Medion AG v Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:373
Date09 June 2005
Celex Number62004CC0120
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-120/04

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. Jacobs

présentées le 9 juin 2005 (1)

Affaire C-120/04

Medion AG

contre

Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht de Düsseldorf (Allemagne)]

«Marques – Utilisation par un tiers d'une marque verbale dans un signe verbal composé précédée du nom de l'entreprise du tiers – Risque de confusion»





1. L’Oberlandesgericht de Düsseldorf (Allemagne), qui est une juridiction d’appel, a adressé à la Cour une question relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE (2).

2. Cette disposition permet au titulaire d’une marque d’empêcher tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, «d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion».

3. La juridiction de renvoi demande en substance s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive lorsqu’un signe verbal composé ou un signe composé à la fois verbal et figuratif (à savoir en l’espèce, THOMSON LIFE) comprend la dénomination de l’entreprise suivie d’une marque plus ancienne (à savoir LIFE) constituée par un seul mot et dotée d’un «pouvoir distinctif normal» qui, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans celui-ci une position distinctive autonome. La question de la juridiction de renvoi s’est posée à elle en particulier en raison de la «Prägetheorie» (3), que le Bundesgerichtshof, qui est la juridiction fédérale suprême, a développée en droit des marques allemand. Nous y reviendrons ultérieurement.

Les faits et la procédure au principal

4. La demanderesse au principal, Medion AG, est titulaire de la marque verbale allemande «LIFE», dont elle a obtenu l’enregistrement pour des appareils électroniques de loisirs.

5. La défenderesse, Thomson multimedia Sales Germany & Austria GmbH, que la juridiction de renvoi décrit comme étant une des premières entreprises mondiales du secteur de l’électronique de loisirs, commercialise certains de ses produits de cette branche sous la dénomination «THOMSON LIFE» utilisée dans certains cas comme un simple signe verbal et dans d’autres cas comme un signe à la fois verbal et figuratif en ce sens que l’élément «THOMSON» est présenté dans un graphisme différent tant par sa dimension que sa couleur et son style.

6. Saisi en première instance, le Landgericht de Düsseldorf a rejeté l’action dont la demanderesse l’avait saisi afin qu’il interdise à la défenderesse d’utiliser le signe «THOMSON LIFE». Il a, en effet, estimé qu’il n’existait aucun risque de confusion avec la marque «LIFE».

7. La demanderesse s’est alors pourvue en appel devant la juridiction de renvoi, laquelle a sursis à statuer et adressé à la Cour la question préjudicielle esquissée plus haut.

8. La juridiction de renvoi explique la jurisprudence du Bundesgerichtshof, qui énonce ce qu’il est convenu d’appeler la Prägetheorie, de la manière suivante. Pour apprécier la similitude des marques qui ont un ou plusieurs éléments communs, il faut partir de l’impression d’ensemble dégagée par les marques. La question qu’il faut trancher est celle de savoir si l’élément commun caractérise la marque composée à un point tel que les autres éléments n’ont plus qu’une importance largement secondaire dans cette impression globale. Le seul fait que l’élément commun contribue simplement à cette impression d’ensemble n’est pas susceptible de créer un risque de confusion. Le point de savoir si un signe utilisé dans une marque composée a conservé un rôle distinctif autonome n’a pas davantage d’importance. Les éléments individuels utilisés dans la présentation globale des marchandises peuvent cependant avoir un rôle distinct indépendant de la fonction distinctive d’autres éléments; les éléments sont alors examinés et mis en présence l’un de l’autre de façon totalement isolée. L’élément d’un signe qui, pour les milieux intéressés, ne désigne visiblement pas le produit en tant que tel, mais l’entreprise d’origine, ne se voit normalement pas reconnaître de signification susceptible de créer l’impression d’ensemble dégagée par le signe. Un signe désignant l’entreprise, reconnaissable en tant que tel, doit normalement passer à l’arrière-plan au regard de l’impression d’ensemble dégagée par la marque parce que les milieux intéressés voient précisément dans l’autre élément du signe la désignation proprement dite du produit.

9. Il convient toutefois de rechercher, selon les circonstances de chaque cas d’espèce, s’il n’en va pas différemment dans certaines situations exceptionnelles et si, du point de vue des milieux intéressés, l’indication du fabricant n’occupe pas malgré tout le premier plan. Les éléments déterminants à cet égard sont les caractéristiques et les habitudes de dénomination particulières dans le secteur de produits en question. Dans le secteur brassicole et le secteur de la mode, le Bundesgerichtshof a admis que les milieux intéressés attachaient une importance particulière à l’indication du fabricant, raison pour laquelle, dans ces secteurs, les indications de fabricants contribuaient tout au moins à créer l’impression d’ensemble des signes. Cela a pour conséquence qu’en cas de reprise d’une marque plus ancienne dans un signe composé comportant l’indication du fabricant, il n’y a pas de risque de confusion au sens du droit des marques. Si tant est que, selon les habitudes de dénomination du secteur en question, les milieux intéressés prêtent attention à l’indication du fabricant dans un signe composé, celle-ci contribue à créer l’impression d’ensemble du signe même lorsque l’autre élément de celui-ci est doté d’un pouvoir distinctif plus que négligeable, c’est-à-dire normal. Cela vaut d’autant plus dans le cas d’un pouvoir distinctif renforcé du nom du fabricant.

10. Appliquant les principes susmentionnés à la présente affaire, la chambre de renvoi conclut qu’il n’existe aucun risque de confusion puisque l’indication du fabricant, «THOMSON», contribue tout au moins à créer l’impression d’ensemble de la dénomination attaquée, «THOMSON LIFE». L’élément «LIFE» n’est donc pas le seul à créer l’impression d’ensemble dégagée par la marque. Le matériel produit par les parties fait apparaître, pour le secteur des produits en cause, à savoir celui des appareils électroniques de loisirs, une habitude de dénomination consistant à faire passer le nom du fabricant au premier plan. Dans ce secteur, les produits sont en général dénommés par le nom du fabricant et par une combinaison de lettres et de chiffres difficile à mémoriser.

11. La juridiction de renvoi ajoute qu’examiner le risque de confusion à la lumière de la sonorité de la dénomination attaquée, de son graphisme et de son contenu sémantique ne conduit pas à des résultats différents en l’espèce. À tous égards, le nom du fabricant «THOMSON» contribue de façon essentielle à l’impression d’ensemble conférée par le signe «THOMSON LIFE».

12. La juridiction de renvoi observe néanmoins que l’interprétation que le Bundesgerichtshof a donnée de la notion de risque de confusion n’est pas sans soulever des contestations en Allemagne dans des situations de fait comparables à la présente espèce. Le fait qu’un signe plus ancien puisse être usurpé par un tiers moyennant l’ajout d’une dénomination d’entreprise, et ce même en cas de pouvoir distinctif normal, est ressenti comme inéquitable. Suivant la thèse inverse, il existe un risque de confusion en l’espèce. Dans le signe composé «THOMSON LIFE», la marque «LIFE» de la demanderesse conserve une position distinctive...

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