Criminal proceedings against Jochen Dickinger and Franz Ömer.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:582
Date15 September 2011
Celex Number62009CJ0347
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-347/09

Affaire C-347/09

Procédure pénale

contre

Jochen Dickinger
et
Franz Ömer

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bezirksgericht Linz)

«Libre prestation des services — Liberté d’établissement — Réglementation nationale prévoyant un monopole d’exploitation pour les jeux de casino sur Internet — Conditions d’admissibilité — Politique commerciale expansionniste — Contrôles des opérateurs de jeux de hasard effectués dans d’autres États membres — Attribution du monopole à une société de droit privé — Possibilité d’obtenir le monopole réservée aux seules sociétés de capitaux ayant leur siège social sur le territoire national — Interdiction pour le titulaire du monopole de créer une succursale en dehors de l’État membre d’établissement»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard — Réglementation nationale établissant un monopole d'exploitation de jeux de hasard commercialisés par Internet — Sanctions pénales à l'encontre des contrevenants à ce monopole — Admissibilité — Conditions

(Art. 49 CE)

2. Libre prestation des services — Dispositions du traité — Champ d'application — Services de jeux de hasard commercialisés par Internet — Utilisation d'intermédiaires établis dans le même État membre que les destinataires des services du prestataire étranger — Absence d'incidence

(Art. 49 CE)

3. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard — Réglementation nationale établissant un monopole d'exploitation de jeux de hasard commercialisés par Internet — Justification

(Art. 49 CE et 55 CE)

4. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard — Réglementation nationale établissant un monopole d'exploitation de jeux de hasard commercialisés par Internet — Possibilité pour le titulaire dudit monopole de mener une politique d’expansion — Justification

(Art. 49 CE)

5. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard — Opérateur autorisé par l'État membre de son établissement à offrir des jeux de hasard — Impossibilité pour cet opérateur d'offrir de tels services par Internet dans un autre État membre en raison d'un monopole en la matière

(Art. 49 CE)

1. Le droit de l’Union, et en particulier l’article 49 CE, s’oppose à ce que soit sanctionnée pénalement la violation d’un monopole d’exploitation de jeux de hasard, tel que le monopole d’exploitation des jeux de casino commercialisés par Internet prévu par une réglementation nationale, si cette réglementation n’est pas conforme aux dispositions de ce droit.

En effet, le droit de l’Union impose des limites à la compétence des États membres en matière pénale, une législation dans ce domaine ne pouvant, notamment, restreindre les libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union. Ainsi, lorsqu’un régime de monopole est incompatible avec l’article 49 CE, la violation de celui-ci par un opérateur économique ne peut faire l’objet de sanctions pénales.

(cf. points 31-32, 43, disp. 1)

2. L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’il est applicable aux services de jeux de hasard commercialisés par Internet sur le territoire d’un État membre d’accueil par un opérateur établi dans un autre État membre nonobstant le fait que cet opérateur :

a) a mis en place dans l’État membre d’accueil une certaine infrastructure de support informatique telle qu’un serveur, et

b) se prévaut de services de soutien informatique d’un prestataire établi dans l’État membre d’accueil afin de fournir ses services à des consommateurs également établis dans cet État membre.

En effet, l’article 49 CE s’applique à un opérateur de jeux de hasard établi dans un État membre qui propose ses services dans un autre État membre même s’il se sert à cette fin d’intermédiaires établis dans le même État membre que les destinataires desdits services. A fortiori ce même article trouve-t-il à s’appliquer lorsque l’opérateur de jeux de hasard se sert non pas d’intermédiaires, mais d’un simple prestataire de services de support informatique dans l’État membre d’accueil.

(cf. points 37-38, disp. 2)

3. L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu'un État membre cherchant à assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs dans le secteur des jeux de hasard peut être fondé à considérer que seule l’institution d’un monopole en faveur d’un organisme unique soumis à un contrôle étroit de la part des pouvoirs publics est de nature à permettre de maîtriser la criminalité liée à ce secteur et de poursuivre l’objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées aux jeux et de lutte contre l’assuétude au jeu d’une façon suffisamment efficace.

(cf. point 48, 100, disp. 3)

4. L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu'afin d’être cohérente avec l’objectif de lutte contre la criminalité ainsi que celui de réduire les occasions de jeu, une réglementation nationale instituant un monopole en matière de jeux de hasard permettant au titulaire du monopole de mener une politique d’expansion doit

- reposer sur la constatation selon laquelle les activités criminelles et frauduleuses liées aux jeux et l’assuétude au jeu constituent un problème sur le territoire de l’État membre concerné auquel une expansion des activités autorisées et réglementées serait de nature à remédier, et

- ne permettre que la mise en œuvre d’une publicité mesurée et strictement limitée à ce qui est nécessaire pour canaliser les consommateurs vers les réseaux de jeu contrôlés.

Afin d’atteindre cet objectif de canalisation vers des circuits contrôlés, les opérateurs autorisés doivent constituer une alternative fiable, mais en même temps attrayante, aux activités non réglementées, ce qui peut en soi impliquer l’offre d’une gamme de jeux étendue, une publicité d’une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution.

La publicité éventuellement mise en œuvre par le titulaire d’un monopole public doit demeurer mesurée et strictement limitée à ce qui est nécessaire pour canaliser ainsi les consommateurs vers les réseaux de jeu contrôlés. Une telle publicité ne saurait, en revanche, viser à encourager la propension naturelle au jeu des consommateurs en stimulant leur participation active à celui-ci, notamment en banalisant le jeu ou en donnant une image positive liée au fait que les recettes récoltées sont affectées à des activités d’intérêt général ou encore en augmentant la force attractive du jeu au moyen de messages publicitaires accrocheurs faisant miroiter d’importants gains.

(cf. points 64, 68, 100, disp. 3)

5. L’article 49 CE doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’un État membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État membre ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions prises en la matière, lesquelles doivent seulement être appréciées au regard des objectifs poursuivis par les autorités compétentes de l’État membre concerné et du niveau de protection qu’elles entendent assurer.

Étant donné l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union de la réglementation du secteur des jeux de hasard et les divergences significatives entre les objectifs poursuivis ainsi que les niveaux de protection recherchés par les réglementations des différents États membres, le seul fait qu’un opérateur propose légalement des services dans un État membre, où il est établi et où il est en principe déjà soumis à des conditions légales et à des contrôles de la part des autorités compétentes de ce dernier État, ne saurait être considéré comme une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux contre les risques de fraude et de criminalité dans l'État membre d'accueil.

(cf. points 96-97, 100, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

15 septembre 2011 (*)

«Libre prestation des services – Liberté d’établissement – Réglementation nationale prévoyant un monopole d’exploitation pour les jeux de casino sur Internet – Conditions d’admissibilité – Politique commerciale expansionniste – Contrôles des opérateurs de jeux de hasard effectués dans d’autres États membres – Attribution du monopole à une société de droit privé – Possibilité d’obtenir le monopole réservée aux seules sociétés de capitaux ayant leur siège social sur le territoire national – Interdiction pour le titulaire du monopole de créer une succursale en dehors de l’État membre d’établissement»

Dans l’affaire C‑347/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bezirksgericht Linz (Autriche), par décision du 10 avril 2009, parvenue à la Cour le 31 août 2009, dans la procédure pénale contre

Jochen Dickinger,

Franz Ömer,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur), L. Bay Larsen, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 janvier 2011,

considérant les observations présentées:

– pour MM. Dickinger et Ömer, par Mes W. Denkmair et O. Plöckinger, Rechtsanwälte,

– pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer et M. J. Bauer, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par Mmes L. Van den Broeck et M. Jacobs, en qualité d’agents, assistées de Mes A. Hubert et P. Vlaemminck, avocats,

– pour le gouvernement grec, par Mmes E.-M. Mamouna, M. Tassopoulou et G. Papadaki, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement maltais, par Mme A. Buhagiar et M. J. Borg, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme A. Barros, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. E. Traversa et B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision...

To continue reading

Request your trial
13 practice notes
  • Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 3 May 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 Mayo 2018
    ...law’ (emphasis added). See also recital 21 of that directive. 109 See, in particular, judgments of 15 September 2011, Dickinger and Ömer (C‑347/09, EU:C:2011:582, paragraph 31), and of 6 December 2011, Achughbabian (C‑329/11, EU:C:2011:807, paragraph 110 On that subject, see also point 112 ......
  • MT v Landespolizeidirektion Steiermark.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 14 Octubre 2021
    ...paragraph 47; of 3 June 2010, Sporting Exchange, C‑203/08, EU:C:2010:307, paragraph 27; and of 15 September 2011, Dickinger and Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, paragraph 45). 47 As regards the amount of that minimum fine, it is for the national court, for the purpose of assessing its proport......
  • Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 27 September 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 Septiembre 2018
    ...IATA and ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, paragraph 76. 27 See, inter alia, and by analogy, judgment of 15 September 2011, Dickinger and Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, paragraph 41 and the case-law 28 See, inter alia, and by analogy, judgment of 22 January 2015, Stanley International Betting ......
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 15 November 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 Noviembre 2018
    ...de 2007, Placanica y otros (C‑338/04, C‑359/04 y C‑360/04, EU:C:2007:133), apartado 68; y de 15 de septiembre de 2011, Dickinger y Ömer (C‑347/09, EU:C:2011:582), apartado 57 Véase la sentencia de 11 de noviembre de 1981, Casati(203/80, EU:C:1981:261), apartado 27. 58 Véanse los puntos 68 a......
  • Request a trial to view additional results
9 cases
  • MT v Landespolizeidirektion Steiermark.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 14 Octubre 2021
    ...paragraph 47; of 3 June 2010, Sporting Exchange, C‑203/08, EU:C:2010:307, paragraph 27; and of 15 September 2011, Dickinger and Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, paragraph 45). 47 As regards the amount of that minimum fine, it is for the national court, for the purpose of assessing its proport......
  • Berlington Hungary Tanácsadó és Szolgáltató kft and Others v Magyar Állam.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 Junio 2015
    ...jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché (voir, en ce sens, arrêts Dickinger et Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, point 47, ainsi que Digibet et Albers, C‑156/13, EU:C:2014:1756, point 57 L’identification des objectifs effectivement poursui......
  • Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 27 September 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 Septiembre 2018
    ...IATA and ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, paragraph 76. 27 See, inter alia, and by analogy, judgment of 15 September 2011, Dickinger and Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, paragraph 41 and the case-law 28 See, inter alia, and by analogy, judgment of 22 January 2015, Stanley International Betting ......
  • Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 3 May 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 Mayo 2018
    ...law’ (emphasis added). See also recital 21 of that directive. 109 See, in particular, judgments of 15 September 2011, Dickinger and Ömer (C‑347/09, EU:C:2011:582, paragraph 31), and of 6 December 2011, Achughbabian (C‑329/11, EU:C:2011:807, paragraph 110 On that subject, see also point 112 ......
  • Request a trial to view additional results
3 books & journal articles
1 provisions

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT