Ottica New Line di Accardi Vincenzo v Comune di Campobello di Mazara.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:41
Date30 January 2013
Celex Number62011CC0539
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-539/11
62011CC0539

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 30 janvier 2013 ( 1 )

Affaire C‑539/11

Ottica New Line di Accardi Vincenzo

contre

Comune di Campobello di Mazara

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di giustizia amministrativa per la Regione siciliana (Italie)]

«Activité d’opticien — Liberté d’établissement — Santé publique — Article 49 TFUE — Législation régionale subordonnant l’ouverture de nouveaux établissements d’optique à une autorisation — Limitations démographiques et géographiques — Justification — Aptitude à atteindre le but poursuivi — Proportionnalité»

1.

Par sa demande de décision préjudicielle, le Consiglio di giustizia amministrativa per la Regione siciliana (Italie) interroge la Cour, en substance, sur le point de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation régionale, telle celle en cause dans le litige au principal, qui subordonne l’installation de nouveaux établissements d’opticien à des critères tenant à la densité démographique et à la distance entre ces établissements.

2.

Les questions préjudicielles ont été posées dans le cadre d’un litige opposant Ottica New Line di Accardi Vincenzo (ci‑après «Ottica New Line») au comune di Campobello di Mazara au sujet d’une décision de ce dernier, par laquelle il a autorisé Fotottica Media Vision di Luppino Natale Fabrizio e C. Snc (ci‑après «Fotottica») à exercer à titre permanent l’activité d’opticien sur le territoire de cette commune.

3.

La présente affaire s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence concernant les mesures nationales qui subordonnent l’exercice de la liberté d’établissement, dans le cadre de professions présentant un lien avec la santé publique, à un régime d’autorisation constitutif d’une restriction ( 2 ). Il convient de rappeler que les spécificités de l’activité des opticiens ont d’ores et déjà été examinées par la jurisprudence, dont il ressort qu’elles se distinguent des services relevant pleinement de la protection de la santé publique ( 3 ). En l’espèce, il s’agira pour la Cour de préciser si, et le cas échéant, dans quelle mesure les principes établis dans l’arrêt Blanco Pérez et Chao Gómez ( 4 ), au sujet de l’établissement des officines de pharmacie, sont susceptibles de s’appliquer à des établissements d’optique.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Le considérant 22 de la directive 2006/123/CE ( 5 ) est ainsi rédigé:

«L’exclusion des soins de santé du champ d’application de la présente directive devrait couvrir les services de soins de santé et pharmaceutiques fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé lorsque ces activités sont réservées à une profession de santé réglementée dans l’État membre dans lequel les services sont fournis.»

5.

L’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services.»

6.

L’article 2, paragraphe 2, sous f), de la directive 2006/123 énonce:

«La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes:

[...]

f)

les services de soins de santé, qu’ils soient ou non assurés dans le cadre d’établissements de soins et indépendamment de la manière dont ils sont organisés et financés au niveau national ou de leur nature publique ou privée».

B – La réglementation nationale

7.

Aux termes de l’article 1er de la loi régionale sicilienne no 12, du 9 juillet 2004, portant réglementation de l’exercice de l’activité d’opticien et modification de la loi régionale no 28, du 22 février 1999 (ci‑après «la loi régionale no 12/2004»):

«1. Aux fins de la délivrance de l’autorisation d’exercer l’activité d’opticien par l’autorité municipale compétente, outre l’inscription au registre spécial visé à l’article 71 de la loi régionale no 25, du 1er septembre 1993, il est tenu compte du rapport entre le nombre de résidents et le nombre d’établissements d’optique, afin d’assurer une répartition rationnelle de l’offre sur le territoire. Ce rapport est fixé à un établissement d’optique par tranche de 8 000 résidents. La distance entre deux établissements ne doit pas être inférieure à 300 mètres. Les limites susvisées ne s’appliquent pas aux établissements qui déménagent d’un local loué à un local dont ils sont propriétaires, ou qui sont contraints de déménager parce qu’ils sont expulsés ou pour d’autres raisons de force majeure. Les autorisations délivrées avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi demeurent valables.

