Deltafina SpA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:199
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑578/11
Date27 March 2014
Procedure TypeRecurso contra una sanción
Celex Number62011CC0578
62011CC0578

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 27 mars 2014 ( 1 )

Affaire C‑578/11 P

Deltafina SpA

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Concurrence — Immunité d’amendes et réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes — Obligation de coopération de l’entreprise dans le cadre de la clémence — Irrégularité de la procédure — Décision fondée sur l’audition de témoins en contravention avec le règlement de procédure du Tribunal — Violation des droits de la défense — Violation par le Tribunal du droit fondamental à un procès équitable dans un délai raisonnable»

1.

Par le présent pourvoi, la société Deltafina SpA (ci-après «Deltafina») attaque un arrêt du Tribunal ( 2 ) qui confirme une décision de la Commission européenne relative à des infractions aux règles de la concurrence dans le cadre d’une entente sur le marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut ( 3 ). Pendant la phase administrative de la procédure et dans le cadre du régime de clémence ( 4 ) qui était applicable à l’époque, la Commission avait accordé à Deltafina l’immunité d’amende conditionnelle pour la coopération à son enquête. Cependant, la Commission a ensuite retiré cette immunité dans la décision attaquée. Les principales questions soulevées par Deltafina dans la présente procédure portent sur la signification de l’obligation de coopération de l’entreprise dans le cadre du régime de clémence, sur le point de savoir si la procédure en première instance a été entachée d’irrégularités qui ont porté atteinte aux droits de défense de Deltafina et sur le grief selon lequel le Tribunal n’a pas statué dans un délai raisonnable.

Le cadre juridique

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH)

2.

En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (CEDH), toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

Les droits fondamentaux

3.

L’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 5 ) garantit le droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

4.

L’article 47 de la Charte est intitulé «Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial». Il énonce notamment: «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi […]». L’article 48 de la Charte garantit la présomption d’innocence et les droits de la défense ( 6 ).

5.

La Charte énonce que ses principes s’adressent aux institutions et organes dans le respect du principe de subsidiarité ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils doivent en respecter les droits, en observer les principes et en promouvoir l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union européenne telles qu’elles lui sont conférées dans les traités ( 7 ).

6.

Lorsque des droits garantis par la Charte correspondent à des droits garantis par la CEDH, leur interprétation doit être identique ( 8 ).

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

7.

L’article 101 TFUE (anciennement article 81 CE) interdit aux entreprises de participer à des accords, des décisions ou des pratiques concertées qui empêchent, restreignent ou faussent le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

Les amendes en droit de la concurrence

Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil

8.

En vertu de l’article 23 du règlement no 1/2003 ( 9 ), la Commission peut adopter une décision infligeant des amendes aux entreprises, notamment lorsqu’elles enfreignent l’article 101 TFUE de propos délibéré ou par négligence ( 10 ). Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci ( 11 ). En infligeant des amendes, il faut respecter les droits fondamentaux et les principes de la Charte; le règlement no 1/2003 doit être interprété et appliqué dans le respect de ces principes ( 12 ).

9.

L’article 31 du règlement no 1/2003 dispose: «La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée» ( 13 ).

Les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes

10.

Les lignes directrices de la Commission de 1998 étaient également applicables à l’affaire ratione temporis ( 14 ). En vertu de leur introduction, le montant de base de l’amende était déterminé par l’addition des sommes établies en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction. Ce montant pouvait ensuite être réduit lorsqu’il existait des circonstances atténuantes, telles que la coopération effective d’une entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération ( 15 ). Les lignes directrices de la Commission de 1998 reconnaissaient aussi que, dans certaines circonstances, une entreprise pouvait se voir accorder l’immunité d’amendes ( 16 ).

La communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes

11.

L’introduction de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ( 17 ) précisait qu’elle visait les infractions graves aux règles de la concurrence commises par les ententes, telles que la fixation des prix, de quotas de production ou de vente et la répartition des marchés. La Commission y relevait que certaines entreprises participant à ce type de pratiques illégales souhaitaient mettre fin à leur participation et l’informer de l’existence de ces ententes, mais qu’elles en étaient dissuadées par les amendes élevées qu’elles risquaient de se voir infliger. La Commission estimait qu’il était de l’intérêt de la Communauté (à l’époque) de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui coopéraient avec elle. Une contribution déterminante à l’ouverture d’une enquête ou à la découverte d’une infraction pouvait justifier l’octroi d’une immunité d’amendes à l’entreprise en question, sous réserve que certaines conditions supplémentaires soient réunies. De surcroît, la coopération d’une ou de plusieurs entreprises pouvait légitimer une réduction du montant de l’amende infligée par la Commission. Toute diminution de ce montant devait refléter la contribution effective de l’entreprise, tant en ce qui concerne sa qualité que sa date, à l’établissement, par la Commission, de la preuve de l’infraction. De telles réductions étaient limitées aux entreprises qui fournissaient à la Commission des éléments de preuve qui représentaient une valeur ajoutée significative par rapport à ceux qui étaient déjà en sa possession ( 18 ).

12.

La section A de la communication sur la coopération de 2002 était intitulée «Immunité d’amendes». Le point 8 prévoyait que la Commission exempterait une entreprise de toute amende qu’elle aurait, à défaut, dû acquitter lorsque, concernant une entente présumée affectant la Communauté, cette entreprise était la première à fournir des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission: a) étaient de nature à lui permettre d’adopter une décision ordonnant des vérifications; ou b) étaient de nature à lui permettre de constater une infraction à l’article 81 du traité CE. En vertu de la section B, les entreprises qui ne remplissaient pas les conditions prévues pour obtenir l’immunité pouvaient toutefois bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qui, à défaut, leur aurait été infligée ( 19 ).

13.

Outre ces conditions, le point 11 de la communication sur la coopération de 2002 prévoyait que les conditions cumulatives suivantes devraient être remplies pour qu’une entreprise ait droit à l’immunité d’amendes:

«a)

l’entreprise doit apporter à la Commission une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative et lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en sa possession ou dont elle dispose au sujet de l’infraction suspectée. Elle doit notamment se tenir à sa disposition pour répondre rapidement à toute demande qui pourrait contribuer à établir les faits en cause;

b)

l’entreprise met fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit les éléments de preuve visés au point 8 a) [ou] b), selon le cas;

c)

l’entreprise n’a pas pris de mesures pour contraindre d’autres entreprises à participer à l’infraction».

14.

La procédure de demande d’immunité d’amendes était exposée aux points 12 à 19 de la communication sur la coopération de 2002. Si, à la fin de la procédure administrative, l’entreprise remplissait les conditions établies au point 11, la Commission pouvait lui accorder l’immunité d’amendes dans sa décision finale. Si, à un stade quelconque de la procédure administrative, l’une ou l’autre des conditions énumérées aux titres A ou B, selon le cas, n’était pas remplie, l’entreprise concernée était susceptible de ne plus bénéficier d’un traitement favorable ( 20 ).

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