Opinion of Advocate General Wahl delivered on 8 May 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:311
Date08 May 2018
Celex Number62017CC0033
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-33/17
62017CC0033

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 8 mai 2018 ( 1 )

Affaire C‑33/17

Čepelnik d.o.o.

contre

Michael Vavti

[demande de décision préjudicielle formée par le Bezirksgericht Bleiburg/Okrajno sodišče Pliberk (tribunal de district de Bleiburg, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Libre prestation de services – Législation nationale exigeant d’un destinataire de services la constitution d’une caution pour garantir une amende qui pourrait être imposée à un prestataire de services établi dans un autre État membre – Articles 16 et 19 de la directive 2006/123/CE – Exception du droit du travail – Justification – Article 56 TFUE – Proportionnalité – Droits de la défense – Droit à un recours juridictionnel effectif – Directive 2014/67/UE »

1.

Dans la présente affaire – un renvoi préjudiciel du Bezirksgericht Bleiburg/Okrajno sodišče Pliberk (tribunal de district de Bleiburg, Autriche) –, la Cour est invitée à préciser si le droit de l’Union interdit à un État membre d’exiger d’une personne, destinataire de services qui lui sont fournis par les travailleurs détachés d’une entreprise établie dans un autre État membre, la constitution d’une caution et la suspension des paiements à cette entreprise. En vertu des dispositions pertinentes de la législation nationale, le montant encore dû pour ces services doit être versé aux autorités de l’État membre d’accueil afin de garantir le paiement d’une éventuelle amende qui pourrait être encourue à l’avenir par le prestataire de services en raison de la violation de certaines dispositions de la législation nationale du travail.

2.

Afin de déterminer si la mesure nationale en cause est contraire au droit de l’Union, la Cour devra examiner l’interaction entre, d’une part, les règles de l’Union européenne relatives à la libre prestation de services posées à l’article 56 TFUE, la directive 2006/123/CE ( 2 ) et la directive 2014/67/UE ( 3 ) et, d’autre part, les règles nationales qui selon l’État membre concerné font partie de sa législation du travail.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

En vertu de l’article 1er, paragraphe 6, de la directive services, intitulé « Objet » :

« La présente directive ne s’applique pas au droit du travail, à savoir les dispositions légales ou contractuelles concernant les conditions d’emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs, que les États membres appliquent conformément à leur législation nationale respectant le droit [de l’Union]. Elle n’affecte pas non plus la législation des États membres en matière de sécurité sociale. »

4.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, de la directive services, intitulé « Relation avec les autres dispositions du droit [de l’Union] » :

« Les États membres appliquent les dispositions de la présente directive conformément aux règles du traité régissant le droit d’établissement et la libre circulation des services. »

5.

L’article 16 de la directive services, intitulé « Libre prestation des services », dispose :

« 1. Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants :

a)

la non-discrimination : l’exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l’État membre dans lequel elles sont établies ;

b)

la nécessité : l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement ;

c)

la proportionnalité : l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

2. Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l’une des exigences suivantes :

a)

l’obligation pour le prestataire d’avoir un établissement sur leur territoire ;

b)

l’obligation pour le prestataire d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris une inscription dans un registre ou auprès d’un ordre ou d’une association professionnels existant sur leur territoire, sauf dans les cas visés par la présente directive ou par d’autres instruments de la législation [de l’Union] ;

c)

l’interdiction pour le prestataire de se doter sur leur territoire d’une certaine forme ou d’un certain type d’infrastructure, y compris d’un bureau ou d’un cabinet d’avocats, dont le prestataire a besoin pour fournir les services en question ;

d)

l’application d’un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui empêche ou limite la prestation de service à titre indépendant ;

e)

l’obligation, pour le prestataire, de posséder un document d’identité spécifique à l’exercice d’une activité de service délivré par leurs autorités compétentes ;

f)

les exigences affectant l’utilisation d’équipements et de matériel qui font partie intégrante de la prestation du service, à l’exception de celles nécessaires à la santé et la sécurité au travail ;

g)

les restrictions à la libre prestation des services visées à l’article 19.

3. Les présentes dispositions n’empêchent pas l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement et conformément au paragraphe 1. Elles n’empêchent pas non plus cet État membre d’appliquer, conformément au droit [de l’Union], ses règles en matière de conditions d’emploi, y compris celles énoncées dans des conventions collectives.

[…] »

6.

L’article 17 de la directive services prévoit une liste de « Dérogations supplémentaires à la libre prestation des services ». En vertu du point 2 de cette liste, « [l]’article 16 ne s’applique pas […] aux matières couvertes par la directive 96/71/CE ».

7.

La section 2 du chapitre IV de la directive services concerne les « Droits des destinataires de services ». Aux termes de l’article 19 :

« Les États membres ne peuvent pas imposer au destinataire des exigences qui restreignent l’utilisation d’un service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un autre État membre, notamment les exigences suivantes :

a)

l’obligation d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes ou de faire une déclaration auprès de celles-ci ;

b)

des limites discriminatoires à l’octroi d’aides financières au motif que le prestataire est établi dans un autre État membre ou pour des raisons liées à l’emplacement du lieu où le service est fourni. »

B. Le droit autrichien

8.

L’article 7m du Arbeitsvertragsrechts-Anpassungsgesetz (loi modifiant la loi sur les contrats de travail) de 1993 (BGBl., 459/1993, ci-après l’« AVRAG ») prévoit ce qui suit :

« 1. En cas de soupçon raisonnable d’une infraction administrative au titre de l’article 7b, paragraphe 8, de l’article 7i ou de l’article 7k, paragraphe 4, et dans l’hypothèse où en raison de certaines circonstances, il y a lieu de supposer que les poursuites ou l’exécution des sanctions seront impossibles ou substantiellement plus difficiles pour des motifs tenant à la personne de l’employeur (contractant) ou de la société de mise à disposition de main-d’œuvre, les organes des autorités fiscales en combinaison avec les enquêtes au titre de l’article 7f ainsi que la caisse des congés payés et des licenciements pour les ouvriers du bâtiment peuvent exiger par écrit du maître d’ouvrage, en cas de mise à disposition de main‑d’œuvre, à l’employeur, qu’il ne verse pas le prix de l’ouvrage encore dû ou la rémunération de la mise à disposition encore due ou une partie de cette somme (suspension des paiements). […] Les organes des autorités fiscales ainsi que la caisse des congés payés et des licenciements pour les ouvriers du bâtiment ne peuvent imposer une suspension des paiements que lorsqu’une caution provisoire au titre de l’article 7l n’a pas pu être fixée ou collectée. […]

[…]

3. En cas de soupçon raisonnable d’une infraction administrative au titre de l’article 7b, paragraphe 8, de l’article 7i ou de l’article 7k, paragraphe 4, et dans l’hypothèse où en raison de certaines circonstances, il y a lieu de supposer que les poursuites ou l’exécution des sanctions seront impossibles ou substantiellement plus difficiles pour des motifs tenant à la personne de l’employeur (contractant) ou de la société de mise à disposition de main-d’œuvre, l’autorité administrative régionale peut par décision exiger du maître d’ouvrage, en cas de mise à disposition de main-d’œuvre de l’employeur, qu’il verse le prix de l’ouvrage encore dû ou la rémunération de la mise à disposition encore due ou une partie de cette somme en tant que caution dans un délai raisonnable. […]

[…]

5. Le versement au titre du paragraphe 3 a pour effet pour le maître d’ouvrage ou l’employeur de le libérer de sa dette vis-à-vis du contractant ou de la société de mise à disposition de main-d’œuvre.

[…] »

...

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