Roda Golf & Beach Resort SL.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:134
Docket NumberC-14/08
Celex Number62008CC0014
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 March 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER


présentées le 5 mars 2009(1)

Affaire C-14/08

Roda Golf & Beach Resort SL


[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n° 5 de San Javier (Espagne)]

«Demande préjudicielle au titre de l’article 68 CE – Recevabilité – Juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours – Notion de litige – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) n° 1348/2000 – Signification et notification d’actes – Notion d’acte extrajudiciaire»





I – Introduction

1. Le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n° 5 de San Javier (Espagne) a saisi la Cour de deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation du règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (2). La juridiction nationale s’interroge sur la définition communautaire de la notion d’«acte extrajudiciaire» contenue dans ce règlement. Ces doutes sont apparus à l’occasion de la remise d’un ensemble de lettres privées aux Juzgados de San Javier par le truchement d’un notaire, en vue de leur notification au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

2. La Cour se voit ainsi offrir l’occasion de clarifier un certain nombre de problèmes juridiques importants. En premier lieu, le litige porte sur la recevabilité, dans la mesure où la juge de renvoi affirme statuer en dernière instance, au sens de l’article 68 CE. La Commission des Communautés européennes ne partage pas ce point de vue, de sorte que la Cour devra se prononcer pour la première fois sur l’application de la jurisprudence Lyckeskog (3) à cette disposition. En deuxième lieu, s’il était confirmé que la juridiction de renvoi statue en dernière instance, il resterait à clarifier si la question préjudicielle est recevable. Dans la mesure où il s’agit de la notification d’actes extrajudiciaires en dehors de tout procès, il n’est pas évident qu’il y ait un véritable litige. Par conséquent, il conviendra d’analyser la jurisprudence Job Centre (4), en l’adaptant aux circonstances de la présente affaire. En troisième lieu, la question de fond revêt un grand intérêt puisqu’elle permettra de statuer sur un des aspects les plus ambigus du règlement n° 1348/2000, à savoir la notion d’«acte extrajudiciaire».

II – Les faits

3. Le 23 octobre 2007, Roda Golf & Beach Resort SL (ci-après «Roda Golf»), une société ayant son siège à San Javier, a passé par devant notaire un acte de signification et de mise en demeure en vue de faire remettre seize lettres à des destinataires domiciliés au Royaume-Uni, par l’intermédiaire du greffe des Juzgados de Primera Instancia e Instrucción de San Javier, au titre du règlement n° 1348/2000.

4. Ces lettres informaient leurs destinataires de la résiliation du contrat de vente d’immeuble conclu avec chacun d’entre eux.

5. Le 2 novembre de la même année, le notaire s’est présenté devant le greffier du Juzgado susmentionné pour lui remettre le formulaire de notification de l’acte notarié et les originaux des seize lettres.

6. Par une mesure d’organisation adoptée le 29 novembre 2007, le greffier de la juridiction de renvoi a refusé de transmettre les lettres, au motif que le règlement n° 1348/2000 prévoirait la signification et la notification d’actes extrajudiciaires dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours uniquement; or, une telle procédure ferait défaut en l’espèce. Il a, par conséquent, estimé que le cas d’espèce n’entrait pas dans le champ d’application dudit règlement et qu’il ne pouvait faire droit à la demande de Roda Golf.

7. Le 13 décembre 2007, Roda Golf a saisi le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción n° 5 de San Javier d’un recours en rétractation au titre de l’article 224 du code de procédure civile (Ley de Enjuiciamiento Civil). Dans le cadre de cette procédure menée contre la mesure d’organisation prise par le greffier, la juge s’est posé des questions sur l’interprétation du règlement n° 1348/2000, qui est essentiel pour répondre à la demande de Roda Golf; elle a en conséquence sursis à statuer dans la procédure au principal et saisi la Cour d’une demande préjudicielle au titre des dispositions combinées de l’article 68 CE et de l’article 234 CE.

III – Le cadre juridique

A – Le cadre juridique communautaire

8. Le titre IV du traité CE habilite des institutions à mettre en œuvre des politiques liées à la libre circulation des personnes. Pour les besoins de la présente affaire préjudicielle, il convient de mentionner plus particulièrement les dispositions suivantes:

«Article 65

Les mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, qui doivent être prises conformément à l’article 67 et dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, visent entre autres à:

a) améliorer et simplifier:

– le système de signification et de notification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires;

[…].

