes à la concurrence, notamment l'expédition de courrier express.

4. La SFMI est une société de droit privé qui s'est vu confier la gestion du service de courrier express de La Poste depuis la fin de l'année 1985. Cette entreprise a été constituée avec un capital social de 10 millions de francs français (FRF), réparti entre Sofipost (66 %), société financière détenue à 100 % par La Poste, et TAT Express (34 %), filiale de la compagnie aérienne Transport aérien transrégional (ci-après TAT).

5. Les modalités d'exploitation et de commercialisation du service de courrier express que la SFMI assurait sous la dénomination EMS/Chronopost ont été définies par une instruction du ministère des Postes et Télécommunications du 19 août 1986. Selon cette instruction, La Poste devait fournir à la SFMI une assistance logistique et commerciale. Les relations contractuelles entre La Poste et la SFMI sont régies par des conventions, dont la première date de 1986.

6. En 1992, la structure de l'activité de courrier express réalisée par la SFMI a été modifiée. Sofipost et TAT ont créé une nouvelle société, Chronopost SA, en détenant à nouveau respectivement 66 % et 34 % des actions. Chronopost, qui avait un accès exclusif au réseau de La Poste jusqu'au 1er janvier 1995, s'est recentrée sur le courrier express national. La SFMI a été rachetée par GD Express Worldwide France, filiale d'une entreprise commune internationale regroupant la société australienne TNT et les postes de cinq pays, concentration autorisée par une décision de la Commission du 2 décembre 1991 (TNT/Canada Post, DBP Postdienst, La Poste, PTT Poste et Sweden Post, affaire IV/M.102, JO C 322, p. 19). La SFMI a conservé l'activité internationale, utilisant Chronopost comme agent et prestataire de services dans le traitement en France de ses envois internationaux (ci-après la SFMI-Chronopost).»

Le recours devant le tribunal de commerce de Paris et la demande de décision préjudicielle

3. Il ressort également de l'arrêt attaqué que, outre leur plainte adressée à la Commission, le «16 juin 1993, le SFEI et d'autres entreprises ont introduit devant le tribunal de commerce de Paris un recours contre la SFMI, Chronopost, La Poste et autres. Une deuxième étude de la société Braxton y était jointe actualisant les données de la première étude et étendant la période d'estimation de l'aide jusqu'à la fin de 1991. Par jugement du 5 janvier 1994, le tribunal de commerce de Paris a posé à la Cour plusieurs questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 92 et 93 du traité CE (devenu article 88 CE), dont l'une portait sur la notion d'aide d'État dans les circonstances de la présente affaire. Le gouvernement français a déposé devant la Cour, en annexe à ses observations du 10 mai 1994, une étude économique réalisée par la société Ernst & Young. Par arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C-39/94, Rec. p. I-3547, ci-après l'arrêt SFEI), la Cour a dit pour droit que [l]a fourniture d'une assistance logistique et commerciale par une entreprise publique à ses filiales de droit privé exerçant une activité ouverte à la libre concurrence est susceptible de constituer une aide d'État au sens de l'article 92 du traité CE si la rémunération perçue en contrepartie est inférieure à celle qui aurait été réclamée dans des conditions normales de marché» (point 9).

La procédure devant la Commission et la décision attaquée

4. Concernant la procédure relative aux aides supposées en faveur du SFMI-Chronopost , il ressort de l'arrêt attaqué que, après avoir classé puis réouvert le dossier , la Commission a obtenu à plusieurs reprises, au cours de l'année 1993, des informations de la part des autorités françaises . Peu avant l'arrêt SFEI susmentionné dans l'affaire C-39/94, «par lettre de la Commission du 20 mars 1996, la République française a été informée de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité» .

5. Tant le gouvernement français que SFEI ont présenté des observations à la Commission concernant la décision d'ouverture de la procédure en adressant en annexe des études réalisées pour leur compte par des sociétés de consultants reconnues . À cette occasion, SFEI a notamment «élargi le champ de sa plainte du mois de décembre 1990 à certains éléments nouveaux, notamment à l'utilisation de l'image de marque de La Poste, à l'accès privilégié aux ondes de Radio France, à des privilèges douaniers et fiscaux et à des investissements de La Poste dans des plates-formes de messagerie» .

6. À l'issue de la phase d'examen, la Commission a adopté le 1er octobre 1997 la décision attaquée dans laquelle elle a conclu que «[l]'assistance logistique et commerciale fournie par La Poste à sa filiale SFMI-Chronopost, les autres transactions financières entre ces deux sociétés, la relation entre SFMI-Chronopost et Radio France, le régime douanier applicable à La Poste et à SFMI-Chronopost, le système de taxe sur les salaires et de droit de timbre applicables à La Poste et son investissement de [...] dans des plates-formes de messagerie ne constituaient pas des aides d'État en faveur de SFMI-Chronopost» .

7. À nous limiter dans le cadre présent à l'«assistance logistique et commerciale», nous rappelons que, selon les précisions données par la Commission, celle-ci comprenait: i) «[u]ne assistance logistique, consistant à mettre les infrastructures postales à la disposition de SFMI-Chronopost pour la collecte, le tri, le transport et la distribution de ses envois»; ii) [u]ne «assistance commerciale», qui comportait «l'accès de SFMI-Chronopost à la clientèle de La Poste et l'apport, par celle-ci, de son fonds de commerce.»

8. Il ressort de la décision attaquée que, selon le plaignant, «pour décider s'il y a[vait] ou non aide d'État, la Commission [aurait dû] examiner si SFMI-Chronopost a[vait] payé le prix normal du marché pour les services logistiques et commerciaux qui lui ont été fournis par La Poste, c'est-à-dire le prix auquel une société privée comparable [aurait fourni] les mêmes services à une société à laquelle elle n'est pas apparentée. À cet égard, «la Commission [n'aurait pas dû] tenir compte des intérêts stratégiques du groupe ni des économies d'échelle qui résultent de l'accès privilégié de SFMI-Chronopost au réseau et aux installations de La Poste», dans la mesure où La Poste détient un monopole. Précisément pour ce motif, selon le plaignant, «SFMI-Chronopost [aurait dû] supporter les coûts qu'[aurait dû] encour[ir] une entreprise privée pour créer un réseau équivalent à celui de La Poste».

9. Rejetant ces arguments, la Commission a observé que «aucun élément, dans la jurisprudence de la Cour, n'indiqu[ait] que la Commission [aurait dû] ignorer les considérations stratégiques et les synergies qui découlent de...

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