The Queen, on the application of M and Others v Her Majesty’s Treasury.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:13
Docket NumberC-340/08
Celex Number62008CC0340
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 January 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

PAOLO MENGOZZI

présentées le 14 janvier 2010 1(1)

Affaire C‑340/08

M (FC) e.a.

contre

Her Majesty’s Treasury

[Demande de décision préjudicielle présentée par la House of Lords (Royaume‑Uni)]

«Mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban − Interdiction d’utiliser des fonds au bénéfice de personnes et d’entités énumérées à l’annexe I du règlement (CE) n° 881/2002 – Prestations de sécurité sociale ou d’assistance octroyées à l’épouse d’une personne énumérée à ladite annexe»





I – Introduction

1. Par ordonnance du 30 avril 2009, la House of Lords (Royaume‑Uni) a présenté à la Cour une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE concernant l’interprétation du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (2) (ci-après le «règlement n° 881/2002» ou le «règlement»).

2. La Cour est appelée à se prononcer sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement dans le cadre d’un recours introduit par Mmes M., A. et MM. (ci-après les «parties appelantes») en annulation des décisions du Her Majesty’s Treasury (le trésor public britannique, ci-après le «Treasury») portant sur l’applicabilité des interdictions prévues par cette disposition aux prestations de sécurité sociale ou d’assistance à verser au conjoint d’une personne figurant sur la liste établie en application de la résolution 1267 (1999) par le comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies.

II – Cadre juridique de référence

A – Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

3. Le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci‑après le «Conseil de sécurité») a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe les mesures que les États doivent prendre à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés figurant sur la liste établie en application des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) dudit Conseil et périodiquement mise à jour par le comité des sanctions du Conseil de sécurité (ci-après: le «comité des sanctions») institué par la résolution 1267 (1999).

4. Aux termes du paragraphe 2, sous a), de la résolution 1390 (2002), tous les États doivent:

«[b]loquer sans délai les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques de ces personnes, groupes, entreprises et entités, y compris les fonds provenant de biens leur appartenant ou contrôlés, directement ou indirectement, par eux ou par des personnes agissant pour leur compte ou sous leurs ordres, et veiller à ce que ni ces fonds ni d’autres fonds, actifs financiers ou ressources économiques ne soient rendus disponibles, directement ou indirectement, pour les fins qu’ils poursuivent, par leurs citoyens ou par une personne se trouvant sur leur territoire» (3).

5. Le 20 décembre 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1452 (2002), autorisant des dérogations spécifiques, à des fins humanitaires, aux mesures restrictives imposées par la résolution 1390 (2002).

6. Le paragraphe 1er de la résolution 1452 (2002) prévoit que l’obligation de bloquer les fonds ne s’applique pas, notamment:

«[…] aux fonds et autres actifs financiers ou ressources économiques dont l’État compétent ou les États compétents ont déterminé qu’ils sont: a) [n]écessaires pour des dépenses de base, [...] sous réserve que l’État ou les États compétents aient préalablement notifié au [comité des sanctions] [...] qu’ils ont l’intention de donner accès selon que de besoin à ces fonds, actifs ou ressources [...]»

B – La réglementation de l’Union européenne et de la Communauté européenne

7. Afin de mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité 1390 (2002), le Conseil a adopté, le 27 mai 2002, la position commune 2002/402/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC (4).

8. Aux termes de son article 1er, la position commune 2002/402 «s’applique à Oussama ben Laden, aux membres de l’organisation Al‑Qaida ainsi qu’aux Taliban et aux autres personnes, groupes, entreprises et entités associés visés dans la liste qui a été établie conformément» aux résolutions du Conseil de sécurité 1267 (1999) et 1333 (2000). Celle-ci prévoit à l’article 3 que:

«La Communauté européenne, agissant dans les limites des pouvoirs que lui confère le traité instituant la Communauté européenne:

– ordonne le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes, entreprises et entités visés à l’article 1er,

– veille à ce que des fonds, des avoirs financiers ou des ressources économiques ne soient pas, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes, des groupes, des entreprises et des entités visés à l’article 1er

9. Faisant suite à la position commune 2002/402, le Conseil a adopté, le 27 mai 2002, le règlement n° 881/2002, qui, ainsi que cela ressort de ses considérants, notamment du premier au quatrième, vise à la mise en œuvre de la résolution 1390 (2002) sur le territoire de la Communauté.

10. En vertu de son article 1er, aux fins du règlement, il convient de donner les définitions suivantes:

«1) ‘fonds’, les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, y compris notamment le numéraire, les chèques, les créances en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement; les dépôts auprès d’établissements financiers ou d’autres entités, les soldes en comptes, les créances et les titres de créance; les instruments de la dette au niveau public ou privé, et les titres négociés notamment les actions et autres titres de participation, les certificats de titre, les obligations, les billets à ordre, les warrants, les titres non gagés, les contrats sur produits dérivés; les intérêts, les dividendes ou autres revenus d’actifs ou plus-values perçus sur des actifs; le crédit, le droit à compensation, les garanties, les garanties de bonne exécution ou autres engagements financiers; les lettres de crédit, les connaissements, les contrats de vente; tout document attestant la détention de parts d’un fonds ou de ressources financières, et tout autre instrument de financement à l’exportation;

2) ‘ressources économiques’, les avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, qui ne sont pas des fonds mais peuvent être utilisés pour des fonds, des biens ou des services;

[...]»

11. L’article 2 du règlement dispose comme suit:

«1. Tous les fonds et ressources économiques appartenant à, en possession de ou détenus par une personne physique ou morale, un groupe ou une entité désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I sont gelés.

2. Aucun fonds ne doit [...] être mis, directement ou indirectement, à la disposition ni utilisé au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I.

3. Aucune ressource économique ne doit [...] être mise, directement ou indirectement, à la disposition ni utilisée au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I, de manière à leur permettre d’obtenir des fonds, des biens ou des services.»

12. L’article 8 du règlement dispose comme suit:

«La Commission et les États membres s’informent des mesures prises en application du présent règlement et se communiquent les informations pertinentes dont ils disposent en relation avec le présent règlement, [...]»

13. L’article 10, paragraphe 1, du règlement prévoit que:

«Chaque État membre détermine les sanctions qui doivent être imposées en cas de violation du présent règlement. Ces sanctions doivent être efficaces, proportionnelles et dissuasives.»

14. L’annexe I du règlement contient la «liste des personnes, entités et groupes» visée à l’article 2 de ce dernier.

15. Le 27 février 2003, le Conseil a adopté les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre des dérogations à des fins humanitaires prévues par la résolution du Conseil de sécurité 1452 (2002), citée au point 5 des présentes conclusions, à savoir la position commune 2003/140/PESC, concernant des exceptions aux mesures restrictives imposées par la position commune 2002/402 (5), et le règlement (CE) n° 561/2003 du Conseil, du 27 mars 2003, modifiant, en ce qui concerne les exceptions au gel des fonds et des ressources économiques, le règlement n° 881/2002 (6).

16. L’article 1er du règlement n° 561/2003 insère dans le règlement n° 881/2002 un nouvel article 2 bis, dont les paragraphes 1 et 2 disposent:

«1. L’article 2 ne s’applique pas aux fonds ou aux ressources économiques lorsque:

a) l’une quelconque des autorités compétentes des États membres, recensées dans l’annexe II, a établi, à la demande d’une personne physique ou morale intéressée, que ces fonds ou ces ressources économiques sont:

i) nécessaires à des dépenses de base, y compris celles qui sont consacrées à des vivres, des loyers ou des remboursements de prêts hypothécaires, des médicaments et des frais médicaux, des impôts, des primes d’assurance et des services collectifs;

ii) destinés exclusivement au...

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