Hans-Dieter Jundt and Hedwig Jundt v Finanzamt Offenburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:590
Docket NumberC-281/06
Celex Number62006CC0281
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 October 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 10 octobre 2007 (1)

Affaire C‑281/06

Hans-Dieter Jundt,

Hedwig Jundt

contre

Finanzamt Offenburg

[demande de décision préjudicielle présentée par le Bundesfinanzhof (Allemagne)]

«Réglementation en matière d’exonération fiscale – Rémunération pouvant être considérée comme indemnité de frais – Conditions»






1. Par le présent renvoi préjudiciel, le Bundesfinanzhof (Allemagne) demande en substance à la Cour de se prononcer sur le champ d’application de l’article 49 CE qui garantit la libre prestation des services ainsi que les justifications que peut invoquer un État membre dans les cas où les droits d’un individu d’exercer cette liberté subissent une restriction en raison de la législation relative à l’impôt sur le revenu.

I – La procédure devant la juridiction nationale et les questions préjudicielles


2. Les faits en cause au principal sont plutôt simples. Le requérant au principal, M. Jundt, est un ressortissant allemand qui exerce la profession d’avocat en Allemagne où il réside. Lui‑même et son épouse sont imposés collectivement au titre de l’impôt sur le revenu et c’est la raison pour laquelle celle-ci est également attraite à la procédure. En 1991, il a donné 16 heures de cours à l’université de Strasbourg pour des honoraires d’un montant de 5 760 FRF; après déduction des cotisations françaises de sécurité sociale, il a perçu une rémunération nette de 4 814, 79 FRF.

3. Lorsque le Finanzamt Offenburg (administration fiscale) a soumis le montant brut desdits honoraires à l’impôt sur le revenu, M. Jundt a introduit une réclamation, argumentant que l’article 3, point 26, de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci‑après l’«EStG») n’a pas été appliqué. Cette disposition dispense de l’impôt sur le revenu inférieur à 2 400 DEM (1 848 euros) perçu au titre des «indemnités pour frais professionnels» pour les activités accessoires d’enseignement, de formateur, d’éducateur ou d’autres activités accessoires comparables, activités accessoires de nature artistique ou de soins aux personnes âgées, malades ou handicapées, exercées au service ou pour le compte d’une personne morale de droit public nationale ou d’une institution visant à promouvoir les objectifs d’utilité publique, de philanthropie ou d’Église.

4. Cette réclamation ayant été rejeté, M. Jundt a exercé un recours auprès du Finanzgericht (tribunal des finances) qui a tranché en faveur de l’administration fiscale. Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a autorisé un pourvoi limité aux points de droit. Le principal moyen du pourvoi était que le refus des autorités fiscales d’accorder l’abattement n’était pas compatible avec le droit communautaire et constituait une discrimination des activités exercées auprès d’organismes de droit public dans un autre État membre.

5. Le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Convient‑il d’interpréter l’article 59 du traité [CEE (devenu article 59 du traité CE, lui‑même devenu, après modification, article 49 CE)] en ce sens que son champ d’application vise également les activités exercées à titre accessoire en tant qu’enseignant au service ou pour le compte d’une personne morale de droit public (université) lorsque pour cette activité exercée à titre quasi générale, seule une indemnité pour frais professionnels est versée?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, la restriction à la libre prestation des services qui réside dans le fait que les indemnités ne sont exemptées de l’impôt que si elles sont payées par des personnes morales de droit public nationales (en l’espèce, l’article 3, point 26, de l’EStG) est‑elle justifiée par le fait que l’avantage fiscal national trouve son seul fondement dans le fait que l’activité est exercée en faveur d’une personne morale de droit public nationale?

3) En cas de réponse négative à la deuxième question, convient‑il d’interpréter l’article 126 du traité [CEE (devenu, après modification, article 126 du traité CE, lui‑même devenu article 49 CE)]] en ce sens qu’une réglementation fiscale qui (comme en l’espèce, l’article 3, point 26, de l’EStG) concourt à l’organisation de l’enseignement, en la complétant, eu égard à la responsabilité que les États membres conservent en la matière?»

