Crailsheimer Volksbank eG v Klaus Conrads and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:351
Docket NumberC-229/04
Celex Number62004CC0229
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date02 June 2005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉGER

présentées le 2 juin 2005 (1)

Affaire C-229/04

Crailsheimer Volksbank eG

contre

Klaus Conrads,

Frank Schulzke,

Petra Schulzke-Lösche,

Joachim Nitschke

[demande de décision préjudicielle formée par le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (Allemagne)]

«Rapprochement des législations – Protection des consommateurs – Démarchage à domicile – Directive 85/577/CEE – Contrat de crédit souscrit en vue d’acquérir un bien immobilier – Révocation – Conditions – Effets»





1. Après les affaires Heininger (2) et Schulte (3), la présente demande de décision préjudicielle vise, une nouvelle fois, à l’interprétation de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (4), dans le contexte spécifique d’investissements immobiliers réalisés en Allemagne par des particuliers au cours des années 90.

2. Dans l’affaire Heininger, la question qui se trouvait posée était de savoir si la directive pouvait s’appliquer à des contrats de «crédit foncier», c’est‑à‑dire à des contrats de crédit souscrits en vue de financer l’acquisition d’un bien immobilier. La Cour a répondu par l’affirmative à cette question et en a déduit que les consommateurs ayant conclu ce type de contrat dans une situation de démarchage disposaient du droit de révocation garanti par l’article 5 de la directive. La Cour a également précisé que le délai prévu pour exercer le droit de révocation ne commençait à courir qu’à compter du moment où le commerçant avait, conformément à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 4 de la directive, informé le consommateur de son droit de révoquer le contrat.

3. Dans l’affaire Schulte, la question était de savoir si, lorsqu’ils s’intègrent dans une seule et même opération financière, le contrat de crédit foncier et le contrat de vente immobilière peuvent relever du domaine d’application de la directive. Bien que la Cour n’ait pas encore rendu son arrêt, nous lui avons proposé, dans les conclusions que nous avons prononcées le 28 septembre 2004 (5), de donner une réponse négative à cette question. Nous avons rappelé que la directive exclut expressément de son champ d’application les contrats relatifs à la vente de biens immobiliers et que, en l’espèce, l’opération financière a pour principal objectif d’acquérir un bien immobilier.

4. L’affaire Schulte porte également sur les conséquences de la révocation du contrat de crédit. Il s’agit de savoir si, en vertu du droit communautaire, la révocation du contrat de crédit foncier peut ou doit entraîner la résiliation du contrat de vente immobilière. À cet égard, nous avons indiqué que, dans la mesure où la directive exclut les contrats relatifs à la vente de biens immobiliers de son champ d’application, il n’est pas possible d’exiger, sur la base de la directive, que la révocation du contrat de crédit affecte, d’une manière ou d’une autre, la validité du contrat de vente immobilière (6).

5. La présente affaire porte désormais sur les conséquences de la révocation, non plus sur le contrat de vente immobilière, mais sur le contrat de crédit lui-même. Le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (Allemagne) demande si une disposition nationale peut prévoir, en cas de révocation du contrat de crédit, l’obligation pour le consommateur de rembourser immédiatement le montant du prêt, majoré des intérêts, alors que ce prêt a, sur les instructions du consommateur, été versé directement par la banque au vendeur du bien immobilier (7).

I – Le cadre juridique communautaire

6. La directive vise à garantir aux consommateurs des États membres une protection minimale dans le domaine du démarchage à domicile.

7. L’article 1er, paragraphe 1, de ce texte énonce:

«La présente directive s’applique aux contrats conclus entre un commerçant fournissant des biens ou des services et un consommateur:

– pendant une excursion organisée par le commerçant en dehors de ses établissements commerciaux

ou

– pendant une visite du commerçant:

i) chez le consommateur ou chez un autre consommateur;

ii) au lieu de travail du consommateur,

lorsque la visite n’a pas lieu à la demande expresse du consommateur.»

8. En revanche, la directive ne s’applique pas, conformément à son article 3, paragraphe 2, sous a), «aux contrats relatifs à la construction, à la vente et à la location des biens immobiliers ainsi qu’aux contrats portant sur d’autres droits relatifs à des biens immobiliers».

9. L’article 4 de la directive énonce que le commerçant est tenu d’informer le consommateur de son droit de résilier le contrat au cours des délais définis à l’article 5 de la directive.

10. L’article 5 de la directive dispose:

«1. Le consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d’au moins sept jours à compter du moment où le consommateur a reçu l’information visée à l’article 4 et conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale [...].

2. La notification faite a pour effet de libérer le consommateur de toute obligation découlant du contrat résilié.»

11. S’agissant des conséquences de la révocation, l’article 7 de la directive indique que:

«Si le consommateur exerce son droit de renonciation, les effets juridiques de la renonciation sont réglés conformément à la législation nationale, notamment en ce qui concerne le remboursement de paiements afférents à des biens ou à des prestations de services ainsi que la restitution de marchandises reçues.»

II – Le cadre juridique national

12. En Allemagne, la directive a été transposée en droit interne par la loi du 16 janvier 1986, relative à la révocation des contrats conclus par démarchage à domicile et des transactions similaires (Gesetz über den Widerruf von Haustürgeschäften und ähnlichen Geschäften) (8).

13. L’article 3, paragraphe 1, de ce texte énonce que, «[e]n cas de révocation, chacune des parties est tenue de rendre à l’autre partie les prestations reçues».

14. Par ailleurs, le législateur allemand a transposé la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (9), en adoptant la loi du 17 décembre 1990, sur le crédit à la consommation (Verbraucherkreditgesetz) (10). L’article 9 de cette loi dispose:

«1. Un contrat de vente forme une transaction liée au contrat de crédit lorsque le crédit sert au financement du prix de vente et que les deux contrats doivent être considérés comme constituant une unité économique. Il y a unité économique notamment lorsque le donneur de crédit bénéficie de la collaboration du vendeur pour la préparation ou la conclusion du contrat de crédit.

2. La déclaration de volonté du consommateur tendant à la conclusion du contrat de vente lié n’est valable que si le consommateur ne révoque pas [...] sa déclaration de volonté tendant à la conclusion du contrat de crédit.

L’information relative au droit de révocation [...] doit contenir l’indication qu’en cas de révocation le contrat de vente lié au contrat de crédit n’est pas valable non plus [...]. Si le montant net du crédit a déjà été versé au vendeur, le donneur de crédit assume à l’égard du consommateur les droits et obligations du vendeur découlant du contrat de vente en ce qui concerne les effets juridiques de la révocation [...]».

15. L’article 3, paragraphe 2, point 2, du VerbrKrG précise que certaines des dispositions de cette loi, et notamment son article 9, ne sont pas applicables aux «contrats de crédit selon lesquels le crédit est subordonné à la constitution d’une sûreté immobilière et est accordé à des conditions habituelles pour des crédits garantis par une sûreté immobilière et leur financement intermédiaire».

III – Les affaires au principal et les questions préjudicielles

16. Au début des années 90, une société de promotion immobilière a acquis un terrain à Steinenbronn, dans la région de Stuttgart (Allemagne), et y a construit un complexe hôtelier comprenant 188 appartements. L’objectif de l’opération était d’offrir aux clients, et surtout aux hommes d’affaires, la possibilité de séjourner plusieurs semaines aux abords de la ville de Stuttgart en se ravitaillant eux-mêmes, ce qui, en raison de l’économie des coûts de personnel, devait permettre d’offrir des tarifs inférieurs à ceux des hôtels comparables. Il était prévu que ces appartements soient acquis par des particuliers dans le cadre d’un montage fiscal avantageux.

17. Pour assurer la commercialisation des appartements, la société immobilière a travaillé en collaboration avec deux entités: une banque populaire, la Crailsheimer Volksbank eG (ci‑après la «Banque»), qui était chargée d’accorder les prêts aux particuliers et une société de vente, qui a elle-même eu recours à des courtiers indépendants, dont un courtier dénommé «W».

18. Dans les trois litiges au principal, le mode opératoire du courtier W fut identique: il se présentait spontanément chez les particuliers, leur exposait les économies réalisables grâce à l’acquisition de l’appartement et au montage fiscal, puis les invitait à signer un contrat de crédit foncier avec la Banque. Souvent, il apparaissait que les revenus des personnes démarchées étaient insuffisants pour couvrir les mensualités, mais l’intermédiaire assurait que l’avantage fiscal résultant du montage compenserait les difficultés de remboursement. C’est ainsi que plusieurs contrats de crédit foncier ont été conclus dans le courant de l’année 1992 avec la Banque.

19. Rapidement, l’activité de l’hôtel s’est cependant avérée déficitaire. Les diverses sociétés impliquées dans la construction et dans l’exploitation de l’hôtel sont tombées en faillite et les investisseurs, qui comptaient sur les revenus résultant de la...

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