Secretary of State for the Home Department v Hacene Akrich.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:112
Docket NumberC-109/01
Celex Number62001CC0109
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date27 February 2003
EUR-Lex - 62001C0109 - FR 62001C0109

Conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 27 février 2003. - Secretary of State for the Home Department contre Hacene Akrich. - Demande de décision préjudicielle: Immigration Appeal Tribunal - Royaume-Uni. - Libre circulation des travailleurs - Ressortissant d'un pays tiers conjoint d'un ressortissant d'un État membre - Conjoint frappé d'une interdiction d'entrée et de séjour dans cet État membre - Établissement temporaire du couple dans un autre État membre - Établissement en vue de conférer au conjoint un droit d'entrée et de séjour dans le premier État membre en vertu du droit communautaire - Abus. - Affaire C-109/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-09607


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1. L'Immigration Appeal Tribunal (Royaume-Uni) a posé dans la présente affaire des questions relevant du domaine de la libre circulation des personnes. Les questions du juge de renvoi concernent plus particulièrement les droits que peut tirer de la législation communautaire une ressortissante d'un État membre qui est mariée à un ressortissant d'un pays tiers, qui quitte son pays d'origine et s'établit dans un autre État membre pour une période limitée et y travaille. Cette ressortissante communautaire peut-elle, lors de son retour dans l'État membre d'origine, invoquer le droit que la législation communautaire accorde aux travailleurs migrants, à savoir le droit pour son époux de s'établir avec elle dans l'État membre d'origine?

2. La présente affaire est le résultat de la concurrence de deux domaines de compétence différents. Le premier domaine de compétence concerne l'immigration. En l'état actuel du droit communautaire, la réglementation relative à l'immigration est une compétence des États membres. Le droit communautaire laisse les États membres libres d'arrêter leur législation à leur gré. En règle générale, les États membres n'accordent d'autorisation aux immigrants qu'après un examen individuel de leur situation. Ils peuvent dans ce cadre appliquer des critères stricts, ce qu'ils font d'ailleurs. L'article 63 CE accorde il est vrai la possibilité au législateur communautaire d'adopter au niveau communautaire des pans importants de la réglementation en matière d'immigration mais, à ce jour, il n'en a encore fait usage que de façon très limitée.

3. En pratique, la compétence des États membres est surtout importante en ce qui concerne le traitement des ressortissants de pays tiers. Les ressortissants des États membres sont en effet soustraits dans une large mesure aux règles nationales sur l'immigration en raison du droit que leur reconnaît la législation communautaire de séjourner dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Dans ce domaine, le traité CE accorde directement des droits aux ressortissants des États membres et le droit secondaire, ainsi que la jurisprudence de la Cour, ont entraîné une harmonisation quasi totale de leurs droits en termes de déplacement et de séjour. Comme nous l'exposerons ultérieurement de façon plus détaillée dans les présentes conclusions, la Cour donne une interprétation large des droits des citoyens de l'Union européenne dans le domaine de la libre circulation des personnes. Le droit de séjourner dans un autre État membre est considéré comme un droit fondamental et doit de ce fait être limité le moins possible. Ainsi, lors de leur retour dans leur propre État membre, les citoyens conservent certains droits tirés de la législation communautaire.

4. À l'instar des ressortissants des États membres qui s'établissent dans un autre État membre, les membres de leur famille bénéficient aussi du droit de séjour, même lorsqu'ils sont eux-mêmes ressortissants d'un pays tiers. En effet, le ressortissant d'un État membre ne tire pas seulement de la législation communautaire un droit de séjour individuel, mais il a aussi le droit de se faire accompagner de son conjoint (et des autres membres de sa famille). Le droit communautaire dérivé formule même le droit d'accompagnement du conjoint comme étant un droit propre de ce conjoint. Le conjoint d'un citoyen migrant de l'Union est ainsi soustrait lui aussi dans une large mesure aux exigences d'autorisation de la législation nationale en matière d'immigration. De plus, même si le citoyen migrant retourne dans son propre pays, le conjoint ressortissant d'un pays tiers peut continuer à profiter de la libre circulation des personnes dans l'Union européenne, d'après ce que semble indiquer l'arrêt Singh . Cet arrêt précise que le ressortissant d'un État membre qui a exercé une activité professionnelle en tant que travailleur dans un autre État membre conserve à son retour le droit de se faire accompagner de son conjoint, indépendamment de la nationalité de celui-ci.

5. La présente affaire s'inscrit dans ce contexte. M. Hacene Akrich, demandeur au principal, est ressortissant d'un pays tiers et son épouse est une ressortissante du Royaume-Uni. Compte tenu de son passé personnel, M. Akrich s'est vu refuser le droit d'entrer au Royaume-Uni en vertu de la compétence nationale en matière d'immigration. Étant donné que, par rapport à la législation britannique, le droit communautaire prévoit des conditions moins strictes pour l'obtention d'un titre de séjour pour M. Akrich, les intéressés ont par la suite invoqué le droit communautaire. Par ailleurs, comme l'indiquent les éléments de fait de la procédure au principal, ils ne se sont pas contentés d'invoquer le droit communautaire, mais ont séjourné durant une certaine période en Irlande pour faire en sorte d'être soumis au droit communautaire et non à la législation britannique nationale sur l'immigration.

6. Nous évoquons ces circonstances de fait de la procédure au principal à titre d'illustration des éléments suivants. En soi, il est logique du point de vue de la libre circulation des personnes que le conjoint d'un citoyen migrant de l'Union soit soustrait à la compétence nationale en matière d'immigration. Son droit fondé sur la législation communautaire vise surtout à prévenir les obstacles lorsqu'un citoyen de l'Union européenne exerce son droit de séjourner dans un autre État membre. On ne peut concevoir que le conjoint d'un ressortissant d'un État membre ne puisse pas aussi déménager, si ce ressortissant veut faire usage d'une liberté prévue par le traité et souhaite s'établir dans un autre État membre.

7. Cette logique s'applique néanmoins surtout pour les conjoints originaires de pays tiers qui ont déjà reçu une autorisation de pénétrer sur le territoire d'un État membre et qui se trouvent donc en toute légalité sur le territoire de l'Union européenne. Il est moins évident de reconnaître aussi un droit de séjour fondé sur le droit communautaire aux conjoints originaires de pays tiers qui n'ont pas encore reçu d'autorisation d'entrer ou qui - comme c'est le cas de M. Akrich - se trouvent sur le territoire de l'Union européenne sans être munis de titre de séjour. Le droit de séjour du conjoint est quelque peu différent de l'autorisation d'entrer sur le territoire de l'Union européenne. Le présent cas d'espèce le montre bien: en l'occurrence, l'autorisation d'entrer sur le territoire de l'Union européenne avait précédemment été refusée par un État membre en vertu d'une compétence appartenant à cet État membre.

8. Le droit européen est ainsi invoqué en l'espèce dans le cadre d'une question qui, pour l'essentiel, relève de la compétence nationale en matière d'immigration. En effet, le coeur de cette affaire ne réside pas dans le fait qu'une travailleuse communautaire souhaite se faire accompagner par son conjoint lorsqu'elle fait usage de la liberté que lui accorde le traité CE, mais dans le fait qu'un ressortissant d'un pays tiers souhaite obtenir le droit d'entrer dans un État membre, en l'occurrence le Royaume-Uni, en se fondant sur les droits qu'il tire de la législation communautaire en sa qualité de conjoint d'une citoyenne de l'Union européenne.

9. Les intéressés recourent dans la présente affaire aux larges possibilités que le droit communautaire offre en matière de libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne en se fondant notamment sur l'arrêt Singh, précité. Ils ont ainsi pour but d'échapper à la législation sur l'immigration que le Royaume-Uni est en droit d'arrêter en vertu de la compétence qui lui appartient.

10. Nous abordons de la sorte le dilemme auquel la Cour doit trouver une solution. L'abondante jurisprudence de la Cour, telle qu'elle ressort notamment de l'arrêt Singh, doit-elle avoir pour conséquence que l'application de la législation nationale sur l'immigration doit toujours être écartée dans le cas de conjoints extracommunautaires de ressortissants de l'Union européenne qui, lorsqu'ils pouvaient tirer des droits de la législation communautaire, ne se trouvaient pas encore en situation légale sur le territoire de l'Union européenne? Ce dilemme est d'autant plus difficile que, en matière de libre circulation des personnes, le droit communautaire ne contrôle ni la nature ni la durée du mariage alors que ce contrôle est un élément important de la législation nationale en matière d'immigration en vue de prévenir les mariages de complaisance.

II - Cadre juridique

A - Droit communautaire

11. L'article 39 CE dispose pour ce qui nous importe en l'espèce:

«1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté.

2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

[...]

c) de séjourner dans un des États membres afin d'exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Maria Teixeira v London Borough of Lambeth and Secretary of State for the Home Department.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 October 2009
    ...nota 49, apartado 75. 76 – En este sentido, las sentencias Lair, citada en la nota 74, apartado 43, y de 23 de septiembre de 2003, Akrich (C‑109/01, Rec. p. I‑9607), apartado 55; de forma similar, pero referida al Derecho tributario, las sentencias de 26 de septiembre de 2000, Comisión/Bélg......
1 cases
  • Maria Teixeira v London Borough of Lambeth and Secretary of State for the Home Department.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 October 2009
    ...nota 49, apartado 75. 76 – En este sentido, las sentencias Lair, citada en la nota 74, apartado 43, y de 23 de septiembre de 2003, Akrich (C‑109/01, Rec. p. I‑9607), apartado 55; de forma similar, pero referida al Derecho tributario, las sentencias de 26 de septiembre de 2000, Comisión/Bélg......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT