Maria Teixeira v London Borough of Lambeth and Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:642
Docket NumberC-480/08
Celex Number62008CC0480
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date20 October 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 20 octobre 2009 (1)

Affaire C‑480/08

Maria Teixeira

contre

London Borough of Lambeth

et

Secretary of State for the Home Department

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni)]

«Libre circulation des personnes – Droit de séjour – Conditions – Ancien travailleur migrant – Personne ne disposant pas de ressources suffisantes, ni d’une assurance sociale – Assistance sociale sous forme d’aide au logement – Personne ayant la garde effective d’un enfant résidant dans l’État membre d’accueil pour y suivre des études – Article 12 du règlement (CEE) nº 1612/68 – Directive 2004/38/CEE – Rapport entre ces deux textes»





I – Introduction

1. Une citoyenne de l’Union, sans activité professionnelle et qui ne dispose pas non plus de ressources personnelles suffisantes, peut-elle se prévaloir de sa qualité de personne en charge de sa fille pour revendiquer un droit de séjour dans l’État membre dans lequel sa fille réside à titre d’enfant d’un ancien travailleur migrant poursuivant des études?

2. C’est cette question que la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (2) a soumise à la Cour dans la présente affaire. Elle offre à la Cour l’occasion d’affiner sa jurisprudence relative à l’article 12 du règlement (CEE) n° 1212/68 (3) – en particulier l’arrêt Baumbast et R (4) – et de clarifier les rapports entre cette disposition et la nouvelle directive relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres adoptée en 2004 (directive 2004/38/CE (5)). Cette problématique revêt une importance que l’on ne saurait sous-estimer, non seulement pour de nombreux citoyens de l’Union qui ont quitté leur patrie et vivent dans d’autres États membres, mais également pour les États qui les accueillent.

3. Cette affaire présente un certain nombre de parallèles avec l’affaire Ibrahim (C‑310/08 (6)), actuellement pendante devant la Cour et qui a également été introduite par une demande de décision préjudicielle de la Court of Appeal. Dans les deux affaires, des personnes sans activité professionnelle et ne disposant pas de ressources personnelles suffisantes ont introduit en Angleterre une demande d’aide au logement. Toutes deux invoquent à l’appui de leur demande un droit de séjour au Royaume-Uni dont elles affirment être titulaires du fait qu’elles prennent soin de leurs enfants mineurs qui y suivent des études. À la différence de l’affaire Ibrahim, cependant, la demande de prestations sociales a été introduite dans l’affaire Teixeira non pas par une ressortissante d’un État tiers, mais par une citoyenne de l’Union, qui a elle-même exercé une activité professionnelle au Royaume-Uni dans le passé et y vit toujours.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. Le cadre juridique communautaire dans lequel s’inscrit la présente affaire est tracé par la directive 2004/38, d’une part, et le règlement n° 1612/68, d’autre part.

1. La directive 2004/38

5. La directive 2004/38 énonce en son chapitre I (articles 1er à 3) des dispositions générales, en son chapitre III (articles 6 à 15) des règles relatives au droit de séjour et en son chapitre IV (articles 16 à 21) des règles concernant le droit de séjour permanent.

6. Conformément à la définition énoncée à son article 2, point 2, sous c), on entend par «membre de la famille» au sens de la directive 2004/38

«les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt et un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b)».

7. L’article 7 de la directive 2004/38, qui est intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois», est libellé comme suit (extraits):

«1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a) s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b) s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

c) – s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

– s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour; ou

d) si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c).

3. Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non salarié dans les cas suivants:

a) s’il a été frappé par une incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident;

b) s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistr[er] en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent;

c) s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistr[er] en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois;

d) s’il entreprend une formation professionnelle. À moins que l’intéressé ne se trouve en situation de chômage involontaire, le maintien de la qualité de travailleur suppose qu’il existe une relation entre la formation et l’activité professionnelle antérieure.

4. […]»

8. L’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38 énonce la règle suivante en ce qui concerne le maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de décès ou départ du citoyen de l’Union:

«Le départ du citoyen de l’Union ou son décès n’entraîne pas la perte du droit de séjour de ses enfants ou du parent qui a effectivement la garde des enfants, quelle que soit leur nationalité, pour autant que ceux-ci résident dans l’État membre d’accueil et soient inscrits dans un établissement scolaire pour y suivre un enseignement, jusqu’à la fin de leurs études.»

9. Pour être complète, nous citerons également l’article 16 de la directive 2004/38, lequel fixe des règles générales concernant le droit de séjour permanent des citoyens de l’Union et des membres de leur famille:

«1. Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III.

2. […]

3. La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations miliaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers.

4. Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil.»

10. Ainsi qu’il ressort de son article 40, paragraphe 1, les États membres devaient transposer la directive 2004/38 avant le 30 avril 2006.

2. Le règlement n° 1612/68

11. Le règlement n° 1612/68 est l’un des textes précurseurs de la directive 2004/38. Il a été partiellement abrogé par elle (7).

12. L’article 10 du règlement n° 1612/68, lequel a été abrogé par la directive 2004/38, disposait comme suit jusqu’au 30 avril 2006:

«1. Ont le droit de s’installer avec le travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre, quelle que soit leur nationalité:

a) son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge;

b) les ascendants de ce travailleur et de son conjoint qui sont à sa charge.

2. Les États membres favorisent l’admission de tout membre de la famille qui ne bénéficie pas des dispositions du paragraphe 1 s’il se trouve à la charge ou vit, dans le pays de provenance, sous le toit du travailleur visé ci-dessus.

3. Pour l’application des paragraphes 1 et 2, le travailleur doit disposer d’un logement pour sa famille, considéré comme normal pour les travailleurs nationaux dans la région où il est employé, sans que cette disposition puisse entraîner de discriminations entre les travailleurs nationaux et les travailleurs en provenance d’autres États membres.»

13. L’article 12 du règlement n° 1612/68, qui n’a pas été abrogé à l’entrée en vigueur de la directive 2004/38, énonce les règles ci-après:

«Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été...

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