II – Sur la première question portant sur le champ d’application de l’article 49 CE

6. Il n’est pas contesté par les parties que la règle nationale litigieuse restreint la liberté de M. Jundt, telle qu’elle est garantie par l’article 49 CE, de fournir ses services dans un autre État membre, dans la mesure où elle le prive de l’avantage fiscal dont il bénéficierait s’il offrait les mêmes services à des clients établis en Allemagne. En clair, si M. Jundt avait perçu le même montant pour ses prestations d’enseignant à temps partiel auprès d’une université publique allemande, l’article 3, point 26, de l’EStG aurait trouvé à s’appliquer et M. Jundt aurait bénéficié de l’abattement fiscal.

7. Le Bundesfinanzhof a des doutes quant à la question de savoir si l’activité de M. Jundt tombe sous le champ d’application de l’article 49 CE parce que l’article 3, point 26, de l’EStG fait référence à des «indemnités professionnelles». Selon l’article 60 du traité CEE (devenu article 60 du traité CE, lui‑même devenu article 50 CE, «[a]u sens du présent traité, sont considérés comme services les prestations fournies normalement contre rémunération […]. Par conséquent, pour qu’une activité puisse être qualifiée de services et bénéficier de la protection de l’article 49 CE, le fournisseur de services doit percevoir une rémunération. S’il ne perçoit que des indemnités pour couvrir les «frais professionnels» liés à ces activités mais ne fait aucun bénéfice, le Bundesfinanzhof s’il y a lieu de se situer encore dans la notion de «services» au sens du traité CEE? En d’autres termes, la question est de savoir si une «indemnité pour frais professionnels» constitue une «rémunération» et si, dès lors, elle soumet l’activité en cause aux articles 49 et 50 CE.

8. Tout d’abord, il convient de rappeler que la Cour a adopté une interprétation étendue de ce qui constitue une «rémunération» aux fins du traité, en mettant l’accent sur la nature économique de l’activité en cause. Dans l’arrêt Bon van Adverteerders e.a. (2) qui concernait l’émission transfrontalière de programmes de radio et de télévision, la Cour a jugé que le fait que les émetteurs de l’État d’émission ne payaient pas les exploitants de réseaux de câbles dans l’État de réception pour cette transmission ne signifiait pas que ce service n’était pas fourni contre «rémunération» dans la mesure où celle-ci était payée par leurs abonnés et que l’article 60 du traité n’exige pas que le service soit payé par ceux qui en bénéficient.

9. Dans l’arrêt Steymann (3), le requérant au principal effectuait diverses tâches manuelles telles que des travaux de plomberie et des travaux ménagers d’ordre général pour la communauté religieuse dont il était membre qui, en échange, pourvoyait à ses besoins matériels. La Cour a jugé que ces travaux, qui constituaient un élément essentiel de la participation à la communauté en question, pouvaient être assimilés à une «activité économique», et les prestations qu’il recevait de ce groupe, la «contrepartie indirecte de ses activités». Cet arrêt montre clairement que la rémunération ne doit pas prendre la forme d’une prestation pécuniaire, mais peut être fournie en nature et n’avoir qu’un lien indirect avec le service fourni.

10. Plus récemment, la notion de rémunération a été examinée par la Cour dans l’arrêt Smits et Peerbooms (4) en relation avec la fourniture de services médicaux. Certains États membres considéraient qu’il n’y a pas de rémunération lorsqu’un patient reçoit des soins médicaux dans un hôpital sans devoir les payer lui-même ou lorsqu’il est remboursé dans le cadre d’un régime d’assurance médicale. Toutefois, la Cour a rejeté cette thèse et a jugé que le fait que le traitement soit pris en charge directement par l’assurance, et ce de manière forfaitaire, ne signifie pas qu’il tombe en dehors du champ d’application du droit communautaire. Revenant sur la notion correcte de rémunération, la Cour a rappelé le principe selon lequel «la caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation en cause» et a conclu que «les paiements effectués par les caisses de maladie […], fussent-ils forfaitaires, constituent bien la contrepartie économique des prestations hospitalières et présentent indubitablement un caractère rémunératoire dans le chef de l’établissement hospitalier qui en bénéficie et qui est engagé dans une activité de type économique» (je souligne) (5).

11. De plus, rien dans le traité ni dans la jurisprudence de la Cour ne permet de déduire qu’un individu doit faire du bénéfice afin de pouvoir bénéficier de la garantie du traité en matière de libre prestation de services. C’est à juste titre que la Commission des Communautés européennes souligne dans ses observations que la rémunération et le profit sont deux notions différentes et que l’article 50 CE se réfère uniquement à la notion de rémunération en tant qu’elle atteste de...

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