European Commission v Federal Republic of Germany.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:252
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-424/07
Date23 April 2009
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62007CC0424

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 23 avril 2009 (1)

Affaire C‑424/07

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne

«Communications électroniques –– Réseaux et services –– Réglementation nationale –– Marchés nouveaux»





1. Le secteur des télécommunications est régi par un cadre réglementaire communautaire poursuivant plusieurs objectifs, notamment de sauvegarder la concurrence. Un régime institutionnel spécifique a été institué, assignant ces objectifs aux autorités réglementaires nationales (ci‑après «ARN») qui se voient conférer des pouvoirs d’intervention, en tant que de besoin, pour imposer des obligations aux opérateurs de télécommunications disposant d’une puissance significative sur un marché.

2. Le présent litige concerne essentiellement la marge d’appréciation laissée aux États membres lors de la transposition en droit national du cadre réglementaire communautaire: tout d’abord, sur leur pouvoir de limiter l’application de cette réglementation en matière de marchés sensibles, c’est‑à‑dire de nouveaux marchés; puis sur leur liberté d’orienter l’intervention des ARN vers des objectifs réglementaires spécifiques, tels que le soutien de l’investissement et de l’innovation.

I – Cadre juridique et factuel

3. Au sein du cadre réglementaire communautaire applicable aux secteur des télécommunications, les textes suivants sont pertinents à l’affaire: la directive cadre (2), la directive accès (3) et la directive service universel (4).

4. La loi allemande en cause est la loi sur les télécommunications (ci‑après la «TKG») (5). Si, pour l’essentiel, la TKG transpose le cadre réglementaire communautaire, elle a également fait l’objet de deux modifications concernant les nouveaux marchés qui sont au cœur du présent litige (6).

5. Ces modifications à la TKG exemptent les nouveaux marchés de la réglementation, sauf si elle est nécessaire à la concurrence à long terme. Elles disposent également que, dans son appréciation du besoin de réglementation, l’ARN allemande (7) doit prendre en considération l’objectif de promotion des investissements dans les infrastructures et de soutien des innovations.

6. Dans la présentation du contexte du présent litige, je distinguerai, d’une part, les objectifs réglementaires des dispositions pertinentes du cadre réglementaire communautaire (A) et, d’autre part, les questions de procédure: le régime de transparence, le système de coopération entre les ARN et la Commission des Communautés européennes, la définition des marchés et l’analyse des marchés (B). Je décrirai ensuite la TKG de manière plus détaillée (C). Finalement, je rappellerai brièvement quelques incidents survenus au cours de la phase précontentieuse de la procédure (D).

A – Les objectifs du cadre réglementaire communautaire

7. L’article 7, paragraphe 1, de la directive cadre énonce que, dans l’accomplissement des tâches qui leur sont assignées en vertu du cadre réglementaire communautaire, les ARN tiennent «le plus grand compte» des objectifs énoncés à l’article 8.

8. L’article 8, paragraphe 1, de la directive cadre dispose que les États membres «veillent» à ce que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables et proportionnées visant à la réalisation de ces objectifs.

9. L’article 8, paragraphe 2, de la directive cadre énumère ensuite une première série d’objectifs liés à la sauvegarde de la concurrence:

«Les [ARN] promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment:

a) en veillant à ce que les utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité;

b) en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques;

c) en encourageant des investissements efficaces en matière d’infrastructures, et en soutenant l’innovation, et

d) en encourageant l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation.»

10. Les dispositions de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la directive cadre prévoient deux autres séries d’objectifs, visant respectivement à promouvoir davantage le développement du marché intérieur et à protéger les intérêts des citoyens de l’Union européenne.

11. L’article 8, paragraphe 4, de la directive accès et l’article 17, paragraphe 2, de la directive service universel renvoient aux objectifs de la directive cadre. Ces objectifs justifient les obligations, visées par ces dispositions, qui peuvent être imposées aux entreprises disposant d’une puissance significative sur un marché (8).

12. L’article 15, paragraphe 2, de la directive cadre demande à la Commission de publier des lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché (ci‑après les «lignes directrices») (9) «qui sont conformes aux principes du droit de la concurrence».

13. Le vingt‑septième considérant de la directive cadre pose que les lignes directrices doivent se prononcer sur l’application des obligations réglementaires aux nouveaux marchés:

«[Les] lignes directrices aborderont également la question des nouveaux marchés émergents dans lesquels, de facto, l’entreprise qui domine le marché risque d’avoir une part de marché considérable mais ne doit pas pour autant être soumise à des obligations non justifiées.»

14. Le point 32 des lignes directrices aborde cette question des nouveaux marchés en reprenant le vingt‑septième considérant de la directive cadre en ajoutant la motivation suivante:

«En effet, l’imposition prématurée d’une réglementation ex ante peut altérer les facteurs de concurrence en germe sur un marché nouveau et émergent. Il convient parallèlement d’empêcher que les entreprises dominantes ne barrent l’accès à ces marchés émergents. Sans remettre en cause le bien-fondé de l’intervention des autorités de la concurrence dans des cas particuliers, les ARN doivent veiller à ce que toute forme d’intervention ex ante précoce sur un marché émergent soit totalement justifiée, d’autant qu’elles conservent la possibilité d’intervenir à un stade ultérieur, dans le contexte du réexamen périodique des marchés pertinents.»

15. L’article 15, paragraphe 1, de la directive cadre demande également à la Commission d’adopter une recommandation, qui recense «en accord avec les principes du droit de la concurrence» les marchés dont les caractéristiques peuvent justifier l’imposition d’obligations réglementaires fixées dans la directive accès et dans la directive service universel (ci‑après la «recommandation») (10).

16. Le quinzième considérant de la recommandation indique, sur la question de l’application d’obligations réglementaires aux nouveaux marchés, que:

«les marchés nouveaux et émergents, sur lesquels des entreprises peuvent être puissantes grâce aux “avantages du précurseur”, ne devraient pas être soumis en principe à une réglementation ex ante.»

B – Le régime de transparence, le système de coopération, la définition des marchés et l’analyse des marchés

17. L’article 6 de la directive cadre institue un régime de transparence envers les parties intéressées. De règle générale, les ARN doivent leur donner l’occasion de présenter leurs observations sur tout projet de mesures, publier les procédures de consultation nationales que les ARN organisent et en rendre publics les résultats.

18. L’article 7, paragraphe 2, de la directive cadre instaure un système de coopération entre les ARN et avec la Commission afin de veiller à «l’application cohérente» du cadre réglementaire.

19. L’article 7, paragraphes 3 et 5, de la directive cadre précise la forme de cette coopération. Dans les cas où une ARN a l’intention de prendre une mesure qui relève notamment des articles 15 ou 16 de cette même directive et qui aurait des incidences sur les échanges entre les États membres, elle doit en informer les autres ARN et la Commission. Le projet de mesure ainsi que les motifs sur lesquels elle est fondée doivent être mis à la disposition des autres ARN et de la Commission pour observations. L’ARN concernée doit tenir le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN et, si elle adopte le projet de mesure final, elle doit le communiquer à la Commission.

20. Les articles 15 et 16 de la directive cadre sont relatifs à la définition du marché et à l’analyse de marché soumis à coopération.

21. L’article 15, paragraphe 3, de la directive cadre régit la définition du marché par les ARN:

«Les [ARN] tiennent le plus grand compte de la recommandation et des lignes directrices pour la définition des marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence.»

22. L’article 16, paragraphes 1 et 2, de la directive cadre dispose que, après avoir défini les marchés pertinents, les ARN doivent les analyser en tenant le plus grand compte des lignes directrices (le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence). Lorsqu’une ARN est tenue de se prononcer sur l’imposition d’une obligation en vertu de la directive...

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