Hans-Dieter Jundt and Hedwig Jundt v Finanzamt Offenburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:816
Date18 December 2007
Celex Number62006CJ0281
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-281/06

Affaire C-281/06

Hans-Dieter Jundt et Hedwig Jundt

contre

Finanzamt Offenburg

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)

«Libre prestation des services — Activité d’enseignement à titre accessoire — Notion de 'rémunération' — Indemnités pour frais professionnels — Réglementation en matière d’exonération fiscale — Conditions — Rémunération versée par une université nationale»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 10 octobre 2007

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 18 décembre 2007

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Dispositions du traité — Champ d'application

(Art. 45, al. 1, CE, 49 CE et 50 CE)

2. Libre prestation des services — Restrictions — Législation fiscale

(Art. 49 CE)

1. Une activité d’enseignement exercée par un contribuable d’un État membre au service d’une personne morale de droit public, telle qu'une université, située dans un autre État membre relève du champ d’application de l’article 49 CE même si elle est exercée à titre accessoire et quasi bénévole.

En effet, le facteur déterminant faisant relever une activité du champ d'application des dispositions du traité relatives à la libre prestation de services est son caractère économique, à savoir que l'activité ne doit pas être exercée sans contrepartie. En revanche, il n'est pas nécessaire, à cet égard, que le prestataire des services poursuive le but de réaliser un bénéfice. En outre, le fait qu'une activité d'enseignement rémunérée soit exercée pour le compte d'une université, personne morale de droit public, n'a pas pour effet de soustraire le service rendu du champ d'application de l'article 49 CE, dès lors que les activités civiles d'enseignement à l'université n'entrent pas dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article 45, premier alinéa, CE, en liaison avec l'article 50 CE, celle-ci étant restreinte aux activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique.

(cf. points 32-33, 35, 37-39, disp. 1)

2. La restriction à la libre prestation des services qui réside dans le fait qu'une réglementation nationale réserve l'application d'une exonération d'impôt sur le revenu aux rémunérations versées, en contrepartie d'une activité d'enseignement exercée à titre accessoire, par des universités, personnes morales de droit public, établies sur le territoire national et la refuse lorsque ces rémunérations sont versées par une université établie dans un autre État membre n'est pas justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général.

En effet, une telle réglementation qui s'applique de la même manière aux ressortissants nationaux et étrangers qui exercent des activités auprès de personnes morales de droit public nationales, institue un traitement moins favorable des services fournis à des destinataires situés dans d'autres États membres par rapport au traitement réservé à ceux rendus sur le territoire national. Ladite restriction à la libre prestation des services ne peut être justifiée par la promotion de l'enseignement, de la recherche et du développement dans la mesure où elle porte atteinte à la liberté des enseignants exerçant leur activité à titre accessoire de choisir le lieu de leurs prestations de services au sein de la Communauté sans qu'il ait été établi que, pour atteindre l'objectif allégué de promotion de l'enseignement, il soit nécessaire de réserver le bénéfice de l'exonération fiscale en cause au principal aux seuls contribuables qui exercent une activité accessoire d'enseignement dans des universités situées sur le territoire national. En outre, cette restriction ne saurait être justifiée par la nécessité d'assurer la cohérence du régime fiscal, dès lors qu'il n'existe pas de lien direct, du point de vue du régime fiscal, entre l'exonération fiscale des indemnités pour frais professionnels versées par des universités nationales et une compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé.

Par ailleurs, le fait que les États membres sont compétents pour décider eux-mêmes de l'organisation de leur système éducatif n'est pas de nature à rendre compatible avec le droit communautaire ladite réglementation qui réserve le bénéfice d'une exonération fiscale aux contribuables exerçant des activités au service ou pour le compte d'universités publiques nationales. Cette réglementation n'est pas une mesure portant sur le contenu de l'enseignement ou relative à l'organisation du système éducatif, mais une mesure fiscale de nature générale qui octroie un avantage fiscal lorsqu'un particulier se consacre à des activités au bénéfice de la collectivité. Même si une telle réglementation constituait une mesure liée à l'organisation du système éducatif, elle n'en demeurerait pas moins incompatible avec le traité dans la mesure où elle affecte le choix des enseignants exerçant leur activité à titre accessoire quant au lieu de leurs prestations de services.

(cf. points 54, 56-57, 61, 69, 71, 73, 83-85, 88-89, disp. 2-3)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

18 décembre 2007 (*)

«Libre prestation des services – Activité d’enseignement à titre accessoire – Notion de ‘rémunération’ – Indemnités pour frais professionnels – Réglementation en matière d’exonération fiscale – Conditions – Rémunération versée par une université nationale»

Dans l’affaire C‑281/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 1er mars 2006, parvenue à la Cour le 28 juin 2006, dans la procédure

Hans-Dieter Jundt,

Hedwig Jundt

contre

Finanzamt Offenburg,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour M. et Mme Jundt, par Me H.-D. Jundt, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et W. Mölls, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 octobre 2007,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 59 du traité CEE (devenu article 59 du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 49 CE) et 128 du traité CEE (devenu, après modification, article 126 du traité CE, lui-même devenu article 149 CE).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. et Mme Jundt (ci-après les «époux Jundt»), résidant en Allemagne, au Finanzamt Offenburg à propos du refus de ce dernier de prendre en compte, au titre des recettes exonérées de l’impôt sur le revenu pour l’exercice fiscal 1991, des indemnités pour frais professionnels perçues à l’occasion de l’exercice à titre accessoire d’une activité d’enseignement auprès d’une université établie dans un autre État membre, la législation nationale en matière d’impôt sur le revenu réservant l’application de cette exonération aux rémunérations provenant d’organismes de droit public allemands.

Le cadre juridique national

3 L’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de la loi relative à l’impôt sur le revenu, dans sa version applicable à la date des faits au principal (Einkommensteuergesetz, ci-après l’«EStG»), dispose que les personnes physiques qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle en Allemagne sont intégralement assujetties à l’impôt sur le revenu.

4 Selon l’article 2, paragraphe 2, de l’EStG, les revenus sont constitués soit par le bénéfice, soit par l’excédent des recettes sur les charges professionnelles.

5 L’article 3, point 26, de l’EStG, qui figure dans la section de cette loi consacrée aux «recettes exonérées», est rédigé comme suit:

«Sont exonéré(e)s:

[...]

26. les indemnités pour frais professionnels pour les activités accessoires d’enseignement, de formateur, d’éducateur ou d’autres activités accessoires comparables, activités accessoires de nature artistique ou de soins aux personnes âgées, malades ou handicapées exercées au service ou pour le compte d’une personne morale nationale de droit public ou d’une institution relevant de l’article 5, paragraphe 1, point 9, de la loi relative à l’impôt des personnes morales (Körperschaftssteuergesetz) et visant à promouvoir des objectifs d’utilité publique, de philanthropie ou d’Église [articles 52 à 54 du code des impôts (Abgabenordnung)]. Sont considérées comme des indemnités pour frais professionnels, les recettes perçues pour les activités décrites à la première phrase d’un montant allant jusqu’à 2 400 DEM par an […]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

6 Les époux Jundt sont imposés conjointement au titre de l’impôt sur le revenu en Allemagne. Exerçant à titre principal la profession d’avocat en Allemagne, où il réside, M. Jundt a, en 1991, donné 16 heures de cours à l’université de Strasbourg, pour lesquelles il a perçu un montant brut de 5 760 FRF (ce qui correspondait à 1 612 DEM).

7 Dans l’avis d’imposition pour l’exercice fiscal 1991, le Finanzamt Offenburg a soumis ce montant brut à l’impôt sur le revenu.

8 Les époux Jundt ont soutenu que ce montant devait être exonéré d’impôt sur le revenu conformément à l’article 3, point 26, de l’EStG. Ils estiment contraire au droit communautaire de restreindre l’application de cette exonération aux rémunérations versées par des organismes de droit public allemands.

9 Leur réclamation contre la décision du Finanzamt Offenburg et leur recours devant le Finanzgericht étant restés vains, les époux Jundt ont introduit un recours en «Revision» devant le Bundesfinanzhof.

10 Le Bundesfinanzhof observe que M. Jundt aurait pu bénéficier de l’exonération prévue à l’article 3...

To continue reading

Request your trial
6 practice notes
9 cases
  • European Commission v Federal Republic of Germany.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 29 April 2010
    ...entités de droit public qui assument la responsabilité des services publics de secours (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Jundt, C‑281/06, Rec. p. I‑12231, points 36 à 39). 86 Il s’ensuit que l’application des articles 45 CE et 55 CE aux activités en cause en l’espèce doit être é......
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 15 November 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 November 2018
    ...2, inciso i), de la Directiva sobre los servicios. 25 Véase, supra, el punto 50. 26 Véase la sentencia de 18 de diciembre de 2007,Jundt (C‑281/06, EU:C:2007:816), apartado 38 y la jurisprudencia 27 Véase por ejemplo, a tal efecto, la sentencia de 18 de diciembre de 2007, Jundt(C‑281/06, EU:......
  • Opinion of Advocate General Medina delivered on 3 February 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 February 2022
    ...a un rapporto di lavoro, non sembrano pertinenti nel caso di specie. 39 V., in particolare, sentenza del 18 dicembre 2007, Jundt (C‑281/06, EU:C:2007:816, punti 28 e 29 e giurisprudenza ivi 40 V., in tal senso, sentenza del 23 febbraio 2016, Commissione/Ungheria (C‑179/14, EU:C:2016:108, pu......
  • European Commission v Federal Republic of Germany.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2010
    ...des Centri di Assistenza Fiscale en Italie. 24 – Outre les arrêts déjà mentionnés, voir, simplement, arrêt du 18 décembre 2007, Jundt (C‑281/06, Rec. p. I‑12231, points 35 et suiv.), en ce qui concerne l’exercice d’une activité d’enseignement pour le compte d’une université. 25 – Voir point......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT