Inter-Environnement Wallonie ASBL v Région wallonne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:216
Docket NumberC-129/96
Celex Number61996CC0129
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date24 April 1997
EUR-Lex - 61996C0129 - FR 61996C0129

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 24 avril 1997. - Inter-Environnement Wallonie ASBL contre Région wallonne. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'Etat - Belgique. - Directive 91/156/CEE - Délai de transposition - Effets - Notion de déchet. - Affaire C-129/96.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-07411


Conclusions de l'avocat général

1 Dans la procédure au principal, l'ASBL Inter-Environnement Wallonie (ci-après «Inter-Environnement») demande au Conseil d'État de Belgique d'annuler, en tout ou en partie, l'arrêté sur les déchets toxiques ou dangereux adopté le 9 avril 1992 par l'exécutif régional wallon (ci-après l'«arrêté»). Dans son arrêt du 29 mars 1996, qui contient sa demande préjudicielle, le Conseil d'État a déjà statué sur cinq des six moyens présentés par Inter-Environnement et a annulé certaines dispositions de cet arrêté. Le moyen restant a amené le Conseil d'État à demander une décision préjudicielle sur deux questions de droit communautaire ayant trait, premièrement, à son pouvoir de contrôler la légalité d'une mesure nationale adoptée avant l'expiration du délai de transposition d'une directive et, deuxièmement, à la portée de la notion de déchet dans la législation communautaire relative aux déchets, en ce qui concerne, en particulier, les matières produites ou utilisées dans des processus industriels.

2 Le moyen invoqué par Inter-Environnement vise spécifiquement l'article 5, paragraphe 1, de la réglementation nationale, qui dispose:

«Sont soumises à autorisation l'implantation et l'exploitation d'une installation de regroupement, de prétraitement, d'élimination ou de valorisation de déchets toxiques ou dangereux, non intégrée dans un processus de production industrielle et traitant des déchets en provenance de tiers...».

3 Selon Inter-Environnement, cette disposition exclut, à tort, de l'exigence d'autorisation les déchets toxiques ou dangereux faisant partie intégrante d'un processus industriel. Le moyen est divisé en deux branches.

4 Premièrement, Inter-Environnement soutient que l'article 5, paragraphe 1, de l'arrêté est contraire à l'article 11 de la directive 75/442/CEE du Conseil, relative aux déchets (1), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE (dans la suite des présentes conclusions, toutes les mentions de la directive 75/442 visent le texte modifié de celle-ci) (2), et à l'article 3 de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets dangereux (3).

5 Dans son arrêt, le Conseil d'État conclut que l'article 5, paragraphe 1, de l'arrêté n'est pas conforme à ces dispositions. Les articles 9 et 10 de la directive 75/442 soumettent à des conditions d'autorisation les établissements et les entreprises qui effectuent des opérations d'élimination ou de valorisation de déchets visées par la directive. L'article 11 de la directive permet aux États membres de dispenser de l'exigence d'autorisation les établissements ou entreprises assurant eux-mêmes l'élimination de leurs propres déchets sur les lieux de production [article 11, paragraphe 1, sous a)] et les établissements ou entreprises qui valorisent des déchets [article 11, paragraphe 1, sous b)]. Toutefois, cette exemption ne peut s'appliquer que si certaines conditions sont réunies: les autorités compétentes doivent avoir adopté des règles générales dans certains domaines pour chaque type d'activité; en outre, les types ou les quantités de déchets et les méthodes d'élimination ou de valorisation doivent être de nature à assurer le respect des objectifs fondamentaux de la directive, inscrits à l'article 4, d'éviter que la santé de l'homme soit mise en danger et qu'il soit porté atteinte à l'environnement. Le Conseil d'État relève que ces conditions n'ont pas été transposées en droit belge. En outre, l'article 3, paragraphe 1, de la directive 91/689 dispose que le pouvoir d'exempter les établissements ou entreprises assurant l'élimination de leurs propres déchets, prévu à l'article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 75/442, ne s'applique pas aux déchets dangereux visés par cette directive.

6 Le Conseil d'État constate toutefois que l'arrêté litigieux a été adopté avant l'expiration, le 1er avril 1993, du délai de transposition de la directive 91/156; le moyen invoqué par la partie requérante paraît donc se heurter à la règle de droit administratif belge selon laquelle la légalité d'un acte s'apprécie au moment de son adoption.

7 Dans la seconde branche de son moyen, Inter-Environnement fait valoir que l'article 5, paragraphe 1, de l'arrêté est contraire à certaines dispositions du décret du conseil régional wallon du 5 juillet 1985 relatif aux déchets, et en particulier à son article 3, paragraphe 1. Cette disposition, telle que modifiée par le décret du 25 juillet 1991, définit les déchets comme suit:

«toutes substances ou tous objets qui relèvent des catégories figurant à l'annexe I dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire».

8 Cette disposition vise à mettre en oeuvre l'article 1er de la directive 75/442, telle que modifiée, dont les termes sont similaires. Le Conseil d'État estime que le moyen invoqué par Inter-Environnement soulève la question de savoir si une substance ou un objet qui fait partie, directement ou indirectement, d'un processus de production industrielle est un déchet au sens des dispositions communautaires et nationales.

9 En conséquence, le Conseil d'État de Belgique demande à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

«1) Les articles 5 et 189 du traité CEE s'opposent-t-ils à ce que les États membres prennent une disposition contraire à la directive 75/442/CEE, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE, du 18 mars 1991, pendant le délai de transposition de celle-ci?

Les mêmes dispositions du traité s'opposent-elles à ce que les États membres adoptent et mettent en vigueur une norme qui se présente comme une transposition de ladite directive et dont les dispositions apparaissent contraires aux prescriptions de cette directive?

2) Une substance visée à l'annexe I de la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991, modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets, qui est intégrée, directement ou indirectement, dans un processus de production industrielle, est-elle un déchet au sens de l'article 1er, sous a), de cette directive?»

10 Des observations écrites ont été présentées devant la Cour par Inter-Environnement, par les gouvernements belge, français, allemand, néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission. A l'exception des gouvernements belge et allemand, les parties qui viennent d'être mentionnées étaient également représentées à l'audience.

La première question

11 Avant d'examiner la première question de la juridiction nationale, il nous paraît utile d'exposer certains principes fondamentaux concernant les directives, qui découlent du traité et de la jurisprudence existante.

12 En vertu de l'article 189 du traité CE, la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. En vertu de l'article 191, tel que modifié avec effet au 1er novembre 1993 par le traité sur l'Union européenne, les directives adressées à tous les États membres entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication. Les autres directives prennent effet à la date de leur notification aux destinataires. Avant d'être modifié, l'article 191 du traité CEE prévoyait que toutes les directives prenaient effet à la date de leur notification à leurs destinataires.

13 Bien qu'entrant en vigueur ou prenant effet aux dates indiquées ci-dessus, les directives, qui, à la différence des règlements, ne sont pas directement applicables, accordent invariablement aux États membres un délai pour adopter les mesures législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer leur mise en oeuvre en droit interne.

14 Dans l'arrêt Ratti (4), la Cour a déclaré ce qui suit:

«... l'État membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive, ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement, par lui-même, des obligations qu'elle comporte;

...

... un État membre ne saurait appliquer sa loi interne - même si elle est assortie de sanctions pénales - non encore adaptée à une directive, après l'expiration du délai fixé pour sa mise en oeuvre, à une personne qui s'est conformée aux dispositions de ladite directive».

15 Dans cette même affaire, la Cour était également interrogée sur le point de savoir si une directive était immédiatement et directement applicable, eu égard aux obligations imposées aux États membres depuis la date de sa notification, dans un cas où un particulier s'était conformé aux dispositions de cette directive avant l'expiration du délai de transposition de celle-ci. La Cour a répondu que ce n'était qu'au terme de la période fixée et en cas de défaillance de l'État membre que la directive pouvait avoir des effets à l'égard des particuliers et que, jusqu'à cette date, les États membres conservaient leur liberté d'action (5).

16 En outre, dans les nombreux arrêts qu'elle a rendus à la suite de recours au titre de l'article 169 du traité pour non-transposition de directives, la Cour, en constatant que les États membres avaient manqué aux obligations qui leur incombaient en vertu du droit communautaire, a toujours défini le manquement comme le fait de ne pas avoir adopté les mesures de transposition nécessaires dans le délai imparti.

17 Dans les conclusions qu'il a présentées sous l'arrêt Teuling (6), l'avocat général M. Mancini a néanmoins indiqué que la liberté législative des États membres à la suite de l'adoption d'une directive était...

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