Criminal proceedings against Jochen Dickinger and Franz Ömer.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:195
Date31 March 2011
Celex Number62009CC0347
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-347/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 31 mars 2011 (1)

Affaire C‑347/09

Staatsanwaltschaft Linz

contre

Jochen Dickinger,

Franz Ömer

[demande de décision préjudicielle formée par le Bezirksgericht Linz (Autriche)]

«Libre prestation des services – Réglementation nationale prévoyant un monopole pour l’exploitation de loteries par Internet – Possibilité d’obtenir ce monopole réservée aux seules sociétés de capitaux ayant leur siège social sur le territoire national – Interdiction pour le titulaire du monopole de créer une succursale à l’étranger»





1. La question de la conformité d’un monopole en matière de jeux d’argent ou de hasard avec les libertés de circulation prévues par le droit communautaire a donné lieu, depuis le mois de septembre 2009, à plusieurs arrêts préjudiciels qui ont permis à la Cour de préciser sa jurisprudence antérieure (2).

2. Il ressort de ces arrêts, tout d’abord, qu’un tel monopole peut être conforme à ces libertés s’il a pour objectifs d’assurer un niveau élevé de protection de l’ordre public et de défense des consommateurs, et s’il est organisé et exercé de manière à atteindre effectivement ces objectifs.

3. Il en ressort, ensuite, que le titulaire de ce monopole peut être non seulement une entité publique, mais aussi un opérateur privé (3). Dans ce second cas de figure, l’attribution du monopole doit être effectuée dans le respect du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence, sauf si l’octroi dudit monopole à cet opérateur privé constitue une attribution «in house» (4).

4. Dans le domaine particulier des jeux d’argent par Internet, l’octroi de monopoles a trouvé une justification supplémentaire dans les risques spécifiques que ces jeux présentent (5).

5. En outre, la Cour a indiqué qu’un État membre n’était pas tenu de reconnaître l’autorisation d’exploiter des jeux par Internet délivrée à un prestataire de jeux en ligne par un autre État membre sur le territoire duquel ce prestataire est établi (6).

6. La présente demande préjudicielle du Bezirksgericht Linz (Autriche), qui est parvenue à la Cour à la fin du mois d’août 2009, soit avant le prononcé des arrêts précités, a pour objet l’appréciation de la conformité avec la libre prestation des services de la législation autrichienne applicable aux loteries électroniques.

7. En vertu de cette législation, la fourniture de tels jeux aux personnes résidant en Autriche fait l’objet d’un monopole d’exploitation réservé pour une durée maximale de quinze ans à un opérateur privé qui doit remplir plusieurs conditions. Il doit s’agir, notamment, d’une société de capitaux ayant son siège social en Autriche et elle ne peut pas créer de succursale à l’étranger.

8. La juridiction de renvoi pose plusieurs questions préjudicielles destinées à lui permettre d’apprécier si un tel monopole et les conditions qui sont imposées par son droit interne pour l’octroi de celui-ci sont conformes au droit communautaire.

9. La plupart de ces questions trouvent leur réponse dans la jurisprudence et, en particulier, dans les arrêts rendus postérieurement à la réception de la décision de renvoi.

10. La présente affaire offre, néanmoins, à la Cour l’opportunité d’apporter des précisions complémentaires à sa jurisprudence en ce qui concerne la condition selon laquelle la société titulaire du monopole doit avoir son siège social sur le territoire de l’État membre concerné.

11. Dans l’arrêt Engelmann, précité, une telle condition, en tant qu’elle était imposée à des concessionnaires d’établissements de jeux traditionnels tels que des casinos, a été jugée disproportionnée par rapport aux objectifs de contrôle et de protection de l’ordre public invoqués par le gouvernement autrichien.

12. Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que cette même condition, dans le cas très spécifique d’un monopole d’exploitation de jeux par Internet, peut être justifiée.

13. Nous rappellerons qu’un régime de monopole, parce qu’il est très restrictif des libertés de circulation, ne peut être justifié que s’il a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’ordre public et de défense des consommateurs.

14. Nous rappellerons également que les jeux d’argent par Internet présentent des risques plus importants pour l’ordre public et les consommateurs que les jeux traditionnels et qu’ils peuvent être fournis à distance, sans infrastructure dans l’État membre de destination, dans laquelle cet État pourrait effectuer lui-même des contrôles approfondis. Nous indiquerons que, en l’état du droit communautaire, il n’existe pas d’instrument de coopération permettant à un État membre d’obtenir d’un autre État membre, sur le territoire duquel un prestataire de jeux en ligne est établi, l’assistance nécessaire à de tels contrôles.

15. Nous en déduirons qu’un État membre peut donc légitimement imposer à l’opérateur titulaire du monopole d’exploitation des jeux par Internet sur le territoire national d’avoir son siège social sur ce territoire afin de pouvoir contrôler efficacement l’activité de cet opérateur.

16. Enfin, nous indiquerons qu’un État membre ne saurait interdire au titulaire du monopole d’exploitation des jeux par Internet sur son territoire de créer une succursale à l’étranger sans démontrer que cette mesure est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général et qu’elle est proportionnée à ces objectifs.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

17. L’exploitation de jeux d’argent, à ce jour, n’a pas fait l’objet d’une réglementation ou d’une harmonisation en droit communautaire. Cette activité a été exclue du champ d’application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (7).

18. Les jeux d’argent constituant une activité économique, ils relèvent du champ d’application des libertés de circulation, en particulier de l’article 49 CE qui prohibe les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté européenne à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

19. En vertu des articles 55 CE et 48 CE, l’article 49 CE est applicable aux services offerts par une société constituée en conformité avec la législation d’un État membre et ayant son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement à l’intérieur de la Communauté.

B – Le droit autrichien

20. En Autriche, les jeux de hasard sont réglementés par la loi fédérale sur les jeux de hasard (Glücksspielgesetz) (8).

21. En vertu de l’article 3 du GSpG, le droit d’organiser des jeux de hasard est, en principe, réservé au gouvernement fédéral. Le ministre fédéral des Finances est, néanmoins, autorisé à octroyer des concessions à des personnes privées pour l’organisation de loteries et de loteries électroniques.

22. Les loteries électroniques sont, en vertu de l’article 12 bis du GSpG, définies dans ce contexte comme les «loteries pour lesquelles le contrat de jeu est conclu par des moyens électroniques, la décision sur les gains et les pertes est apportée ou mise à disposition de manière centrale et le participant peut prendre connaissance du résultat immédiatement après la participation au jeu».

23. En vertu de l’article 14 du GSpG, le ministre fédéral des Finances peut attribuer une concession pour l’organisation des loteries et des loteries électroniques. L’article 14, paragraphe 2, du GSpG prévoit que la concession ne peut être accordée qu’à un seul candidat qui:

– est une société de capitaux ayant son siège social dans le pays;

– n’a pas de propriétaires (sociétaires) qui disposent d’une influence dominante et dont l’influence ne permet pas de garantir la fiabilité du point de vue réglementaire;

– dispose d’un conseil de surveillance et d’un capital social versé d’au moins 109 000 000 euros, la provenance légale des fonds devant être démontrée de manière adéquate;

– nomme des directeurs qui, du fait de leur formation, sont professionnellement compétents, disposent des caractéristiques et de l’expérience nécessaires pour l’exploitation correcte de l’activité et contre lesquels il n’y a aucun motif d’exclusion au titre de l’article 13 du code des professions artisanales, commerciales et industrielles;

– compte tenu des circonstances (en particulier les expériences, les connaissances et les moyens propres) permet de s’attendre à ce qu’il réalise pour le gouvernement fédéral les meilleures recettes (taxe de concession et prélèvements sur les paris), et

– pour lequel la structure éventuelle du groupe auquel le ou les propriétaires ayant une participation qualifiée dans l’entreprise appartiennent ne gêne pas un contrôle efficace du concessionnaire.

24. La concession peut, en application de l’article 14, paragraphe 3, première phrase, du GSpG, être accordée pour une durée maximale de quinze ans. Tant qu’une concession de loterie est en vigueur, l’article 14, paragraphe 5, première phrase, du GSpG prévoit qu’aucune autre concession ne saurait être attribuée.

25. En vertu de l’article 15, paragraphe 1, du GSpG, le concessionnaire n’a pas le droit de créer de succursale en dehors du territoire autrichien. En outre, l’acquisition pour le concessionnaire de participations qualifiées dans d’autres sociétés requiert une autorisation du ministre fédéral des Finances. En vertu de l’article 15 bis du GSpG, une telle autorisation est également requise pour une extension de l’activité commerciale du concessionnaire et elle ne doit être accordée que s’il ne faut pas craindre une baisse des recettes du gouvernement fédéral provenant de la taxe de concession ou des prélèvements sur les paris.

26. Le concessionnaire doit, en outre, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du GSpG, communiquer tous les ans au ministre fédéral des Finances l’identité des...

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    • 15 September 2011
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