2. Lorsqu’il existe des exigences territoriales démontrées, l’autorité municipale compétente procède à la délivrance de l’autorisation concernée ou au transfert d’une autorisation existante par dérogation aux dispositions prévues au paragraphe 1, après avoir obtenu l’avis obligatoire de la commission provinciale auprès de la chambre de commerce visée à l’article 8 du règlement d’application de l’article 71 de la loi régionale no 25, du 1er septembre 1993, promulgué par le décret présidentiel no 64, du 1er juin 1995.

3. Dans les communes dans lesquelles la population résidente ne dépasse pas 8 000 habitants, l’autorité municipale compétente peut tout de même délivrer, sans l’avis de la commission visée au paragraphe 2, deux autorisations au plus. Les demandes instruites avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne sont pas affectées.»

II – Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

8.

Par décision du 18 décembre 2009, le comune di Campobello di Mazara a autorisé Fotottica à créer un établissement d’optique sur son territoire. Il ressort de la décision de renvoi que cette décision du 18 décembre 2009 a été délivrée en violation de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi régionale no 12/2004, puisque l’installation dudit établissement ne respectait pas les conditions tenant à la densité démographique et à la distance entre les établissements d’optique qui étaient prévues par ladite disposition.

9.

Ottica New Line a attaqué ladite décision du 18 décembre 2009 devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia. Par décision du 18 mars 2010, cette juridiction a rejeté son recours après avoir écarté l’application de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi régionale no 12/2004, estimant que celui‑ci était incompatible avec le droit de l’Union.

10.

Ottica New Line a interjeté appel de cette dernière décision devant la juridiction de renvoi, qui s’interroge sur la possibilité de transposer à l’installation des établissements d’optique les principes découlant de l’arrêt Blanco Pérez et Chao Gómez, précité. Selon la juridiction de renvoi, il est incontestable que la profession d’opticien, plus encore que celle de pharmacien, est soumise à des considérations commerciales. Pour autant, il ne saurait être tout à fait exclu que l’introduction et le maintien d’un régime particulier de répartition territoriale des établissements d’optique relèvent d’un intérêt sanitaire analogue.

11.

Dans ces conditions, le Consiglio di giustizia amministrativa per la Regione siciliana a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le droit de l’Union [...] en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services doit‑il être interprété en ce sens que relève d’une raison impérieuse d’intérêt général, liée à l’exigence de protéger la santé humaine, une réglementation interne – en l’espèce, l’article 1er de la loi no 12/2004 de la région autonome de Sicile – qui subordonne l’installation des établissements d’optique sur le territoire d’un État membre (en l’espèce, une partie dudit territoire) à des limites tenant à la densité démographique et à la distance entre les établissements, limites qui constitueraient in abstracto une violation des libertés fondamentales susmentionnées?

2)

En cas de réponse affirmative à la question précédente, conformément au droit de l’Union [...], les limites tenant à la densité démographique (un établissement pour 8 000 habitants) et à la distance (300 mètres entre deux établissements), fixées par la loi no 12/2004 de la région autonome de Sicile pour l’installation d’établissements d’optique sur le territoire régional, doivent‑elles être considérées comme adéquates pour atteindre l’objectif correspondant à la raison impérieuse d’intérêt général susvisée?

3)

En cas de réponse affirmative à la première question, conformément au droit de l’Union [...], les limites tenant à la densité démographique (un établissement pour 8 000 habitants) et à la distance (300 mètres entre deux établissements), fixées par la loi no 12/2004 de la région autonome de Sicile pour l’installation sur le territoire régional d’établissements d’optique, sont‑elles proportionnées, c’est‑à‑dire qu’elles ne sont pas excessives au regard de la réalisation de l’objectif correspondant à la raison impérieuse d’intérêt général susvisée?»

12.

La présente demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 21 octobre 2011. Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements tchèque, espagnol et néerlandais ainsi que par la Commission européenne.

III – Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

13.

À titre liminaire, j’observe que tous les éléments du litige en cause au principal sont circonscrits à l’intérieur d’un seul État membre, voire d’une...

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