Trasporti Castelletti Spedizioni Internazionali SpA v Hugo Trumpy SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:423
Date22 September 1998
Celex Number61997CC0159
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-159/97
EUR-Lex - 61997C0159 - FR 61997C0159

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 22 septembre 1998. - Trasporti Castelletti Spedizioni Internazionali SpA contre Hugo Trumpy SpA. - Demande de décision préjudicielle: Corte suprema di cassazione - Italie. - Convention de Bruxelles - Article 17 - Convention attributive de juridiction - Forme admise par les usages du commerce international. - Affaire C-159/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-01597


Conclusions de l'avocat général

1 Par les quatorze questions dont elle vous saisit (1), la Corte suprema di cassazione vous invite à préciser les conditions d'application de l'article 17 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention d'adhésion de 1978 (2) (ou ci-après la «convention»), en ce qu'il se réfère aux usages dans le commerce international, aux fins d'apprécier la validité d'une clause attributive de juridiction figurant au verso d'un connaissement (3) dont seul le recto est signé.

Cadre juridique

2 Dans le cadre du système unifié de détermination des compétences judiciaires auquel tend le titre II de la convention, l'article 17 prévoit un chef de compétence exclusif, dérogatoire tant à celui, de principe, institué à l'article 2, du tribunal de l'État contractant sur le territoire duquel le défendeur est domicilié, qu'aux compétences spéciales des articles 5 et 6. Vous considérez à cet égard, de façon constante, que «les dispositions de l'article 17 de la convention, du fait qu'elles excluent tant la compétence déterminée par le principe général du for du défendeur consacré par l'article 2 que les compétences spéciales des articles 5 et 6, sont d'interprétation stricte quant aux conditions y fixées» (4).

3 Partie de la section 6 relative à la «Prorogation de compétence», qui consacre également, au titre de l'article 18, la compétence de la juridiction devant laquelle le défendeur comparaît, l'article 17 permet que, par une manifestation de leur seule volonté, les parties, dont l'une au moins est domiciliée sur le territoire d'un État contractant, attribuent compétence à une juridiction d'un État contractant normalement incompétente.

4 L'article 17 litigieux «est probablement l'article de la convention qui a été le plus transformé à l'occasion des adhésions successives des nouveaux États» (5). Il n'est dès lors pas inutile de rappeler brièvement l'évolution suivie par ce texte.

5 Dans sa version initiale, cette disposition était ainsi rédigée:

«Si, par une convention écrite ou par une convention verbale confirmée par écrit, les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État contractant ont désigné un tribunal ou les tribunaux d'un État contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État sont seuls compétents».

6 Par l'adoption de la convention d'adhésion de 1978, les parties contractantes ont, en particulier, convenu que les conventions attributives de for peuvent être conclues en une troisième forme: à côté de la référence à une convention écrite ou à une convention orale confirmée par écrit, est ajoutée celle aux usages du commerce international. Cette version, qui fait l'objet du présent renvoi, se lit comme suit:

«Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État sont seuls compétents. Cette convention attributive de juridiction doit être conclue soit par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite, soit, dans le commerce international, en une forme admise par les usages dans ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître. Lorsqu'une telle convention est conclue par des parties dont aucune n'a son domicile sur le territoire d'un État contractant, les tribunaux des autres États contractants ne peuvent connaître du différend tant que le tribunal ou les tribunaux désignés n'ont pas décliné leur compétence» (6).

7 Mentionnons enfin l'ultime rédaction de l'article 17, résultant de la convention de San Sebastián du 26 mai 1989 (7), qui éclaire la nature de l'usage auquel la forme de la clause doit être conforme et consacre, notamment, une quatrième forme susceptible d'être adoptée par les parties, afin de tenir compte des «habitudes» qu'elles ont pu établir entre elles:

«Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État sont seuls compétents. Cette convention attributive de juridiction est conclue:

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, soit

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, soit,

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

...» (8).

Cadre factuel

8 Les questions dont vous êtes saisis trouvent leur origine dans les faits suivants.

9 Des lots de fruits avaient été embarqués par différents chargeurs argentins, sur la base de 22 connaissements émis à Buenos Aires le 14 mars 1987, à bord d'un navire exploité par l'armateur Lauritzen Reefers A/S, dont le siège social est à Copenhague, afin d'être transportés à Savone (Italie), où ils devaient être livrés à la société Trasporti Castelletti Spedizioni Internazionali SpA (ci-après «Castelletti» ou la «demanderesse au principal»).

10 A la suite de difficultés survenues lors du déchargement des marchandises, Castelletti a assigné devant le Tribunale di Genova l'agent consignataire du navire et du transporteur danois (9), la SpA Hugo Trumpy (ou ci-après la «défenderesse au principal»), dont le siège social est à Gênes (Italie), en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.

11 La défenderesse au principal a immédiatement excipé de l'incompétence de la juridiction italienne saisie, en se prévalant de l'article 17 de la convention de Bruxelles, dans sa rédaction résultant de la convention d'adhésion de Luxembourg de 1978 et de la clause n_ 37 des connaissements, donnant compétence à la High Court of Justice, London.

12 Cette clause, rédigée, comme l'ensemble du connaissement dans lequel elle s'insère, en anglais et en caractères réduits, mais lisibles, constitue la dernière mention figurant au verso du document imprimé. Elle se lit en ces termes: «The contract evidenced by this Bill of Lading shall be governed by English Law and any disputes thereunder shall be determined in England by the High Court of Justice in London according to English Law to the exclusion of the Courts of any other country» (10).

Au recto du connaissement figurent, entre autres, un encadré destiné à être complété par des mentions relatives aux caractéristiques des marchandises chargées, ainsi qu'une mention, rédigée en majuscules, en caractères gras et plus larges que ceux utilisés dans les clauses, renvoyant aux conditions inscrites au verso: «Continued on reverse side» (11). Sous cette indication sont apposés la date et le lieu d'émission du connaissement, ainsi que la signature du transporteur; celle du chargeur initial, figurant juste en dessous des mentions relatives aux caractéristiques des marchandises chargées, est apposée à côté de la mention «above particulars declared by shipper» (12).

13 Le Tribunale a accueilli favorablement l'exception d'incompétence ainsi soulevée, en considérant valable la clause litigieuse, bien que contenue dans un formulaire non signé par le chargeur, eu égard aux usages du commerce international. Par arrêt du 7 décembre 1994, la Corte d'appello di Genova a confirmé le premier jugement, mais en opérant une substitution de motifs. Elle a en effet jugé que la signature au recto du connaissement par le chargeur initial emportait acceptation de toutes les clauses, y compris celles figurant au verso, par Castelletti.

14 Cette dernière s'est alors pourvue en cassation, en invoquant une violation de l'article 17 de la convention et, en particulier, de la condition tenant au consentement des parties, dès lors que la signature du chargeur initial n'avait pu emporter acceptation par celui-ci de toutes les clauses, mais des seules qui la précédaient, relatives aux caractéristiques des marchandises transportées.

15 La Cour suprême juge que: «la thèse de la requérante mérite d'être accueillie» (13). Tout en estimant applicable la convention dans sa version modifiée en 1978, elle considère qu'un doute subsiste néanmoins sur l'interprétation correcte du (nouveau) texte de l'article 17, qui impose qu'une convention attributive de juridiction soit conclue «dans le commerce international, en une forme admise par les usages dans ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître», dès lors qu'il est exclu selon elle que la convention ait été conclue par écrit, ou même verbalement avec confirmation écrite.

16 Elle a dès lors sursis à statuer et soumis à votre Cour quatorze questions, reproduites en annexe, qui peuvent être regroupées en différents points, que nous examinerons successivement.

Remarques préalables

17 L'extrême détail des questions qui vous sont posées laisse quelque peu perplexe de prime abord.

18 La juridiction italienne semble en effet vous inviter à revoir toute votre...

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