Article 68

1. L’article 234 est applicable au présent titre dans les circonstances et conditions suivantes: lorsqu’une question sur l’interprétation du présent titre ou sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté sur la base du présent titre est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demande à la Cour de justice de statuer sur cette question.

[…]»

9. Le règlement n° 1348/2000 régit la signification et la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (5). Pour la présente affaire, les deuxième et sixième considérants dudit règlement présentent une utilité herméneutique dans la mesure où ils relèvent que «[l]e bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer et d’accélérer la transmission entre les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale» en vue de leur signification ou de leur notification. Cette exigence requiert que la transmission de ces actes soit «effectuée directement et par des moyens rapides entre les entités locales désignées par les États membres».

10. Malgré le fait que le règlement n° 1348/2000 se concentre sur les documents extrajudiciaires, il ne les définit pas et il ne les dote d’aucun régime spécifique pour leur signification et leur notification. Il ne leur consacre qu’une seule disposition, à savoir l’article 16:

«Les actes extrajudiciaires peuvent être transmis aux fins de signification ou de notification dans un autre État membre conformément aux dispositions du présent règlement».

11. En application de l’article 17, sous b), du règlement n° 1348/2000, la Commission a adopté le 25 septembre 2001 une décision établissant un manuel d’entités requises et un répertoire des actes susceptibles d’être notifiés ou signifiés (6), dont l’annexe II contient le répertoire d’actes, même si celui-ci est purement indicatif et non exhaustif. Dans la section relative à l’Espagne, il est mentionné que, «[q]uant aux actes extrajudiciaires, susceptibles d’être signifiés, il s’agit des documents non judiciaires émanant d’une autorité publique compétente pour procéder à des significations en vertu de la loi espagnole».

B – Le cadre juridique national

12. Le code de procédure civile (Ley 1/2000, de 7 de enero, de Enjuiciamiento Civil, ci‑après la «LEC») (7) établit dans ses articles 223 et 224 le régime applicable aux décisions émanant d’un greffier d’une juridiction de l’ordre civil.

«Article 223. Mesures d’organisation

1. Il incombe aux greffiers d’adopter les mesures d’organisation qui donneront à la procédure le cours établi par la loi.

2. Les mesures d’organisation incluent l’énoncé de leur objet, le nom du greffier qui en est l’auteur, la date et la signature du greffier.

Article 224. Révision des mesures d’organisation

1. Sont nulles de plein droit les mesures d’organisation réglant des questions que la loi impose de trancher par voie de mesure d’administration du procès, de décision avant dire droit ou de jugement.

2. En dehors des cas visés au paragraphe antérieur, les mesures d’organisation peuvent également être annulées à la demande de la partie qu’elles lèsent lorsqu’elles violent une disposition juridique ou règlent des questions qui, aux termes de la présente loi, doivent être tranchées par voie de mesure d’administration du procès prise par un juge.

3. Le recours visé au paragraphe antérieur est examiné et tranché suivant les modalités prévues pour le recours en rétractation».

13. Conformément aux termes exprès de l’article 224, paragraphe 3, de la LEC, la voie à suivre pour contester les mesures d’organisation est le recours en rétractation de la procédure civile. Cette voie est le moyen généralement appliqué pour contrôler la régularité des mesures d’administration du procès et des décisions avant dire droit; elle est régie par les articles 451 à 454 de la LEC:

«Article 451. Décision susceptible de recours. Absence d’effet suspensif

Les mesures d’administration du procès et les décisions avant dire droit non définitives prononcées par une juridiction civile peuvent faire l’objet d’un recours en rétractation devant la même juridiction; ce recours n’est pas suspensif.

Article 452. Délai, forme et irrecevabilité

Le recours en rétractation doit être introduit dans un délai de cinq jours; il énonce le vice qui, selon la partie requérante, entache la décision attaquée.

Si ces deux conditions ne sont pas remplies, le recours en rétractation est rejeté comme irrecevable par voie d’ordonnance d’administration du procès, qui n’est...

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