Presidenza del Consiglio dei Ministri and Others v Rina Services SpA and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:159
Docket NumberC-593/13
Celex Number62013CC0593
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 March 2015
62013CC0593

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 10 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑593/13

Presidenza del Consiglio dei Ministri e.a.

contre

Rina Services SpA,

Rina SpA et

SOA Rina Organismo di Attestazione SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie)]

«Articles 49 TFUE, 51 TFUE, 52 TFUE et 56 TFUE — Liberté d’établissement — Libre prestation des services — Participation à l’exercice de l’autorité publique — Directive 2006/123/CE — Article 14 — Article 16 — Organismes chargés de vérifier et de certifier le respect des conditions requises par la loi auprès des entreprises réalisant des travaux publics — Réglementation nationale imposant à ces organismes d’avoir leur siège statutaire sur le territoire national — Ordre public et sécurité publique»

1.

La présente affaire, qui tire son origine d’une demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie), fournit à la Cour de justice l’occasion d’interpréter et d’appliquer, en pratique pour la première fois, les dispositions en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur ( 2 ), ( 3 ), et ce à la lumière des dispositions du TFUE qui régissent lesdites libertés.

2.

La question que pose, en substance, la juridiction de renvoi est de savoir si est compatible avec le droit de l’Union une disposition de droit national obligeant les sociétés désirant fournir certains services (en l’occurrence, des services d’attestation) dans un État membre à avoir leur siège statutaire dans cet État membre. Si la Cour de justice a certes depuis longtemps examiné l’exigence selon laquelle un prestataire de services doit avoir son siège statutaire (ou sa résidence, dans le cas d’une personne physique) dans un lieu déterminé et l’a déclarée incompatible avec le droit primaire ( 4 ), il convient dans la présente affaire d’aborder cette question à la lumière de la directive 2006/123, qui introduit dans le droit dérivé la jurisprudence en la matière. Dans ce contexte, la difficulté principale posée en l’espèce ne réside pas tant dans le point de savoir si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, un État membre peut subordonner la prestation de services d’attestation sur son territoire à la condition que l’entreprise ait son siège statutaire dans l’État membre concerné étant donné que, ainsi que nous le verrons, la directive 2006/123 est dénuée d’ambiguïté à cet égard; la difficulté réside plutôt dans la question de savoir jusqu’à quel point l’obstacle à l’exercice des libertés fondamentales en question que constitue cette condition discriminatoire peut s’avérer justifié dans le cas présent. Cela supposera de déterminer préalablement les dispositions spécifiques de la directive applicables au cas d’espèce et relatives tant au droit d’établissement qu’à la libre prestation des services.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

La directive 2006/123 qui, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, a pour objet d’établir «les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services», ne s’applique pas, en vertu de son article 2, paragraphe 2, sous i), aux activités participant à l’exercice de l’autorité publique conformément à l’actuel article 51 TFUE.

4.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2006/123, intitulé «Relation avec les autres dispositions du droit communautaire»:

«Les États membres appliquent les dispositions de la présente directive conformément aux règles du traité régissant le droit d’établissement et la libre circulation des services.»

5.

L’article 14 de la directive 2006/123, figurant sous le chapitre III («Liberté d’établissement des prestataires»), dispose ce qui suit:

«Les États membres ne subordonnent pas l’accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de l’une des exigences suivantes:

1)

les exigences discriminatoires fondées directement ou indirectement sur la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, l’emplacement du siège statutaire, […];

[…]

3)

les limites à la liberté du prestataire de choisir entre un établissement à titre principal ou à titre secondaire, en particulier l’obligation pour le prestataire d’avoir son établissement principal sur leur territoire, ou les limites à la liberté de choisir entre l’établissement sous forme d’agence, de succursale ou de filiale;

[…]».

6.

L’article 16 de la directive 2006/123 prévoit:

«1. Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants:

a)

la non-discrimination: l’exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l’État membre dans lequel elles sont établies;

b)

la nécessité: l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement;

c)

la proportionnalité: l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

2. Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l’une des exigences suivantes:

a)

l’obligation pour le prestataire d’avoir un établissement sur leur territoire;

[…]

3. Les présentes dispositions n’empêchent pas l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement et conformément au paragraphe 1. Elles n’empêchent pas non plus cet État membre d’appliquer, conformément au droit communautaire, ses règles en matière de conditions d’emploi, y compris celles énoncées dans des conventions collectives.

[…]».

B – Le droit italien

7.

Aux termes de l’article 64, paragraphe 1, du décret du président de la République italienne no 207/2010, du 5 octobre 2010 (ci-après le «D.P.R. no 207/2010»):

«Les sociétés organismes d’attestation sont constituées sous la forme de sociétés par actions, dont la dénomination sociale doit expressément contenir l’expression ‘organismes d’attestation’; le siège statutaire doit être situé sur le territoire de la République.»

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

8.

La demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie) a pour origine un litige opposant, d’une part, la Presidenza del Consiglio dei Ministri et d’autres organes de l’administration publique italienne et, d’autre part, Rina Services SpA, Rina SpA et SOA Rina Organismo di Attestazione SpA (ci-après «SOA Rina») respectivement (ci-après, prises collectivement, les «sociétés du groupe Rina») ( 5 ), en relation avec l’obligation qu’impose le droit italien que les «sociétés organismes d’attestation» (Società Organismo di Attestazione, ci-après les «SOA») ( 6 ) aient leur siège statutaire en Italie. La Presidenza del Consiglio dei Ministri et les autres organes de l’administration publique italienne ont formé un pourvoi devant le Consiglio di Stato dans chacune des trois procédures contre les arrêts rendus par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio par lesquels, sans se prononcer définitivement sur le fond, cette juridiction a fait droit aux recours formés par chacune des sociétés du groupe Rina pour contester la légalité de l’article 64, paragraphe 1, du D.P.R. no 207/2010.

9.

Le Consiglio di Stato, qui a joint les trois affaires aux fins du dépôt d’une demande de décision préjudicielle, a saisi la Cour de justice des questions préjudicielles suivantes:

«1)

Les principes du traité concernant la liberté d’établissement (article 49 TFUE) et la libre prestation de services (article 56 TFUE), ainsi que les principes de la directive 2006/123/CE, s’opposent-ils à l’adoption et à l’application d’une réglementation nationale qui prévoit que, pour les SOA, constituées sous forme de sociétés par actions, ‘le siège légal doit être situé sur le territoire de la République’?

2)

La dérogation visée à l’article 51 TFUE doit-elle être interprétée dans le sens qu’elle comprend une activité comme celle d’attestation exercée par des organismes de droit privé, lesquels, d’une part, doivent être constitués sous la forme de sociétés par actions et opèrent sur un marché concurrentiel et, d’autre part, participent à l’exercice de prérogatives de puissance publique et sont, de ce fait, soumis à un régime d’autorisation et à des contrôles stricts de l’autorité de surveillance des marchés publics de travaux, services et fournitures?»

10.

Dans le cadre de la procédure devant la Cour, les sociétés du groupe Rina, le gouvernement italien, le gouvernement suédois et la Commission...

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