Raymond Vander Elst v Office des Migrations Internationales.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1994:216
Date01 June 1994
Celex Number61993CC0043
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-43/93
EUR-Lex - 61993C0043 - FR 61993C0043

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 1er juin 1994. - Raymond Vander Elst contre Office des migrations internationales. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne - France. - Libre prestation des services - Ressortissants d'un pays tiers. - Affaire C-43/93.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-03803
édition spéciale suédoise page I-00059
édition spéciale finnoise page I-00059


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La présente procédure concerne une situation que la Cour a déjà eu l' occasion d' examiner dans sa précédente jurisprudence en matière de prestation de services. L' hypothèse est celle d' une entreprise, établie dans un État membre, qui effectue des prestations de services dans un autre État membre, en utilisant à cet effet ses propres travailleurs, ressortissants de pays tiers. En pareil cas, la prestation de services s' accompagne nécessairement d' un détachement temporaire de travailleurs ressortissants de pays tiers dans l' État membre où la prestation doit être exécutée (1). Il s' ensuit que, si le pays d' accueil, en application de sa réglementation du travail, impose des conditions qui sont susceptibles d' entraver de quelque manière le détachement des travailleurs, ces conditions, indirectement, finissent par entraver également l' activité de prestation de services exercée par l' entreprise dont les travailleurs dépendent.

La législation nationale en cause

2. C' est dans ce contexte que s' inscrivent les questions formulées par la juridiction nationale dans le cadre de la présente procédure. Le problème soulevé concerne en fait certains aspects spécifiques de la législation française régissant l' accès à l' emploi sur le territoire national de travailleurs ressortissants de pays tiers. Cette législation ° que la Cour a déjà partiellement examinée dans l' arrêt Rush Portuguesa (2) ° peut être décrite comme suit.

3. L' article L. 341-2 du code du travail français dispose que:

"Pour entrer en France en vue d' y exercer une profession salariée, l' étranger doit présenter, outre les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur, un contrat de travail visé par l' autorité administrative ou une autorisation de travail et un certificat médical."

4. Ces obligations imposées aux travailleurs étrangers qui entendent exercer une activité salariée en France ont pour pendant une obligation spécifique imposée aux employeurs. Aux termes de l' article L. 341-6, premier alinéa:

"Il est interdit à toute personne d' engager ou de conserver à son service un étranger non muni du titre l' autorisant à exercer une activité salariée en France, lorsque la possession de ce titre est exigée en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux."

5. L' application de ces dispositions relève de la compétence de l' Office des migrations internationales (OMI, ci-après l' "Office"). L' Office, organisme de droit public, étroitement lié au ministère chargé du travail, a essentiellement pour mission de gérer l' activité de recrutement des travailleurs étrangers désirant venir travailler en France ainsi que des travailleurs, français ou non, déjà résidents en France et désirant aller travailler à l' étranger. La loi réserve à l' Office le monopole de cette activité (3). En effet, aux termes de l' article L. 341-9 du code du travail:

"Sous réserve des accords internationaux, les opérations de recrutement en France et l' introduction en métropole de travailleurs originaires des territoires d' outre-mer et des étrangers, de recrutement en France des travailleurs de toutes nationalités pour l' étranger sont confiées à titre exclusif à l' Office des migrations internationales.

Il est interdit à tout individu ou groupement autre que cet Office de se livrer à ces opérations."

A ce noyau d' activités de l' Office, l' article R. 341-9, introduit par un décret de 1975, a ajouté la faculté d' accomplir "toute opération connexe concernant l' accueil, l' information, l' adaptation sociale et professionnelle ainsi que l' aide à apporter éventuellement au rapatriement des immigrants".

6. Pour le financement de ses activités, l' Office dispose, en vertu de l' article R. 341-25, outre les subventions publiques et les ressources provenant de libéralités, de redevances représentatives de frais ou de contributions forfaitaires qui sont versées par les "employeurs bénéficiaires de main-d' oeuvre" recrutée par l' intermédiaire de l' Office.

7. La violation de ces dispositions est sanctionnée, entre autres, par une amende administrative spéciale. Aux termes de l' article L. 341-7 du code du travail:

"Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l' employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l' article L. 341-6, premier alinéa, sera tenu d' acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l' Office des migrations internationales. Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l' article L. 141-8".

Les faits

8. M. Vander Elst, ressortissant belge, est propriétaire, en Belgique, d' une entreprise de démolition spécialisée. Le personnel de l' entreprise comprend non seulement des ouvriers de nationalité belge mais également quelques ouvriers de nationalité marocaine. Ces derniers sont au service de l' entreprise Vander Elst depuis plusieurs années sans interruption; ils résident légalement en Belgique, disposent, dans ce pays, d' un permis de travail régulier et bénéficient d' un contrat de travail salarié régulier.

9. En avril 1989, en vue de l' exécution de travaux à réaliser sur un chantier en France, à Reims, M. Vander Elst a envoyé sur place une équipe de huit personnes, dont quatre ouvriers de nationalité belge et quatre ouvriers de nationalité marocaine.

Il est constant que les quatre travailleurs marocains faisaient partie du personnel habituel de l' entreprise et avaient obtenu, auprès du consulat de France à Bruxelles, le visa requis pour l' entrée et le séjour, sur le territoire français, pour la période nécessaire à la réalisation des travaux.

10. Lors d' un contrôle effectué sur le chantier, à Reims, par les services français de l' inspection du travail, il est apparu que les quatre travailleurs marocains susmentionnés ne disposaient pas de l' autorisation de travail requise en vertu de l' article L. 341-6 du code du travail et avaient été employés, pour l' exécution de leurs prestations en France, en infraction aux procédures spéciales de recrutement prévues à l' article L. 341-9 dudit code.

Pour les irrégularités constatées, M. Vander Elst s' est vu infliger le versement, en application de l' article L. 341-7, d' une contribution spéciale de 121 520 FF qui a ensuite été ramenée à 30 380 FF.

Les questions préjudicielles

11. Dans le cadre du recours juridictionnel formé par M. Vander Elst contre cette mesure, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a décidé de surseoir à statuer et de déférer à la Cour deux questions préjudicielles dont l' objet peut être décrit dans les termes suivants:

"Lorsqu' une entreprise d' un État membre exerce une activité de prestation de services dans un autre État membre, en détachant à cet effet des travailleurs, ressortissants de pays tiers, régulièrement et habituellement employés par ladite entreprise, les articles 59 et suivants du traité s' opposent-ils à l' application d' une législation nationale, telle que la législation française susvisée, qui, d' une part, subordonne l' utilisation de ces travailleurs à des conditions telles que:

° l' obligation de s'...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Raymond Vander Elst contra Office des migrations internationales.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 Agosto 1994
    ...Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne - France. - Libre prestation des services - Ressortissants d'un pays tiers. - Affaire C-43/93. Recueil de jurisprudence 1994 page I-03803 édition spéciale suédoise page I-00059 édition spéciale finnoise page I-00059 Sommaire Parties Motifs de l'ar......
1 cases
  • Raymond Vander Elst contra Office des migrations internationales.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 Agosto 1994
    ...Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne - France. - Libre prestation des services - Ressortissants d'un pays tiers. - Affaire C-43/93. Recueil de jurisprudence 1994 page I-03803 édition spéciale suédoise page I-00059 édition spéciale finnoise page I-00059 Sommaire Parties Motifs de l'ar......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT