O. Tümer v Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:1997
Docket NumberC-311/13
Celex Number62013CC0311
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 June 2014
62013CC0311

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 12 juin 2014 ( 1 )

Affaire C‑311/13

O. Tümer

contre

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen

[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas)]

«Renvoi préjudiciel — Directive 80/987/CEEDirective 2002/74/CE — Protection des salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur — Travailleur salarié ressortissant d’un État tiers non titulaire d’un permis de séjour valable — Droit à la garantie des créances salariales»

1.

Un travailleur salarié ressortissant d’un État tiers peut-il être exclu du droit d’obtenir, en cas d’insolvabilité de son employeur, la garantie de ses créances salariales impayées, motif pris de ce qu’il séjourne irrégulièrement sur le territoire de l’État membre concerné?

2.

Telle est, en substance, la question posée par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas) à la suite du rejet par le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (conseil d’administration de l’Institut de gestion des assurances pour les salariés) ( 2 ) de la demande d’indemnité d’insolvabilité présentée par M. Tümer.

3.

Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour de répondre par la négative à cette question, qui a trait à l’interprétation de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur ( 3 ), telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 ( 4 ).

4.

En ce sens, nous soutiendrons, d’abord, qu’il ne ressort pas de la base juridique de la directive 2002/74 que les ressortissants d’États tiers seraient exclus du champ d’application de la directive 80/987.

5.

Nous expliquerons, ensuite, qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne le droit pour un ressortissant d’un État tiers, ayant la qualité de travailleur salarié d’après le droit civil national, de percevoir une indemnité d’insolvabilité à une condition de régularité de séjour porte atteinte à l’économie générale de la directive 80/987 ainsi qu’à son effet utile et méconnaît le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, apprécié à la lumière des objectifs de cette directive.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

6.

En vertu de son article 1er, paragraphe 1, la directive 80/987 s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

7.

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 80/987 autorise les États membres, à titre exceptionnel, à exclure de son champ d’application les créances de certaines catégories de travailleurs salariés, en raison de l’existence d’autres formes de garantie, s’il est établi que celles-ci assurent aux intéressés une protection équivalente.

8.

L’article 2, paragraphes 2 et 3, de la directive 80/987 dispose que cette directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes «travailleur salarié», «employeur», «rémunération», «droit acquis» et «droit en cours d’acquisition», sans que les États membres puissent, toutefois, exclure de son champ d’application les travailleurs à temps partiel, ceux ayant un contrat à durée déterminée ou ceux ayant une relation de travail intérimaire ni soumettre le droit à garantie des travailleurs à une durée minimale du contrat de travail ou de la relation de travail.

9.

En vertu de l’article 3, premier alinéa, de la directive 80/987, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4 de cette directive, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail. Les créances prises en charge par l’institution de garantie sont, aux termes de l’article 3, second alinéa, de ladite directive, les rémunérations impayées correspondant à une période se situant avant et/ou, le cas échéant, après une date déterminée par les États membres.

10.

Par voie d’exception, l’article 4 de la directive 80/987 reconnaît aux États membres la faculté de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie visée à l’article 3 de celle-ci en fixant la durée de la période donnant lieu au paiement, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive, ou en assignant un plafond à un tel paiement, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de la même directive.

11.

La directive 80/987 a été abrogée et codifiée par la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur ( 5 ), qui est entrée en vigueur le 17 novembre 2008.

B – La législation néerlandaise

12.

La loi sur le chômage (Werkloosheidswet) ( 6 ) pose, à son article 61, le principe selon lequel un travailleur salarié a droit à une indemnité d’insolvabilité s’il peut faire valoir contre l’employeur qui est déclaré en faillite une créance en ce qui concerne les rémunérations, le pécule de vacances ou l’allocation de vacances ou s’il est susceptible de subir un préjudice financier du fait que ledit employeur n’a pas payé des montants dont il est redevable à des tiers en raison de sa relation de travail avec le travailleur salarié.

13.

La WW définit, à son article 3, paragraphe 1, le travailleur salarié comme «la personne physique n’ayant pas atteint l’âge de 65 ans qui est employée sur la base d’une relation de droit privé ou de droit public».

14.

Toutefois, l’article 3, paragraphe 3, de la WW précise que, par dérogation au paragraphe 1 de cet article, n’est pas considéré comme un travailleur salarié un ressortissant d’un État tiers qui ne réside pas légalement aux Pays-Bas.

15.

En application de l’article 8, sous a) à e) et l), de la loi relative aux étrangers (Vreemdelingenwet), du 23 novembre 2000 ( 7 ), un étranger réside légalement aux Pays-Bas s’il est titulaire d’une autorisation de séjour pour une durée déterminée ou indéterminée ou si, en tant que ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, il réside sur la base d’un régime établi en vertu du traité instituant la Communauté européenne ou de l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 ( 8 ) ou encore s’il tire son droit de séjour de la décision no 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association ( 9 ), institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ( 10 ).

II – Les faits à l’origine du litige au principal et la question préjudicielle

16.

M. Tümer est un ressortissant turc qui réside aux Pays-Bas depuis l’année 1988.

17.

Au cours de la période allant du 18 août 1988 au 31 mars 1995, il a bénéficié d’une autorisation de séjour pour une durée déterminée délivrée sous la réserve de résider avec son épouse. Il a divorcé en 1996.

18.

M. Tümer ayant, le 14 octobre 2005, introduit une demande d’autorisation de séjour pour une durée indéterminée, cette demande a été rejetée par le secrétaire d’État à la Justice. La réclamation introduite contre cette décision a été déclarée non fondée par décision du 16 avril 2007, contre laquelle M. Tümer a formé un recours qui a été rejeté le 28 août 2008 par la Vreemdelingenkamer (chambre des étrangers) du Rechtbank’s-Gravenhage. Cette dernière décision n’a pas fait l’objet d’un recours. Depuis le 25 avril 2007, M. Tümer n’est plus titulaire d’un titre de séjour.

19.

Depuis l’année 1997, M. Tümer a travaillé par intermittence aux Pays-Bas. Le 3 janvier 2005, il a été embauché par Halfmoon Cosmetics BV, qui a versé pour son compte des cotisations au titre de la WW en 2007. À partir du mois d’août 2007, Halfmoon Cosmetics BV n’a plus payé qu’une partie du salaire et elle a été déclarée en faillite le 22 janvier 2008. Le 26 janvier 2008, le requérant au principal a été licencié.

20.

M. Tümer ayant introduit une demande d’indemnité en raison de l’insolvabilité de Halfmoon Cosmetics BV sur le fondement de la WW, cette demande a été rejetée par une décision du 8 février 2008, contre laquelle M. Tümer a formé un recours qui a été déclaré non fondé par décision rendue le 10 juin 2008 par l’UWV, au motif que le requérant au principal, qui ne résidait pas légalement aux Pays-Bas, n’était pas un travailleur salarié au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la WW. Le 18 décembre 2009, le Rechtbank’s-Hertogenbosch a rejeté, pour le même motif, le recours que M. Tümer avait formé contre la décision du 10 juin 2008.

21.

Saisi de l’appel contre cette décision, le Centrale Raad van Beroep, qui estime que, si l’exclusion des ressortissants d’États tiers qui ne disposent de titre de séjour devait être considérée comme une limitation de l’obligation de paiement des institutions de garantie, cette exclusion ne serait pas compatible avec le droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Eu égard également à l’article 137, paragraphe 2, [CE] (actuellement l’article 153, paragraphe 2, TFUE) qui en constitue la base juridique, convient-il d’interpréter la directive [2008/94] et, en...

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