Ottica New Line di Accardi Vincenzo v Comune di Campobello di Mazara.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:591
Date26 September 2013
Celex Number62011CJ0539
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑539/11
62011CJ0539

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

26 septembre 2013 ( *1 )

«Articles 49 TFUE et 56 TFUE — Liberté d’établissement — Santé publique — Opticiens — Législation régionale subordonnant l’établissement de nouveaux magasins d’optique à une autorisation — Limitations démographiques et géographiques — Justification — Aptitude à atteindre le but poursuivi — Cohérence — Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑539/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle introduite par le Consiglio di Giustizia Amministrativa per la Regione Siciliana (Italie), par décision du 13 juillet 2011, parvenue à la Cour le 21 octobre 2011, dans la procédure

Ottica New Line di Accardi Vincenzo

contre

Comune di Campobello di Mazara,

en présence de:

Fotottica Media Visione di Luppino Natale Fabrizio e C. s.n.c.

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur), U. Lõhmus, M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procedure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et T. Müller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. S. Martínez-Lage Sobredo, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. J. Langer, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. I. Rogalski et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 TFUE et 56 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ottica New Line di Accardi Vincenzo (ci-après «Ottica New Line») au Comune di Campobello di Mazara (Italie), au sujet de la décision de ce dernier d’autoriser Fotottica Media Visione di Luppino Natale Fabrizio e C. s.n.c. (ci-après «Fotottica») à exercer à titre permanent l’activité d’opticien sur le territoire de cette commune.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes du considérant 22 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36):

«L’exclusion des soins de santé du champ d’application de la présente directive devrait couvrir les services de soins de santé et pharmaceutiques fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé lorsque ces activités sont réservées à une profession de santé réglementée dans l’État membre dans lequel les services sont fournis.»

4

L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services.»

5

L’article 2, paragraphe 2, sous f), de ladite directive prévoit:

«La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes:

[...]

f)

les services de soins de santé, qu’ils soient ou non assurés dans le cadre d’établissements de soins et indépendamment de la manière dont ils sont organisés et financés au niveau national ou de leur nature publique ou privée».

6

Sous le chapitre III de la même directive, qui porte sur la liberté d’établissement des prestataires, figure l’article 15, paragraphe 2, de celle-ci, selon lequel les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect des limites quantitatives ou territoriales sous forme, notamment, de limites fixées en fonction de la population ou d’une distance géographique minimum entre prestataires. Selon le paragraphe 3 de cette disposition, les États membres vérifient que de telles exigences remplissent les conditions de non-discrimination, de la nécessité et de la proportionnalité.

Le droit italien

7

Aux termes de l’article 1er de la loi régionale no 12 «Réglementation de l’exercice de l’activité d’opticien et modification de la loi régionale no 28 du 22 février 1999» (legge regionale n. 12 «Disciplina dell’esercizio dell’attività di ottico e modifica alla legge regionale 22 febbraio 1999, n. 28»), du 9 juillet 2004 (Gazzetta ufficiale della Regione Siciliana no 30, du 16 juillet 2004, ci-après la «loi régionale no 12/2004»):

«1. Aux fins de la délivrance de l’autorisation d’exercer l’activité d’opticien par l’autorité municipale compétente, outre l’inscription au registre spécial visé à l’article 71 de la loi régionale no 25, du 1er septembre 1993, il est tenu compte du rapport entre le nombre de résidents et le nombre de magasins d’optique, afin d’assurer une répartition rationnelle de l’offre sur le territoire. Ce rapport est fixé à un magasin d’optique par tranche de 8000 résidents. La distance entre deux magasins ne doit pas être inférieure à 300 mètres. Les limites susvisées ne s’appliquent pas aux magasins qui déménagent d’un local loué à un local dont ils sont propriétaires, ou qui sont contraints de déménager parce qu’ils sont expulsés ou pour d’autres raisons de force majeure. Les autorisations délivrées avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi demeurent valables.

2. Lorsqu’il existe des exigences territoriales démontrées, l’autorité municipale compétente procède à la délivrance de l’autorisation concernée ou au transfert d’une autorisation existante par dérogation aux dispositions prévues au paragraphe 1, après avoir obtenu l’avis obligatoire de la commission provinciale auprès de la chambre de commerce visée à l’article 8 du règlement d’application de l’article 71 de la loi régionale no 25, du 1er septembre 1993, promulgué par le décret présidentiel no 64, du 1er juin 1995.

3. Dans les communes dans lesquelles la population résidente ne dépasse pas 8000 habitants, l’autorité municipale compétente peut tout de même délivrer, sans l’avis de la commission visée au paragraphe 2, deux autorisations au plus. Les demandes instruites avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne sont pas affectées.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Par décision du 18 décembre 2009, le comune di Campobello di Mazara a autorisé Fotottica à établir un magasin d’optique sur son territoire.

9

Il est constant que cette décision a été délivrée en méconnaissance de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi régionale no 12/2004, puisque l’installation dudit établissement ne respectait pas les limites tenant à la densité démographique et à la distance minimale devant être respectée entre les magasins d’optique, telles que fixées par cette disposition.

10

Ladite décision a été attaquée par Ottica New Line devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia. Par décision du 18 mars 2010, cette juridiction a rejeté son recours après avoir écarté l’application de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi régionale no 12/2004, estimant que cet article était incompatible avec le droit de l’Union.

11

Ottica New Line a interjeté appel de la décision du Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia devant la juridiction de renvoi. Cette dernière se demande s’il y a lieu d’appliquer aux demandes d’établissement de magasins d’optique les principes dégagés par la Cour dans son arrêt du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez (C-570/07 et C-571/07, Rec. p. I-4629). Dans cet arrêt, la Cour a en effet conclu que le droit de l’Union ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale qui subordonne l’établissement de nouvelles pharmacies à des limites tenant à la densité démographique et à la distance entre les pharmacies, de telles limites étant susceptibles de répartir les pharmacies d’une manière équilibrée sur le territoire national, d’assurer ainsi à l’ensemble de la population un accès approprié au service pharmaceutique, et, par conséquent, d’augmenter la sûreté et la qualité de l’approvisionnement de la population en médicaments.

12

Selon la juridiction de renvoi, il est incontestable que la profession d’opticien, plus que celle de pharmacien, est dominée par des aspects commerciaux. D’un autre côté, il ne saurait être tout à fait exclu, à son estime, que l’introduction et le maintien d’un régime particulier de répartition territoriale des magasins d’optique relèvent d’un intérêt comparable, en termes de protection de la santé publique. À cet égard, la juridiction de renvoi souligne le fait qu’il est à craindre que, en l’absence de toute réglementation, les magasins d’optique finissent par se concentrer dans les localités réputées les plus rentables, au détriment des localités moins favorisées de ce point de vue, lesquelles souffriront de ce fait à terme d’un nombre insuffisant d’opticiens.

13

Dans ces conditions, le Consiglio di Giustizia Amministrativa per la Regione Siciliana a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le droit de l’Union en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services doit-il être interprété en ce sens que relève d’une raison impérieuse d’intérêt général, liée à l’exigence de protéger la santé humaine, une réglementation nationale – en l’espèce, l’article 1er de la [loi régionale no 12/2004] – qui subordonne l’installation des magasins d’optique sur le territoire d’un État membre (en l’espèce, une partie dudit territoire) à des limites tenant à la densité démographique et à la...

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