United States of America v Christine Nolan.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:160
Date22 March 2012
Celex Number62010CC0583
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Docket NumberC-583/10
62010CC0583

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 22 mars 2012 ( 1 )

Affaire C‑583/10

États-Unis d’Amérique

contre

Christine Nolan

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni)]

«Directive 98/59/CE — Recevabilité — Protection des travailleurs — Licenciements collectifs — Information et consultation des travailleurs — Fermeture d’une base militaire américaine — Champ d’application — Point de départ de l’obligation de consultation»

I – Introduction

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) sollicite des éclaircissements sur le point de départ de l’obligation de consultation des représentants des travailleurs dans le contexte d’un licenciement collectif envisagé par un employeur, en application de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant les États-Unis d’Amérique et Mme Nolan, une employée civile d’une base militaire américaine sise au Royaume-Uni, concernant l’obligation de procéder en temps utile à des consultations avec le personnel civil de cette base avant de procéder aux licenciements collectifs intervenus le 30 juin 2006, conformément à la Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act 1992, transposant la directive 98/59 au niveau national ( 3 ).

3.

Plus précisément, il ressort des informations communiquées par la juridiction de renvoi qu’une décision de fermer la base militaire à compter de la fin du mois de septembre 2006 avait été prise par le Secretary of the US Army, et approuvée par le Secretary of Defence, au plus tard le 13 mars 2006. Cette décision a été communiquée aux autorités militaires britanniques de manière informelle en avril 2006 et rendue publique par les médias le 21 avril 2006. Le 24 avril 2006, l’officier commandant la base a convié le personnel à une réunion destinée, d’une part, à expliquer la décision de fermer la base et, d’autre part, à présenter des excuses pour la façon dont la fermeture avait été annoncée au public.

4.

Le gouvernement du Royaume-Uni a été informé officiellement le 9 mai suivant que la base serait restituée au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord le 30 septembre 2006.

5.

En juin 2006, les autorités américaines ont remis aux représentants du personnel civil de la base militaire un mémoire indiquant que tous les membres de ce personnel, à savoir près de 200 employés, devraient être licenciés. Lors d’une réunion qui s’est tenue le 14 juin 2006, les autorités américaines ont informé les représentants du personnel qu’elles considéraient que la date du début des consultations était le 5 juin 2006.

6.

La décision formelle de résilier les contrats de travail a été prise au quartier général de l’armée américaine en Europe, sis à Mannheim (Allemagne). Des avis de licenciement ont été adressés le 30 juin 2006, indiquant les 29 et 30 septembre 2006 comme dates de la fin du lien d’emploi.

7.

C’est dans ces circonstances que Mme Nolan, une représentante des membres du personnel concernés, a entamé une procédure en responsabilité contre les États-Unis d’Amérique devant le Southampton Employment Tribunal, lequel a fait droit à la demande en constatant notamment que l’employeur avait négligé de consulter les représentants des travailleurs en temps utile, l’employeur ayant été en défaut d’expliquer pour quelles raisons ces consultations avaient été retardées jusqu’au 5 juin 2006 sans avoir pu être déclenchées avant la décision du 13 mars 2006, ou, en tout cas, soit à compter du 24 avril 2006, soit encore à compter de l’information officielle du 9 mai 2006. Cette juridiction a également accueilli une demande en réparation introduite par Mme Nolan.

8.

L’appel interjeté par les États-Unis d’Amérique devant l’Employment Appeal Tribunal a été rejeté.

9.

Ceux-ci ont alors saisi la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division).

10.

Considérant les arguments présentés par les États-Unis d’Amérique déjà invoqués devant l’Employment Appeal Tribunal, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a estimé que ceux-ci devraient être rejetés. Toutefois, également saisie d’un moyen portant sur la portée de l’arrêt de la Cour Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. ( 4 ) prononcé postérieurement à la décision de l’Employment Appeal Tribunal, la juridiction de renvoi a estimé que cet arrêt soulevait certaines interrogations quant à l’interprétation des dispositions de la directive 98/59, qu’il convenait de clarifier avant de rendre son jugement.

11.

C’est dans ces circonstances que la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’obligation pour l’employeur d’engager des consultations relatives à des licenciements collectifs en vertu de la directive 98/59 naît-elle i) lorsque l’employeur projette de prendre, mais n’a pas encore pris, une décision stratégique ou opérationnelle qui entraînera vraisemblablement ou inéluctablement des licenciements collectifs ou ii) seulement une fois qu’une telle décision a été effectivement prise et qu’il projette alors de procéder aux licenciements qui en sont la conséquence?»

12.

Des observations écrites ont été présentées par Mme Nolan, la Commission européenne et l’Autorité de surveillance AELE. Ces parties intéressées ont également été entendues lors de l’audience qui s’est déroulée le 18 janvier 2012.

II – Analyse

A – Sur l’applicabilité de la directive 98/59 et la compétence de la Cour pour répondre à la question posée

13.

Bien que la Commission ait proposé de répondre à la question posée, elle a néanmoins préalablement exprimé des doutes, voire des réserves, quant à l’applicabilité de la directive 98/59 dans le cas de licenciements collectifs prononcés dans un établissement militaire, qui plus est lorsqu’un tel établissement, même s’il est situé sur le territoire d’un État membre, relève de l’autorité d’un État tiers. Dans ses observations écrites, cette partie intéressée a fondé ses interrogations sur l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 98/59 qui exclut du champ d’application de cette dernière les travailleurs des administrations publiques ou des établissements de droit public (ou, dans les États membres qui ne connaissent pas cette notion, des entités équivalentes), dont elle estime qu’il pourrait s’étendre à des établissements militaires. En réponse à une question écrite posée par la Cour ainsi qu’à l’audience, la Commission a fait valoir que, en tout état de cause, appliquer la directive 98/59 dans une situation telle que celle de l’affaire au principal serait privé d’effet pratique puisque les raisons ayant conduit un État tiers à décider de fermer un établissement militaire relèveraient de l’exercice du jus imperii. Ces raisons ne pourraient, dès lors, faire l’objet des consultations préalables des représentants des travailleurs. Dans leur réponse à la même question écrite, les États-Unis d’Amérique partagent, en substance, cette opinion.

14.

Ces remarques ne sont pas dépourvues de tout fondement et je comprends parfaitement, en particulier, l’intérêt juridique, de nature générale, à saisir la portée exacte de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 98/59, disposition que la Cour n’a, jusqu’à présent, pas eu l’occasion d’interpréter.

15.

Pour autant, entrer dans ce débat ne me paraît aucunement nécessaire, ni même opportun, pour constater la compétence de la Cour pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi au regard de l’ensemble des circonstances de la présente affaire.

16.

À cet égard, il importe de rappeler que la directive 98/59 ne procède qu’à une harmonisation partielle des règles de protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs ( 5 ), son article 5 indiquant explicitement qu’elle ne porte aucunement atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs.

17.

Les États membres conservent par conséquent la latitude d’appliquer les règles nationales de protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs à des situations qui ne relèvent pas stricto sensu des dispositions de la directive 98/59. Ainsi, en application de l’article 5 de la directive 98/59, un État membre pourrait parfaitement étendre le champ d’application de la protection accordée aux travailleurs en cas de licenciements collectifs à ceux employés par des administrations publiques ou des établissements de droit public, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 98/59.

18.

Telle semble d’ailleurs avoir été la démarche suivie par le législateur du Royaume-Uni dans le cadre de la transposition de la directive 98/59, ainsi que l’Employment Appeal Tribunal et la juridiction de renvoi l’ont mis en exergue dans leurs décisions respectives.

19.

En effet, d’une part, il ressort de la motivation de la décision de la première des juridictions susmentionnées, en particulier les points 71 et 84, tels que reproduits par Mme Nolan et par l’Autorité de surveillance AELE dans leurs réponses respectives à la question écrite posée par la Cour, que le Royaume-Uni a choisi, en application de l’article 5 de la directive 98/59, de ne pas exclure du champ d’application de cette...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
  • Valerie Lyttle and Others v Bluebird UK Bidco 2 Limited.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 Febrero 2015
    ...must lead to an improvement in the living and working conditions of workers in the European Community…’. See also the judgment in Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638, paragraphs 37 to ( 32 ) Such as the EN, ES, FR, IT and NL versions. ( 33 ) Such as the DA, DE, FI, HR, HU and SV versions. ( 34 )......
  • Giuseppa Romeo v Regione Siciliana.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 Noviembre 2013
    ...C-175/08, C-176/08, C-178/08 y C-179/08, Rec. p. I-1493, apartado 48; Cicala, antes citada, apartado 17, y de 18 de octubre de 2012, Nolan, C‑583/10, apartado 22 En efecto, existe un interés manifiesto de la Unión en que, con el fin de evitar futuras divergencias de interpretación, las disp......
2 cases
  • Valerie Lyttle and Others v Bluebird UK Bidco 2 Limited.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 Febrero 2015
    ...must lead to an improvement in the living and working conditions of workers in the European Community…’. See also the judgment in Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638, paragraphs 37 to ( 32 ) Such as the EN, ES, FR, IT and NL versions. ( 33 ) Such as the DA, DE, FI, HR, HU and SV versions. ( 34 )......
  • Giuseppa Romeo v Regione Siciliana.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 Noviembre 2013
    ...C-175/08, C-176/08, C-178/08 y C-179/08, Rec. p. I-1493, apartado 48; Cicala, antes citada, apartado 17, y de 18 de octubre de 2012, Nolan, C‑583/10, apartado 22 En efecto, existe un interés manifiesto de la Unión en que, con el fin de evitar futuras divergencias de interpretación, las disp......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT