European Commission v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:43
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 January 2015
Docket NumberC-28/12
Celex Number62012CC0028
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
62012CC0028

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 29 janvier 2015 ( 1 )

Affaire C‑28/12

Commission européenne

contre

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation — Article 218 TFUE — Décision concernant la signature et l’application provisoire d’accords internationaux — Décision hybride du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres — Procédure alternative — Règles de vote — Obligation de coopération loyale — Principe d’autonomie organisationnelle des institutions — Représentation unitaire de l’Union»

1.

À la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil de l’Union européenne et les représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne peuvent-ils adopter conjointement des décisions (dites «mixtes» ou «hybrides») afin de prendre les mesures nécessaires dans le cadre des différentes phases de la procédure de négociation et de conclusion des accords internationaux, telle qu’établie par l’article 218 TFUE? La fusion entre, d’une part, un acte de l’Union, tel qu’une décision du Conseil qui, dans le domaine des accords internationaux, doit être adoptée à la majorité qualifiée, et, d’autre part, un acte ayant une nature intergouvernementale, qui, par définition, doit être adopté par tous les États intéressés, est-elle admissible en droit de l’Union, notamment, dans le cas de la négociation et de la conclusion d’accords mixtes? Quels rôles jouent, dans ce contexte, l’exigence de représentation unitaire de l’Union sur le plan international, le devoir connexe d’étroite coopération entre l’Union et ses États membres, l’exigence de sécurité juridique en droit international pour les parties contractantes des accords mixtes conclus avec l’Union et ses États membres ainsi que le principe d’autonomie des institutions de l’Union?

2.

Ce sont, en substance, les questions auxquelles est confrontée la Cour dans la présente affaire, dans laquelle la Commission européenne demande l’annulation de la décision 2011/708/UE, adoptée le 16 juin 2011 par le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne, réunis au sein du Conseil ( 2 ) (ci‑après la «décision attaquée»), concernant la signature au nom de l’Union et l’application provisoire par l’Union et ses États membres de deux accords internationaux dans le secteur du transport aérien.

3.

Bien que, à première vue, cette affaire puisse apparaître de nature principalement procédurale, sa portée dépasse en réalité de simples questions de procédure. En effet, cette affaire a trait à des questions sensibles concernant l’exercice des compétences externes de l’Union. Dans la solution qu’elle sera amenée à trouver, la Cour devra donc effectuer une mise en balance des différentes exigences entrant en jeu dans la présente affaire, tout en tenant compte de la réalité du fonctionnement pratique tant du processus décisionnel que de l’action extérieure de l’Union.

I – Les antécédents du litige

4.

Les 25 et 30 avril 2007, la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis d’Amérique, d’autre part, ont signé un accord de transport aérien ( 3 ), modifié par la suite par un protocole signé à Luxembourg le 24 juin 2010 ( 4 ) (ci-après l’«accord de transport aérien UE-États-Unis»). Cet accord visait, notamment, à favoriser l’essor du transport aérien international en ouvrant les marchés et en maximisant les avantages pour les consommateurs, les transporteurs aériens, les travailleurs et les populations des deux côtés de l’océan Atlantique.

5.

L’accord de transport aérien UE-États-Unis prévoyant la possibilité pour des États tiers d’y adhérer, la République d’Islande et le Royaume de Norvège ont présenté une demande d’adhésion en 2007. Aux fins de l’adhésion de ces deux États, deux accords internationaux ont ainsi été négociés. D’une part, l’Union et ses États membres, les États-Unis d’Amérique, la République d’Islande et le Royaume de Norvège ont négocié un accord d’adhésion visant à étendre le champ d’application de l’accord de transport aérien UE-États-Unis, mutatis mutandis, à chacune des parties contractantes (JO 2011, L 283, p. 3, ci-après l’«accord d’adhésion»). D’autre part, a été négocié l’accord annexe entre l’Union européenne et ses États membres, premièrement, l’Islande, deuxièmement, et le Royaume de Norvège, troisièmement, concernant l’application de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, l’Union européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement (JO 2011, L 283, p. 16, ci-après l’«accord annexe»). Cet accord vise à garantir le maintien du caractère bilatéral dudit accord de transport aérien UE-États‑Unis.

6.

Le 2 mai 2011, la Commission a adopté la proposition de décision du Conseil COM(2011) 239 final, concernant la signature et l’application provisoire de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, l’Union européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement; et concernant la signature et l’application provisoire de l’accord annexe entre l’Union européenne et ses États membres, premièrement, l’Islande, deuxièmement, et le Royaume de Norvège, troisièmement, concernant l’application de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, l’Union européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement. Cette proposition prévoyait une décision du seul Conseil et était fondée sur l’article 100, paragraphe 2, TFUE ( 5 ), en liaison avec l’article 218, paragraphe 5, TFUE ( 6 ).

7.

S’écartant de ladite proposition, le Conseil a adopté la décision attaquée sous la forme d’une décision hybride, c’est-à-dire d’une décision émanant à la fois du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil. La décision attaquée était fondée sur l’article 100, paragraphe 2, TFUE, en liaison avec l’article 218, paragraphes 5 et 8, TFUE ( 7 ).

8.

Aux termes de l’article 1er de la décision attaquée, «[la] signature de [l’accord d’adhésion] et [de] l’accord annexe […] est autorisé[e] au nom de l’Union, sous réserve de la conclusion desdits accords».

9.

L’article 2 de cette décision énonce que «[le] président du Conseil est autorisé à désigner la ou les personnes habilitées à signer l’accord d’adhésion et l’accord annexe au nom de l’Union».

10.

L’article 3 de la même décision énonce que «[l]’accord d’adhésion et l’accord annexe sont appliqués à titre provisoire à partir de la date de signature par l’Union et dans la mesure permise par la législation nationale applicable, par ses États membres et les parties concernées, en attendant l’achèvement des procédures nécessaires à leur conclusion».

11.

L’accord d’adhésion et l’accord annexe ont été signés à Luxembourg et à Oslo, les 16 et 21 juin 2011.

II – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

12.

La Commission demande à la Cour d’annuler la décision attaquée, de maintenir, pour autant, les effets de ladite décision et de condamner le Conseil aux dépens.

13.

Le Conseil demande à la Cour de rejeter le recours comme étant irrecevable ou non fondé, à titre subsidiaire, si et dans la mesure où la Cour annulerait la décision attaquée, de déclarer que les effets de cette décision sont définitifs et de condamner la Commission aux dépens.

14.

Par ordonnance du 18 juin 2012, le président de la Cour a admis le Parlement européen à intervenir au soutien des conclusions de la Commission ainsi que la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

15.

L’audience devant la Cour s’est tenue le 11 novembre 2014.

III – Analyse

16.

Dans son recours, la Commission conteste la décision attaquée dans son intégralité en s’appuyant sur trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de la procédure et des conditions relatives à l’autorisation de la signature et de l’application provisoire des accords internationaux par l’Union. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des règles de vote au Conseil et le troisième moyen est tiré d’une méconnaissance des objectifs définis dans les traités et du non-respect du principe de coopération loyale. Avant d’analyser ces trois moyens, il convient toutefois d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

A – Sur la recevabilité

17.

Le Conseil avance trois motifs d’irrecevabilité du recours de la Commission. En premier lieu, le recours serait irrecevable car il aurait dû être formé contre les États membres et non contre le Conseil. En effet, la Commission contesterait la participation des États membres à la décision attaquée et non un agissement répréhensible imputable au Conseil. En deuxième lieu, le Conseil soutient que le recours est irrecevable au motif qu’il concernerait une décision des États membres, laquelle sortirait du champ d’application de l’article 263 TFUE et ne serait ainsi pas susceptible de faire l’objet du contrôle juridictionnel de la Cour. En troisième lieu, selon le Conseil, la Commission n’aurait pas un intérêt à agir car l’annulation demandée n’emporterait aucune conséquence juridique.

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