Glaxosmithkline and Laboratoires Glaxosmithkline v Jean-Pierre Rouard.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:22
Date17 January 2008
Celex Number62006CC0462
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-462/06

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 17 janvier 2008 (1)

Affaire C‑462/06

Glaxosmithkline,

Laboratoires Glaxosmithkline

contre

Jean-Pierre Rouard

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

«Compétence judiciaire – Contrats individuels de travail»





1. Par le présent renvoi préjudiciel, la Cour de cassation (France) demande à la Cour de se prononcer sur l’interprétation du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (2), ce texte faisant suite et remplaçant la convention de Bruxelles (3).

2. Plus précisément, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la section 5, relative aux contrats de travail, introduite par le règlement nº 44/2001 doit être considérée comme régissant de manière exhaustive et exclusive les règles de compétence afférentes auxdits contrats ou si, au contraire, les règles de compétence énoncées dans la section consacrée au contrat de travail peuvent être complétées par la règle de compétence spéciale énoncée à l’article 6, point 1, de la section 2 du règlement susmentionné.

I – Cadre juridique et factuel du litige

A – Le cadre juridique

3. L’article 2 du règlement nº 44/2001 dispose:

«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

4. L’article 6 du règlement nº 44/2001, qui figure à la section 2, intitulée «Compétences spéciales», prévoit, qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre:

«[…]

1) s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément;

[…]»

5. La section 5 du règlement nº 44/2001, intitulée «Compétences en matière de contrats individuels de travail», est composée des articles 18 à 21.

6. Plus précisément, l’article 18, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001 dispose:

«1. En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 4 et de l’article 5, point 5.»

7. L’article 19 du règlement énonce dans la même section 5:

«Un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait:

1) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou

2) dans un autre État membre:

a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou

b) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.»

B – Le cadre factuel du litige

8. M. Rouard, défendeur au principal, a été engagé en 1977 par la société Laboratoires Beecham Sévigné, devenue société Laboratoires Glaxosmithkline, dont le siège statutaire est situé en France. Il a exécuté pour le compte de ladite société diverses missions sur le territoire de pays tiers. En 1984, M. Rouard a été affecté au Maroc en vertu d’un nouveau contrat de travail conclu avec la société Beecham Research UK, établie au Royaume‑Uni, laquelle appartient au même groupe que la société Laboratoires Beecham Sévigné. Par ce contrat, le second employeur s’engageait à maintenir certains droits contractuels acquis par M. Rouard dans le cadre de son contrat de travail initial (notamment le maintien de son ancienneté ainsi que des droits à indemnités de licenciement).

9. Le 9 mars 2001, la société Beecham Research UK, devenue société Glaxosmithkline, a licencié M. Rouard. Celui‑ci a alors saisi le Conseil de prud’hommes de Saint‑Germain‑en‑Laye (France), le 4 juin 2002, d’une action dirigée à la fois contre la société Laboratoires Glaxosmithkline et la société Glaxosmithkline, lesdites sociétés venant respectivement aux droits de Laboratoires Beecham Sévigné et Beecham Research UK. M. Rouard demande la condamnation in solidum desdites sociétés au versement de diverses indemnités et de dommages et intérêts pour non‑respect de la procédure de licenciement, licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que rupture abusive du contrat.

10. Au soutien de ses prétentions, M. Rouard estime que les deux sociétés doivent être considérées comme ses coemployeurs, la clause du second contrat, qui prévoit le maintien de certains droits contractuels acquis initialement dans le premier contrat, attestant de sa relation salariale unique et continue avec les deux sociétés, qui appartiennent, de surcroît, au même groupe. Aussi, la juridiction française étant compétente à l’égard de la société Laboratoires Glaxosmithkline, dont le siège est en France, serait‑elle, selon lui, également compétente, en vertu de l’article 6, point 1, du règlement nº 44/2001, à l’égard de la société Glaxosmithkline, bien que cette dernière soit établie au Royaume‑Uni.

11. Le Conseil des prud’hommes, conformément à la ligne de défense des deux employeurs, se déclara néanmoins incompétent, en relevant que les contrats de travail en vigueur au moment du licenciement étaient régis par le droit anglais et le droit marocain. Dès lors, il n’existait désormais plus aucun lien de subordination entre M. Rouard et la société Laboratoires Glaxosmithkline en France. La Cour d’appel de Versailles infirma cette décision et renvoya les parties devant le Conseil de prud’hommes. Les sociétés requérantes au principal ont alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

12. C’est dans ce contexte que la juridiction suprême a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«[D]’une part, […] la règle de compétence spéciale énoncée au point 1 de l’article 6 du règlement […] n° 44/2001 […], en vertu duquel une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, ‘s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément’, est[-elle] applicable au litige engagé par un salarié devant une juridiction d’un État membre contre deux sociétés appartenant au même groupe, dont l’une, qui est celle qui a embauché ce salarié pour le groupe puis refusé de le réintégrer, est domiciliée dans cet État membre et l’autre, pour le compte de laquelle l’intéressé a travaillé en dernier lieu dans des États tiers et qui l’a licencié, dans un autre État membre, alors que ce demandeur invoque une clause du contrat de travail pour faire valoir que les deux [sociétés] étaient ses coemployeurs auxquels il demande l’indemnisation de son licenciement ou, d’autre part, […] la règle du point 1 de l’article 18 du règlement [nº 44/2001], en vertu duquel, en matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la section [5] du chapitre II [de ce règlement], exclut[‑elle] l’application du point 1 de l’article 6 [dudit règlement], en sorte que chacune des deux sociétés doit être attraite devant la juridiction de l’État membre où elle a son domicile[?]»

II – Analyse juridique

13. La question préjudicielle posée se divise en deux branches. La réponse donnée à cette question implique en effet de s’attacher, dans un premier temps, à déterminer si la règle de compétence spéciale énoncée à l’article 6, point 1, du règlement nº 44/2001 peut être appliquée dans le cadre des...

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